Tigré : la dénonciation inattendue du commandant éthiopien qui se dissocie de la sale guerre d’Abiy (F. Beltrami)

Le retrait des troupes érythréennes du Tigré, annoncé en grande pompe par le Premier Ministre éthiopien Abiy Ahmed Ali mais réduit au silence par le régime nord-coréen de l’Érythrée, a été salué comme un geste positif par les chancelleries occidentales. Cependant, les doutes et les réserves ne manquaient pas. Combien de divisions sont réintégrées? Combien en reste-t-ils? Qui surveille le retrait des troupes? La nouvelle du début de la troisième offensive, coïncidant avec le jour où les troupes érythréennes ont commencé (théoriquement) à se retirer du Tigré, a accru ces perplexités.

Les nouvelles du front montrent qu’au lieu de quitter le Tigré, les troupes érythréennes sont engagées dans des batailles sanglantes dans l’espoir de gagner enfin la résistance du TPLF. La région du Tigré est à nouveau isolée. Les communications et l’électricité coupées dans la majorité du Nord-Ouest où se déroulent des opérations militaires.

« C’est une guerre sale qui cause des souffrances à la population sans défense ». C’est la déclaration choquante à l’agence de presse AFP du Général de l’armée fédérale éthiopienne Yohannes Gebremeskel Tesfamariam, chef d’un groupe de travail formé en réponse au conflit du Tigré.

Une déclaration qui va à l’encontre des assurances du Premier Ministre Abiy selon lesquelles ils veulent que nous croyions à une victoire imaginaire et que la paix et l’ordre ont été rétablis au Tigré. Le général Tesfamariam a réitéré ses déclarations le 11 mars dans la capitale régionale Mekele lors d’une conférence de presse à laquelle ont participé des dizaines de diplomates.

“C’est une sale guerre parce qu’elle concerne tout le monde. Il n’y a pas de fronts. Le coût est immédiat pour les sans défense. Sur les atrocités, le viol, le crime … Je ne peux pas vous donner de preuves concrètes, mais je pense que nous ne pourrions pas continuer à dire qu’ils n’ont pas eu lieu. Je connais très peu de conflits ou de violences exceptionnels – ou de combats, permettez-moi de dire – qui ne se sont terminés que par des armes. Casques bleus des Nations Unies au Soudan du Sud. Tesfamariam espère que d’autres mécanismes favorisant un cessez-le-feu et le début des négociations de paix seront envisagés. “Je pense que c’est la solution. Je ne pense pas que nous échapperons à ce processus”, affirme le général Tesfamariam avec conviction.

La ville de Hawzen au confine avec l’Erythrée, est soumise à de violents bombardements par les troupes éthiopiennes et érythréennes. Des sources locales témoignent que les civils sont particulièrement visés. 20 autres camions de renforts érythréens sont entrés dans Tigré via Zalambessa pour participer à l’offensive en cours. Des combats furieux ont eu lieu près de la ville de Selekleka, près de Shire. Des témoins affirment qu’une fois les combats terminés, les soldats éthiopiens et érythréens auraient tué plusieurs civils pour venger les pertes subies en raison de la résistance du TPLF. Des combats entre les autorités fédérales, les troupes érythréennes et le TPLF sont actuellement en cours dans les localités de Samre, Tembein, Hitalo Weijerat, Axum Wukromaray.

Comme ce fut le cas avec la deuxième offensive, lancée en février dernier, même dans cette nouvelle phase du conflit, la résistance du TPLF semble plus vive que jamais. Le 3 avril, les forces de Tigrinya ont tendu une embuscade à une colonne de soldats érythréens qui se dirigeaient d’Edaga Arbi à Nebelet pour soutenir les camarades engagés dans une dure bataille. Une déclaration du TPLF prétend avoir anéanti la colonne érythréenne, tuant 265 soldats et en blessant 342. Il est impossible de vérifier la véracité de la déclaration.

Alors qu’Abyi tente de faire croire au monde que les mercenaires érythréens quittent le Tigré, l’armée d’Asmara est aussi engagée dans une deuxième offensive en Oromia contre l’Armée de Libération d’Oroma. La OLA a lancé une série d’attaques il y a trois semaines, capturant 13 districts à 70 km de la capitale Addis-Abeba. À court d’hommes, le Premier Ministre éthiopien avait demandé au dictateur érythréen Isaias Afwerki d’envoyer des troupes pour défendre Addis-Abeba. Les troupes érythréennes auraient arrêté l’offensive de l’OLA sur la capitale et se livraient à des combats dans les districts ouest et sud de l’État d’Oromia.

D’autres troupes érythréennes soutiendraient les attaques des milices Fano Amhara et de l’armée fédérale contre le Soudan. Attaques s’inscrivant dans la guerre de faible intensité et non déclarée née d’un différend territorial après la revendication de zones à l’intérieur du Soudan par les dirigeants d’extrême droite Amhara: alliés du Premier Ministre éthiopien.

Ce bulletin de guerre, soigneusement vérifié, montre à quel point les communications du gouvernement fédéral d’Addis-Abeba sont peu crédibles, manifestement émises pour calmer les puissances occidentales, concernes par la tournure ethnique et génocidaire qui a pris le conflit au Tigré.

 

 

Fulvio Beltrami