Ethiopie : le Parti de la Prospérité prépare une offensive en Oromia au moment du Ramadam et de la Pâque orthodoxe (F. Beltrami)

L’Éthiopie est célèbre pour la tolérance et la coexistence des religions et pour la foi profonde de sa population. On s’approche à de deux célébrations religieuses très importantes et populaires. Le Ramadam débutera le 13 avril. Fasika (Pâque orthodoxe éthiopienne) sera célébrée le 2 mai. Il est certain que ces deux importants témoignages de foi ne seront pas célébrés au Tigré où l’escalade militaire due à la troisième offensive des troupes érythréennes augment le numéro des victimes, de destructions, de crimes de guerre. Au Tigré, il n’y aura pas le temps d’observer le Ramadam ou de célébrer Fasika. En Tigré, il reste seulement de pleures les morts et chercher de la nourriture pour survivre.
Malheureusement, même pour 35 millions de citoyens éthiopiens en Oromia, le Ramadam et la Fasika pourraient cette année être éclipsés par la tempête de violence et de destruction que le gouvernement fédéral, dirigé par le Premier Ministre Abiy Ahmed Ali: le Parti de la prospérité est en train de prépare.

Depuis le vendredi 9 avril, des colonnes de véhicules blindés, de chars et d’artillerie lourde à longue portée des armées érythréenne et éthiopienne entrent dans l’État d’Oromia pour tenter de vaincre le soulèvement armé du Front de libération d’Oromia – OLF et de sa branche militaire Front de Libération d’Oromia – OLA. Des photos de véhicules blindés AFV de type 89 (de fabrication chinoise) ont été divulguées sur les réseaux sociaux comme preuve d’une offensive imminente entre l’Éthiopie et l’Érythrée.
Au total 25000 soldats (principalement des Érythréens), 3000 miliciens Fano Amhara et environ 2000 hommes d’une autre milice fasciste Amhara: Liyu Hayil, après avoir arrêté l’offensive OLF-OLA sur la capitale Addis-Abeba, préparent désormais l’enfer en Oromia identique de ce que nous avons observé en Tigré. Un cadeau du Parti de la Prospérité pour la période des fêtes musulmanes et chrétiennes. Comme cela s’est produit au Tigré, les communications téléphoniques et Internet ont également été interrompues par le gouvernement fédéral dans diverses régions d’Oromia.

Des rapports vérifiés suggèrent que l’escalade de la guerre civile en Oromia a déjà commencé. Entre vendredi et samedi, il y a eu deux affrontements importants entre la coalition triple alliance (Érythrée, Éthiopie, Amhara) et l’OLF-OLA. Le premier dans la localité de Gimbi, West Wellega, où un convoi de camions transportant des renforts des troupes fédérales a été pris en embuscade. La deuxième dans la localité de Liben, à l’est de Guji, une patrouille de l’armée fédérale a été prise en embuscade alors qu’elle se rendait au camp militaire de Gimii Eldelo, occupé par les rebelles oromo il y a un mois.
L’OLF-OLA revendique dans les deux cas des victoires eclatantes, qui ne sont pas faciles à vérifier. Les seules preuves proviennent des autorités sanitaires de l’hôpital de la ville de Nedjo. Ils confirment avoir reçu un nombre élevé de soldats fédéraux blessés par balle. “La destruction des unités ennemies à Gimbi et Liben est un message clair de ce qui l’attend aux milices fédérales, érythréennes et amhara”, a déclaré la brigade Soddom Booroo, l’une des unités d’élite de l’Armée de Libération d’Oromo. Toujours selon le service de renseignement de l’OLF, ses unités de guérilla se sont emparées d’un important dépôt d’armes du gouvernement après une attaque contre un camp militaire non précisé.

Une nouvelle certaine est que la région de Wallagga, à l’ouest de l’Oromia, est assiégée par les troupes érythréennes et les milices amhara. Les communications, l’électricité et l’eau ont été coupées. Déjà quelques milliers de personnes fuient les combats. Des sources locales affirment que les miliciens de l’OLF-Ola à Wallagga se trouveraient en sérieuse difficulté avec l’éventualité que la ligne de défense occidentale d’Oromia soit détruite par les forces de la triple alliance. La résistance à Wallagga est en train de devenir un symbole de la lutte des Oromo contre l’État central.
Bien que les miliciens de l’OLF-OLA se révèlent disposer de plusieurs hommes bien équipés en armes, munitions et entraînement militaire, il leur sera difficile d’arrêter l’offensive imminente préparée par Asmara et Addis-Abeba. Le risque est que l’Oromia et ses habitants subissent le même sort du Tigré, quel que soit le vainqueur.
Des sources humanitaires affirment qu’il y a un recrutement massif de jeunes Oromo. Sous le slogan Nutis Wallaggaadha (nous sommes tous Wallagga) plusieurs centaines de jeunes se sont activés en qualité des partisans avec la tâche d’attaquer les colonnes logistiques du gouvernement fédéral pour arrêter les approvisionnements en nourriture, eau, armes et munitions. Objectif: forcer les soldats érythréens et les miliciens Amhara à se retirer de la ligne de front de Wallagga. L’OLF-OLA revendique la mort du commandant de la brigade éthiopienne Getinet Mulgeta, tombé samedi 10 avril lors d’une bataille à Wallagga.

Les militants de la défense des droits de l’homme rapportent que pendant une semaine et dans les zones de la région d’Amhara à populations mixtes, au moins 303 citoyens d’origine Oromo ont été tués par les milices Amhara. On craint que est commence un nettoyage ethnique identique comme cela de la partie méridionale du Tigré, maintenant peuplées de colons Amhara et sous l’administration directe des dirigeants Amhara d’extrême droite.
Dans la capitale, il y a une vague d’arrestations arbitraires des dissidents et d’étudiants universitaires Oromo orchestrée par le chef des services secrets Temesgen Tiruneh déjà soupçonné d’avoir coordonné les arrestations arbitraires de nombreux citoyens d’origine tigrigna à Addis-Abeba entre novembre et décembre 2020. Tiruneh, avec Agegnehu Teshager (actuel président de l’État d’Amhara), ils sont au sommet de la direction nationaliste Amhara, tenue pour responsable de la répression des services du NISS et des crimes commis par les milices Fano et Liyu Hayil.
Les tactiques de violence, consistant en massacres de civils, viols massifs et pillages, sont très similaires à celles adoptées par les milices serbes et croates pendant la guerre civile en Yougoslavie dans les années 1990. Les dirigeants politiques de l’OLF arrêtés à partir d’août 2020 restent en prison car ils sont considérés par le Premier Ministre Abiy comme un grave danger pour son contrôle du pays et pour le projet de destruction de la fédération ethnique en imposant un État centralisé et autoritaire. Toutes les nouvelles du front rapportées ici ne trouvent aucune confirmation de la part du gouvernement fédéral éthiopien
Avec l’escalade du conflit à Oromia, la situation en Éthiopie s’aggrave. Un pourcentage important du territoire national échappe en effet au contrôle administratif du gouvernement: Tigré, Oromia, Benishangul-Gumuz (où se trouve le méga barrage du GERD), zones frontalières avec le Soudan, Afar, Région Somali (ex Ogaden). Les conflits en cours dans ces régions augmentent le nombre de personnes déplacées et de réfugiés. Selon les experts de la coopération, ce nombre est appelé à augmenter cette année en raison des différentes offensives et contre-offensives qui détruisent les infrastructures publiques, la production agricole et les denrées alimentaires. On s’attend à une aggravation de l’insécurité alimentaire, de la malnutrition et à une aggravation drastique des conditions sanitaires, hydriques et hygiéniques.

Divers observateurs régionaux ne parviennent pas à comprendre la politique du Premier Ministre Abiy qui l’a conduit à déclencher des conflits contre des secteurs importants de sa population (les Oromo représentent 40% de la population nationale tandis que les Tigrigna 7%) puis à être contraint de confier la majorité des opérations militaires à des étrangers : les troupes d’Érythrée. Divers observateurs conviennent qu’avant l’aventure militaire au Tigré (qui a ouvert la boîte de Pandore de la guerre ethnique à travers le pays), il y avait de réelles possibilités de résoudre les problèmes politiques internes de l’Éthiopie par des moyens pacifiques d’une manière très simple, moins coûteuse, honorable et durable.
Selon ce qui a été rapporté par les médias du gouvernement éthiopien, le conflit entre Afar et la région somalienne (ancien Ogaden) pourrait trouver une solution. Cela diminuerait la tâche des troupes érythréennes qui combattent maintenant partout en Éthiopie pour défendre les dirigeants d’Amhara, le Parti de la prospérité et le Premier ministre Abiy. Selon ce qui a été rapporté par les médias officiels le jeudi 8 avril, les présidents des États Afar et Somali ont accepté de résoudre pacifiquement les problèmes et les tensions ethniques qui ont conduit aux récents affrontements entre les forces de sécurité régionales respectives. Les services de sécurité du gouvernement fédéral auraient assisté à cette réunion.
L’escalade probable du conflit en Oromia semble inévitable pour empêcher les forces de l’OLF-OLA de continuer à occuper des territoires et de menacer la capitale Addis-Abeba. Malheureusement, l’effet secondaire immédiat est la réduction des troupes de la Triple Alliance combattant au Tigray. De nombreuses divisions sont maintenant transférées en Oromia. Cette situation est à l’avantage du TPLF qui peut désormais lancer de nouvelles offensives pour libérer Tigré. Entre le jeudi 8 et le samedi 9 avril, plusieurs affrontements ont eu lieu au Tigré.
Les forces éthiopiennes et érythréennes ont perdu les localités de Wukro Maray et de la Sélékléka maintenant sous le contrôle des forces Tigrinya. Avant de se retirer, ils auront commis des massacres contre des civils pour venger les pertes subies. Des massacres de civils ont été également enregistrés dans les villes de Shire et d’Axum. On ne sait toujours pas qui contrôle réellement la ville historique éthiopienne d’Axum. D’autres affrontements entre les forces de la Triple Alliance et du TPLF sont enregistrés dans d’autres localités du Tigré. La situation est extrêmement déroutante mais on a l’impression claire que la troisième offensive militaire tentée par le gouvernement érythréen a également été brisée face à la résistance du TPLF.

Nous devons nous demander comment le TPLF résiste en s’engageant dans des batailles rangées avec un usage intensif de l’artillerie et des armes lourdes, tout comme il était possible que les milices Oromo de l’OLA, vaincues en 2020, puissent désormais constituer une menace directe pour le capital en forçant le démarrage d’une deuxième campagne militaire du pays. On soupçonne fortement que les deux formations «rebelles» reçoivent un soutien et des approvisionnements du Soudan et de l’Égypte, les deux pays impliqués dans le conflit très dangereux sur les eaux du Nil et le barrage du GERD.
Avec l’offensive d’Oromia, le Premier Ministre, Prix Nobel de la Paix : Abiy est confronté à un choix difficile. Concentration des troupes à Oromia pour maintenir le contrôle de la capitale Addis-Abeba en affaiblissant la capacité de combat au Tigray ou vice versa. Pour des raisons évidentes, il semble que le Premier Ministre ait opté pour la défense de la capitale et pour le contrôle d’Oromia. Abiy peine à imposer la suprématie de sa formation politique: le Parti de la Prospérité qu’il dirige le pays depuis décembre 2019 grâce à un coup d’État constitutionnel qui a remplacé la coalition au pouvoir dirigée par le TPLF: le Front Démocratique Révolutionnaire du Peuple Ethiopien (EPRDF).
L’unité du Parti de la Prospérité souffre des effets de la guerre civile. Le P.P. il est basé sur des lignes ethniques. En pratique, c’est un parti qui réunit 5 partis etniques: Amhara PP (APP), Oromia PP (OPP), Somali PP (SPP), Sidama PP et Tigray PP (TPP). La crise entre l’Oromia PP et l’Amhara PP, qui a débuté en mars 2021, s’aggrave désormais en raison des guerres d’Oromia. Les deux partis ethniques s’accusent d’être la cause des violences et des massacres perpétrés jusqu’à présent. On se demande comment il sera possible de promouvoir l’identité nationale éthiopienne aux dépens de l’identité ethnique et de créer un État central fort alors que le parti au pouvoir lui-même est divisé sur des bases ethniques et reflète toutes les tensions existant entre les différents groupes ethniques en conflit avec l’un l’autre.

Veuillez noter. Toutes les informations relatives à la guerre civile et ethnique en Éthiopie font l’objet de mises à jour continues en raison de la fluidité de ce méga conflit. Les informations ont été vérifiées au mieux de leurs capacités dans le cadre du black-out et de la répression des journalistes exercés par le gouvernement fédéral d’Addis-Abeba. Les informations sont diffusées, avec bénéfice du doute, sur la base de l’intérêt de mieux comprendre les impacts potentiels des événements sur l’Éthiopie et sur la région du Corne de l’Afrique. Toutes les informations rapportées proviennent de tiers et le contenu de toutes les informations rapportées et liées reste de la seule responsabilité de ces tiers.

Fulvio Beltrami