Congo : les terroristes rwandais FDLR lancent une offensive et reprennent des territoires à l’est (F. Beltrami)

Massisi, province du Nord-Kivu, est du Congo. Lundi 5 avril, le Président congolais Félix Tshisekedi annonce une offensive imminente des FARDC (Forces Armées de la République Démocratique du Congo) contre le groupe terroriste FDLR (Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda) responsable du génocide qui a eu lieu au Rwanda en 1994. Récemment, les FDLR ont été désignées par le gouvernement de Kinshasa comme les premiers suspects dans l’assassinat barbare de l’Ambassadeur italien, Monsieur Luca Attanasio.

Des enquêtes conjointes Italie-Congo sur sa mort sont toujours en cours au Nord-Kivu. Les deux gouvernements ne fournissent aucune information sur le travail de l’équipe commune pour éviter de compromettre les enquêtes qui sont extrêmement sensibles. Il suffise de souligner qu’environ 10 jours après l’assassinat du Monsieur Attanasio à Goma (la capitale du Nord-Kivu), le Procureur chargé de l’enquête a été tué par des inconnus.

L’offensive FARDC dans l’est du pays visait à anéantir les forces négatives présentes dans les provinces du Sud et du Nord-Kivu depuis près de 20 ans, pillant les ressources naturelles et tuant des milliers de personnes. La stabilisation des provinces Est, le rétablissement de l’ordre et de l’autorité de l’État est une étape obligatoire de la politique de renaissance du Congo, menée par le Président Tshisekedi. Dans les provinces de l’Est, (ensemble aux provinces du Kasaï et du Katanga), il y a une concentration de 80% des ressources naturelles détenues par le pays africain dont l’extension géographique est égale à tous les pays d’Europe Occidentale.
Le volume des affaires découlant de l’extraction et du commerce de l’or, des diamants, du coltan et d’autres matières rares indispensables aux téléphones mobiles, aux ordinateurs et aux équipements aérospatiaux, est estimé à environ 80 millions par mois, dont 20 seulement finiraient dans les caisses de l’État. Le reste est le butin de guerre de ces groupes armés voués à la contrebande de minerais. Au fil des années, un véritable réseau criminel s’est créé impliquant ces groupes armés, l’ancien gouvernement du dictateur Joseph Kabila, le Burundi, l’Ouganda, le Rwanda, la Chine, la Russie, les Emirats Arabes Unis et autre acteurs internationaux. Grâce à une série de triangulations, les minerais de guerre atteignent les multinationales américaines et européennes qui ne sont pas en mesure, par les lois internationales, d’acheter ces minerais à des groupes armés.
La nécessité de nettoyer l’est du Congo de ces bandes d’assassins et de rétablir le contrôle de l’État, tout en étant un devoir de protéger la vie et les biens de la population, est également une nécessité économique. Sans un contrôle total des ressources naturelles de l’Est, le pays ne peut espérer un développement socio-économique et une sécurité nationale.

L’offensive lancée la semaine dernière n’a pas épargné hommes et moyens. Au moins deux divisions d’infanterie, appuyées par des chars et artillerie lourde, avaient été chargées de vaincre le groupe terroriste FDLR et d’autres groupes plus petits. Considérant que plusieurs offensives contre les FDLR ont été lancées depuis 2019 grâce à la coopération militaire Congo-Rwanda pour la sécurité de la région des Grands Lacs, ces terroristes rwandais avaient été gravement affaiblis.
Les FDLR ont perdu de nombreux territoires (et mines) et ont été contraints de se réfugier au Burundi voisin. Grâce à l’alliance politique militaire signée en 2014 avec le dictateur burundais Pierre Inkurunziza, (alliance renouvelée par l’actuelle junte militaire arrivée au pouvoir après la mort du dictateur), les FDLR peuvent utiliser le Burundi comme un refuge où c’est possible mettre en place des camps d’entraînement pour les recrues.
D’après les informations dont disposent les services de renseignement congolais et rwandais, le nombre de combattants FDLR avait considérablement diminué. L’offensive du 5 avril était censée être la dernière pour résoudre définitivement le problème.

Malheureusement, les événements de ces derniers jours ont démenti dramatiquement les prévisions optimistes de la Présidence et de l’Etat-Major de l’armée congolaise. Les opérations de guerre ont débuté le jeudi 8 avril sur le territoire de Masisi (Nord-Kivu) considéré comme le dernier bastion stratégique des terroristes rwandais. L’armée congolaise, après avoir pris position dans la ville de Mweso, se prépare à lancer l’offensive finale. À la grande surprise, les soldats congolais des FARDC ont été submergés par une offensive inattendue des FDRL qui les a pratiquement mis en pièces.
Au moins 8 000 terroristes bien entraînés et bien armés (selon les estimations de la population locale) ont attaqué les positions des FARDC et les ont anéanties. La défaite finale a été infligée à l’armée congolaise le samedi 10 avril. Défaite confirmée par la Coordination Territoriale de la Société Civile du territoire de Masisi. L’ONG française Médecins Sans Frontières a confirmé un afflux massif de civils qui se sont réfugiés dans leur base humanitaire de Masisi pour échapper à la violence aveugle des FDLR.
MSF n’a pas pu confirmer les événements de guerre, se limitant à son mandat humanitaire: assister la population. 6.000 Congolais ont fui vers la base MSF, créant une crise humanitaire immédiate à laquelle l’ONG française a pu répondre de manière adéquate grâce à l’allocation immédiate des fonds supplémentaires. Nous rappelons que Médecins Sans Frontières tire des fonds pour ses opérations humanitaires principalement auprès de particuliers et d’institutions économiques et financières privées.

L’offensive réussie des FDLR aurait été rendue possible par l’alliance avec un autre groupe rebelle congolais appelé Nyhantura-APCLS (Alliance des Patriotes pour un Congo Libre et Souverain). Les journaux en ligne congolais, dont Actualité.CD, ont largement rapporté les affrontements de guerre, fournissant des détails précieux.
L’état-major de l’armée congolaise, à travers le porte-parole de la 34e région militaire, le Major Njike Kaiko, nous présente une version diamétralement opposée des événements. Selon Kaiko, les terroristes ont tenté une offensive à grande échelle mais “sont entrés en collision avec la puissance de feu de nos soldats qui les ont vaincus. Maintenant ils sont en plein désarroi. Aucune localité du Masisi n’est sous le contrôle de cette coalition Nyhantura-APCLS-FDLR », selon la déclaration officielle du porte-parole au journal Actualité.CD.

Malheureusement, des centaines de témoins qui ont fui les zones impliquées dans les affrontements semblent nier les déclarations rassurantes de l’état-major de la FARDC. Après la défaite que les soldats congolais auraient subie à Mweso, les combats se sont poursuivis dans les localités de Nyabiondo, Muheto, Kitshanga, Mpati, Kivuye, Bukombo. D’après les informations reçues, les forces républicaines de Kinshasa ont réussi à arrêter l’avancée des terroristes mais auraient perdu la position importante de Kitshanga.
Historiquement, ceux qui contrôlent cette localité sont capables d’isoler la très riche capitale provinciale: Goma et, de la menacer directement. «Ici à Goma, nous sommes navrés par cette nouvelle mais nous ne sommes pas inquiets. La coalition terroriste n’a pas l’intention d’attaquer la ville. Leur objectif est de reconquérir les territoires de Masisi riches en minéraux précieux et de réactiver le lucratif marché noir de l’or et du coltan. » nous explique un lieutenant FARDC contacté par téléphone explique qu’il a demandé l’anonymat.

Ce qui était censé être une offensive militaire définitive et résolue s’est transformé en une escalade d’un conflit de faible intensité qui dure maintenant depuis 20 ans. Le gouvernement congolais doit maintenant affronter le groupe terroriste réorganisé FDLR qui redevient une menace régionale. La défaite subie par l’armée congolaise révèle deux vérités importantes. Les FDLR n’opèrent pas seul dans l’est du Congo. Au fil des ans, ils ont réussi à imposer leur influence à de nombreux petits groupes armés congolais agissant au nom des terroristes rwandais. Les FDLR, bien qu’ayant subi de lourdes défaites entre 2019 et 2020, ont réussi à se réorganiser et à s’aimer aussi grâce à l’alliance avec le régime burundais. Selon les rapports du renseignement régional, les FDLR contrôleraient la vie politique, militaire et économique au Burundi.
Rappelons que l’objectif de reconquérir les territoires de l’est du Congo riches en minerais rares représente une nécessité économique pour les FDLR. Avec le trafic illégal de minerais, les FDLR financent leur objectif ultime: reprendre le Rwanda et reprendre le génocide des Tutsis, interrompu depuis 1994 lorsque les forces génocidaires HutuPower (qui formaient les FDLR au Congo en 2000) ont été vaincues par le gouvernement actuel du Président Paul Kagame. Ces jours-ci, le Rwanda commémore la mémoire des millions de victimes du génocide, pour la plupart des Tutsis, mais aussi de nombreux Hutus modérés et opposants au régime racial nazi de Juvénal Habyarimana.

Fulvio Beltrami