Congo: au Nord Kivu, des manifestations violentes de jeunes contre les casques bleus et le gouvernement (F. Beltrami)

Les défaites subies au Nord-Kivu par l’armée congolaise FARDC à Masisi infligées par les terroristes rwandaises des Forces Démocratiques de Libération du Rwanda arrivent à un moment extrêmement délicat pour le pays. Il y a une forte manifestation de jeunes (à la limite de la révolte) dans diverses villes de la province du Nord-Kivu contre la mission de maintien de la paix de l’ONU au Congo: MONUSCO, accusée de passivité et de ne pas remplir le mandat reçu du Conseil de Sécurité de l’ONU concernant la défense des populations à l’est du Congo, continuellement tourmenté par divers groupes rebelles.

Il y a eu de violentes manifestations contre la MONUSCO à Goma et Beni. Cette dernière ville, située dans le district de Lubero, est depuis le 2014 victime de violences sans précédent menées par les FDLR et d’autres groupes armés mineurs. Les manifestations ont été organisées il y a 10 jours à l’initiative de l’association Vétranda Mutsanga et du mouvement citoyen Lucha qui ont incité une foule de jeunes contre la MONUSCO.

Les manifestations enregistrées à Goma et Beni depuis lundi dernier ont toutes un caractère très violent: pillages, maisons incendiées, actes de vandalisme graves contre certains bâtiments publics. Le chaos généré a paralysé les activités commerciales. La police, dans une tentative désespérée de contenir la colère populaire, est intervenue d’une main lourde. Le bilan provisoire est de 6 morts parmi les manifestants dont 3 uniquement dans la ville de Beni, épicentre de la révolte.

Les appels à la retenue et au calme lancés par la députée provinciale Adèle Bazizane et la gouverneure du Nord-Kivu, Carly Kasivita, ont été vains. Les militants de l’association Véranda Mutsanga et du mouvement citoyen Lucha continuent de revendiquer le départ immédiat des casques bleus de la MONUSCO jusqu’au bout. Le président Félix Tshisekedi a également ouvert un dialogue avec la MONUSCO pour sa sortie du pays. Un résultat qui doit être bien  planifié dans un laps de temps estimé d’un à deux ans. Arrêter du jour au lendemain une mission de 20 000 soldats et 8 000 civils est incroyablement irréaliste.

Des voyous et de jeunes criminels se sont infiltrés parmi les manifestants, attirés par la possibilité de pouvoir piller des magasins profitant de la confusion. Ces infiltrations ont été causées par le fait que les associations qui ont promu les manifestations n’ont pas fourni de service de sécurité interne pour identifier et isoler les brouillards et les têtes brûlées.

Cette dégénérescence sociopolitique, qui transforme une protestation compréhensible en actes de violence, est le résultat du régime précédent (qui a duré 18 ans). Le dictateur Joseph Kabila avait fait de l’insécurité permanente dans l’est du pays son atout pour le pillage des richesses naturelles en étroite collaboration avec les terroristes rwandais FDLR et d’autres acteurs régionaux et internationaux. C’est la raison principale pour laquelle les provinces du Nord et du Sud Kivu n’ont jamais été pacifiées, condamnant deux générations de jeunes à la pauvreté, au chômage chronique et à la petite délinquance.

Les casques bleus de la MONUSCO ont-ils vraiment des défauts? La réponse est aussi compliquée que le contexte dans lequel les casques bleus opèrent dans l’est du Congo.

Les détracteurs de la MONUSCO accusent la mission de paix, (qui dure depuis plus de 20 ans et a un coût annuel d’un milliard de dollars), d’être témoin passivement de la violence des gangs armés qui infestent les provinces de l’est du pays, y compris les terroristes FDLR. Les casques bleus sont également accusés d’avoir favorisé la prolifération de la prostitution, d’avoir augmenté artificiellement le coût de la vie élevé dans les zones d’intervention en payant le triple du coût réel de chaque bien et service et de créer une inflation incontrôlable en conséquence directe.

A noter que depuis 1996, la monnaie en circulation dans le pays est le dollar américain. La monnaie nationale: le franc congolais n’est pas largement utilisé en raison de l’inflation. Malheureusement, l’utilisation d’une monnaie étrangère sape la souveraineté monétaire et augmente à son tour l’inflation. Certains officiers supérieurs de la MONUSCO ont même été soupçonnés de trafic d’or, de diamants et de coltan avec des terroristes FDLR et d’autres groupes armés. Cette dernière accusation n’a jamais été prouvée et pourtant, ces dernières années, certains responsables indiens et pakistanais ont été expulsés du Congo sur ordre du Conseil de Sécurité de l’ONU pour des raisons jusqu’ici inconnues.

Il convient de noter que la MONUSCO opère dans un contexte extrêmement difficile. Depuis 1994, l’est du Congo est plongé dans le chaos à cause des réfugiés rwandais qui ont fui le Rwanda après le génocide. Avec eux aussi les forces génocidaires qui ont tué un million de personnes en seulement 100 jours en 1994. L’arrivée des réfugiés (et des forces armées génocidaires) a marqué la fin du pays. La dictature de Mobutu Sese Seko Kuku Ngbendu Wa Za ​​Banga (connue en Occident sous le nom de Mobutu) touchait à sa fin.

Le Zaire (rebaptisée République démocratique du Congo en 1996) a été déchirée par la violence de l’État, les violations des droits de l’homme, les massacres de minorités antiques, la corruption et le système kleptomane mis en place par un simple sergent des troupes coloniales (Mobutu) mis aux commandes du pays par la France et la Belgique après avoir assassiné le héros national de l’indépendance: le Premier Ministre Patrice Lumumba considéré comme un nationaliste et un communiste. C’était l’époque de la guerre froide.

En 1996 et 1998, le Congo a connu deux guerres panafricaines avec la participation d’au moins 6 puissances régionales. La paix de 2004 a été suivie d’une série de rébellions et de révoltes ethniques. Au cours des 20 dernières années, diverses milices, terroristes et groupes armés se disputent l’énorme richesse minérale des provinces du Nord et du Sud-Kivu. Tout tourne évidemment autour des immenses richesses naturelles qui sont présentes dans les provinces orientales à tel point que cela est considéré comme un scandale géologique.

La MONUSCO affirme qu’elle ne peut pas intervenir militairement contre ces groupes armés sans une demande formelle du gouvernement congolais, comme l’indiquent clairement les règles strictes du Conseil de Sécurité de l’ONU. Cependant, la société civile du Nord-Kivu souligne que, selon la résolution du 28 mars 2013, les casques bleus pourraient intervenir militairement même sans autorisation préalable, en cas de menace évidente pour la vie de la population.

Il convient également de noter l’impact économique de la MONUSCO, principal moteur économique et source d’emploi des jeunes dans de nombreuses villes du Nord et du Sud Kivu, sans tenir compte des commerçants locales qui se sont enrichi autour de la mission de paix onusienne au cours de ces deux décennies. Si la mission devait fermer du jour au lendemain, il y aurait un effondrement économique et une augmentation significative ainsi que soudaine et dramatique du chômage.

On comprend que la population du Nord-Kivu, depuis 20 ans victime de violences sans précédent des FDLR et d’autres groupes armés et réduite à la pauvreté absolue, a développé un fort ressentiment contre les casques bleus de l’ONU et contre le gouvernement de Kinshasa mais l’attitude des deux associations congolaises promouvant la révolte des jeunes sont irrationnelles.

Le chaos qu’ils ont involontairement créé aide indirectement les mêmes terroristes et groupes armés que Véranda Mutsanga et le comité Lucha accusent de crimes contre l’humanité. Au contraire, ces associations devraient soutenir leur gouvernement contre les gangs armés et la corruption pour assurer un avenir meilleur à la jeunesse congolaise.

La situation devient dangereuse. Il y a déjà les premiers signes de violence ethnique. Dans la matinée aujourd’hui à Buhene, une agglomération située dans la région de Munigi, territoire du volcan Nyiragongo, près de la capitale de Goma, il y a eu des violences contre l’ethnie Nande suite à la mort de deux jeunes manifestants contre la MONUSCO dimanche soir.

La population était convaincue que les responsables étaient des policiers Nande. Des bandes de jeunes en colère appartenant à l’ethnie Kumu (d’origine hutue rwandaise) ont attaqué la communauté Nande, incendiant au moins 5 maisons. Le bilan des morts est actuellement inconnu. Après le massacre qui a eu lieu aux petites heures du matin, des jeunes sont descendus dans les rues de Goma et se sont livrés à de violents affrontements avec la police. Les autorités régionales et centrales ont ordonné à la police de se retirer pour éviter de nouvelles effusions de sang.

Plusieurs citoyens de Goma ont été contactés et ils ont nous informés de la déception ressentie par une partie considérable de la population face à la violence des jeunes. «Ces gars ont toutes les raisons. La MONUSCO est inutile mais on ne peut pas se livrer à la violence pour elle-même et dénoncer ensuite l’intervention forcée de la police. Que feriez-vous en Europe dans une situation similaire? Laisseriez-vous cela se faire en détournant la tête? Si la violence doit être utilisée pour résoudre les problèmes de notre pays, alors il vaut mieux la retourner contre les bandes armées qui nous tuent chaque jour, en soutenant la police et ce pauvre Christ de Félix qui essaie par tous les moyens de nous sauver ” commente un commerçant de Goma.

Le président Félix Tshisekedi tente de promouvoir une politique très ambitieuse, difficile mais nécessaire. Faire du Congo un pays normal qui peut exploiter ses immenses ressources géologiques pour améliorer le niveau de vie de la population, donner des emplois aux jeunes, relancer l’économie.

Tshisekedi a lancé plusieurs politiques très radicales: lutte contre la corruption, restauration de l’ordre et de la sécurité dans l’est du pays, réorganisation du secteur minier et pétrolier, réforme fiscale comme lutte contre l’évasion fiscale qui fait chaque mois environ 8 millions de euro disparues dans la nature uniquement dans les provinces orientales. Un Congo stabilisé, même avec une démocratie imparfaite, deviendrait une superpuissance régionale grâce à la richesse qu’il possède.

Comme premier succès tangible, Tshisekedi a réussi à évincer du gouvernement son allié (ancien dictateur) Joseph Kabila, qui semble désormais avoir disparu de l’arène politique nationale. Le gouvernement nouvellement formé est composé de personnes hautement compétentes soumises à des contrôles anti-corruption stricts et à l’obligation de garantir efficacité sur le travail.

Pourtant, Félix Tshisekedi se trouve mis au défi par un pourcentage important de la population de l’est du Congo. Des délirants sites en ligne congolais de propagande ethnique-politique l’accusent de tous les maux et d’être une marionnette entre les mains du Rwanda voisin. Un peuple comme les Congolais, réputé pour sa haute éducation et son intelligence, est désormais réduit à une population semi-analphabète en proie à mille théories du complot. À titre d’exemple, le Congo est le plus grand générateur de Fake News en Afrique généralement diffusé via WhatsApp.

Selon certaines informations, la communauté Nande, victime des attaques ethniques de lundi à Goma, blâme le président Tshisekedi. Une fausse nouvelle circule sur les réseaux sociaux qui reproche au Chef de l’État d’avoir autorisé les soldats rwandais à entrer à Goma pour tuer les Nande. Ces délirantes fausses nouvelles font prises sur la population parce dans le provinces est du Congo le vrai problème est la haine ethnique entre bantous, hutus et tutsis.

Une haine si profondément ancrée dans l’esprit de centaines de milliers de pauvres vivant sous le seuil de pauvreté qu’elle devient une source de tensions ethniques cycliques et de violence. Un horrible bain de sang qui n’est que le terrain idéal pour les différents gangs armés, principalement sous la bannière des terroristes rwandais des FDLR, auteurs du génocide de 1994. Ces criminels ont tout intérêt à entraver le travail de Tshisekedi et à nourrir la haine ethnique afin de continuer à voler les richesses naturelles nécessaires au développement de la nation.

 

Fulvio Beltrami