Cinéma : Clint Eastwood et Ken Loach, gauche et droite unies contre le système

Alors qu’on traverse une période socio-politique mondiale où les divergences entre gauche et droite se répandent sans solution, le cinéma nous présente quelques ressemblances singulières entre des réalisateurs qui, au moins en théorie, auraient dû se trouver sur des fronts opposés.
C’est le cas de Clint Eastwood et Ken Loach. Deux octogénaires qui ont été distingués pour leur très longue carrière, célèbres aussi pour leurs engagements politiques, respectivement à droite et à gauche, ne manquant pas d’intervenir sur l’actualité à travers leurs oeuvres ou par des déclarations publiques. C’est encore le cas avec leurs derniers films en salle : Richard Jewell pour Clint Eastwood et Sorry We Missed You, pour Ken Loach,  deux satires sociales féroces sur les conditions des travailleurs.
Richard Jewell est un agent chargée de la sécurité des Jeux d’Atlanta de 1996. Il est l’un des premiers à alerter de la présence d’une bombe dans un sac à dos à un concert dans la ville et ainsi à sauver des vies. Le film, récit complet et rigoureux, mariant précision et pathos, insiste sur le traitement réservé à cet homme, accusé de terrorisme par le FBI, attaqué par les médias alors que les preuves manquent. Son seul soutien vient de son avocat scrupuleux et droit. Deux personnages d’une Amérique au travail et saine, les derniers héros américains, pas tant pour la grandeur de leur entreprise que pour leur altruisme et leur réaction face au danger et à l’injustice.
L’humain au centre 

De son côté, Ken Loach ne conteste pas le travail des institutions, mais leur absence même, leur façon d’abandonner les jeunes et les travailleurs dans les mains sans pitié du capitalisme. Les protagonistes de son film ne sont d’ailleurs pas des héros, au contraire, ils sont peu instruits et montrent peu de compétences, à part leur attachement à leur famille, leur honnêteté presque naïve. De jeunes parents, résidents à Newcastle en Angleterre, sont contraints de travailler comme postier et infirmière à domicile à cause de la crise économique. Deux emplois éreintants, sans presque protection syndicale aucune pour se confier ou se défendre. Le réalisateur ne se prive pas de faire de nombreuses références au passé de gauche du pays.

Ce qui rassemble les deux réalisateurs, géants du cinéma, c’est cette façon de mettre l’humain au premier plan, avec leurs qualités et leurs défauts surtout. L’ennemi n’est pas tant le classique adversaire politique, mais surtout l’indifférence, la solitude et la superficialité, toutes fruits d’un système économique qui trahit autant les idéaux socialistes et communistes si chers à Ken Loach, que les profondes valeurs américaines aimées de Clint Eastwood, et qui se retrouvent dans la Déclaration d’Indépendance.

Alex De Gironimo