Congo-Rwanda. La situation s’est aggravée. Hélicoptère de l’ONU abattu. Huit casques bleus tués

Un hélicoptère Puma de la Mission des Nations Unies de maintien de la paix en République Démocratique du Congo: la MONUSCO a été abattu près de la localité de Cyanzu, dans le territoire de Rutshuru (province du Nord-Kivu) à l’est du pays alors qu’il survolait la zone de combat entre les forces régulières de l’armée congolaise (FARDC) et les rebelles congolais du Mouvement du 23 mars (M23).

Le bilan des victimes est terrifiant. Tout l’équipage de l’hélicoptère est mort. Six casques bleus de nationalité pakistanaise, un soldat russe et un soldat serbe. “La cause exacte de l’accident n’a pas encore été déterminée”, a déclaré le porte-parole du contingent militaire pakistanais. Peu après, le porte-parole du secrétaire général de l’ONU, Stéphane Dujarric, a confirmé l’incident à New York.

Le commandement central de la mission de maintien de la paix de la MONUSCO à Goma (la capitale du Nord-Kivu) a indiqué avoir perdu le contact avec l’un des six hélicoptères en reconnaissance à Cyanzu vers midi hier. En début d’après-midi l’accident était certain après la découverte des restes de l’hélicoptère abattu. Les autorités militaires de la province du Nord-Kivu ont imputé l’attaque aux rebelles du M23. Une accusation qui n’est actuellement confirmée ni par le gouvernement central de Kinshasa ni par les Nations Unies.

Dans un communiqué diffusé hier en fin d’après-midi par le M23, le Major Willy Ngoma, porte-parole du groupe rebelle, met en cause l’armée congolaise. Selon la reconstitution des événements du M23, deux hélicoptères de la MONUSCO survolaient les collines de Cyanzu tandis que l’armée congolaise bombardait les positions rebelles adjacentes. L’un des deux hélicoptères a été touché par un obus de 122 mm lancé à partir d’une batterie de lance-roquettes multiples de fabrication russe, une arme utilisée pour la première fois lors de l’offensive sur le fleuve Don en 1942 et connue sous le nom de “Orgue de Staline”. Selon le porte-parole du M23, l’armée congolaise a délibérément abattu l’hélicoptère pour impliquer les casques bleus de l’ONU dans la guerre contre le M23.

Certains experts militaires régionaux remettent en question cette version. Les FARDC n’avaient aucune raison d’abattre l’hélicoptère pour impliquer les casques bleus de l’ONU puisque les unités de la MONUSCO combattent déjà aux côtés des forces armées congolaises.

L’implication des casques bleus aux côtés de l’armée congolaise a été confirmée par le général Benoit Chavanat, commandant en second des forces de la MONUSCO dans un communiqué diffusé lors de sa visite à Beni, une ville du Nord-Kivu. Chavanat a déclaré que la Mission des Nations Unies soutient les forces armées congolaises contre les rebelles du M23.

«Il y a deux problèmes principaux. Le premier est évidemment la protection des civils, qui est au cœur de notre mission. Et quant à la zone des combats en cours, nous sommes présents sur une base importante au sud-ouest de Bunagana. Cette présence nous permet d’une part d’accueillir des populations civiles évidemment très désorientées. Il y a eu des mouvements de populations civiles qui craignent pour leur sécurité. Nous avons déjà accueilli plusieurs groupes de personnes hier », a expliqué le général Benoit Chavanat. Cet accompagnement se réalise par le partage d’informations, mais aussi par un soutien logistique constant à travers la fourniture de moyens de transport, moyens d’évacuation sanitaire, etc.

Nos sources locales rapportent que le soutien de la MONUSCO aux FARDC va bien au-delà de celui déclaré par le général Chavanat. Selon ces sources, les casques bleus ont participé en partie aux combats mais, surtout, ils offrent le service de transport de troupes aussi bien des soldats réguliers congolais que des miliciens de milices locales non précisées. L’hélicoptère de l’ONU aurait été touché par les rebelles du M23 car il participait activement aux affrontements qui se déroulaient sur le lieu de l’accident.

L’attaque contre la MONUSCO a lieu un jour après la convocation de l’ambassadeur du Rwanda à Kinshasa alors que deux soldats rwandais qui combattaient aux côtés des rebelles ont été capturés au cours des combats. Malgré les preuves, le gouvernement de Kigali a nié toute implication.

Les tensions entre le Congo et le Rwanda trouvent leur origine dans les accusations portées par le général congolais Sylvain Ekenge, porte-parole du gouverneur militaire du Nord-Kivu. Le lundi 28 mars, Ekenge a déclaré que les Forces Rwandaises de Défense soutenaient les rebelles du M23, menaient des raids et attaquaient les positions des Forces Armées Congolaises (FARDC) dans deux endroits différents du territoire de Rutshuru, au Nord-Kivu. A l’appui de ses allégations, le général congolais Ekenge a déclaré que deux soldats rwandais avaient été arrêtés lors des attaques de lundi. Les deux militaires présumés, en civil, se tenaient à côté de lui et ont été diffusés à la télévision congolaise.

L’ambassadeur du Rwanda à Kinshasa convoqué par le gouvernement congolais pour expliquer la position de son gouvernement dans les récents combats entre les forces armées des FARDC et le M23 a déclaré : « Le Rwanda ne soutient pas le M23 politiquement ou militairement. Engagement réaffirmé avec le ministre congolais des Affaires étrangères dans la vérification conjointe des deux pays sur les accusations portées par le général Sylvain Ekenge ».

Les éclaircissements de l’ambassadeur Karega ont été précédés de la déclaration diffusée aux médias régionaux par François Habitegeko, gouverneur de la province de l’ouest du Rwanda qui borde le Nord-Kivu. « Nous réfutons catégoriquement les accusations sans fondement de l’armée congolaise. Nos forces armées ne sont en aucun cas impliquées dans des activités de guerre en République démocratique du Congo ». Le gouverneur Habitegeko a expliqué que les deux Rwandais désormais prisonniers au Congo ont été arrêtés “il y a plus d’un mois” et ne font pas partie de l’armée rwandaise. Cependant, des observateurs indépendants affirment que les deux Rwandais sont en réalité des soldats des forces de défense de Kigali capturés lors des combats de lundi au Nord-Kivu.

Avant l’écrasement de l’hélicoptère de la MONUSCO, le gouvernement congolais avait tenté de se calmer pour éviter une grave crise diplomatique entre Kinshasa et Kigali qui pourrait raviver l’un des conflits les plus horribles et destructeurs de la région. Le Rwanda, l’Ouganda et le Congo se sont déjà affrontés à deux reprises (1996 et 1997-2004) impliquant d’autres pays africains et donnant lieu à la Première et Seconde Guerre panafricaine. Deux conflits caractérisés par des crimes de guerre commis de part et d’autre et des centaines de milliers de victimes civiles.

Invité lundi soir par le Journal Afrique de TV5 Monde, le ministre congolais de la Communication et porte-parole du gouvernement Patrick Muyaya avait délibérément utilisé le conditionnel pour qualifier les accusations contre le Rwanda, réitérant toutefois qu’il était temps de mettre fin à cette forme d’hypocrisie qui ou il y aurait cette forme de complicité entre le M23 et le gouvernement du Rwanda. « Nous voulons considérer le Rwanda comme un pays partenaire, comme nous regardons l’Ouganda.

Depuis l’arrivée massive en RDC de Hutus rwandais accusés d’avoir massacré des Tutsis lors du génocide de 1994, le Rwanda est régulièrement accusé par Kinshasa de razzier le Congo et de soutenir des groupes armés dans l’Est du pays dont le M23. Avec l’Ouganda, le Rwanda a été le principal acteur des deux guerres panafricaines menées au Congo. La première contre le dictateur Mobutu Sese Seke en 1996 et la deuxième contre Laurent Désiré ‘Kabila puis Joseph Kabila (son fils) de 1997 à 2004. Les relations se sont apaisées avec l’arrivée au pouvoir de Félix Tshisekedi début 2019, qui a rencontré plusieurs fois son homologue rwandais.

La mort des 8 casques bleus a précipité la situation, rendant difficiles les efforts des deux gouvernements pour éviter une dangereuse crise politique.

Aussi appelé « Armée révolutionnaire congolaise », le M23 est issu d’une ancienne rébellion congolaise tutsie autrefois soutenue par le Rwanda et l’Ouganda qui a déclenché un soulèvement populaire en 2012 dans l’est du Congo dans le but de destituer le dictateur Joseph Kabila et de rétablir l’ordre et l’État de droit. à la campagne. La révolte a donné naissance à une guerre civile menée dans l’est du Congo qui a duré un an où les casques bleus onusiens de la MONUSCO sont intervenus militairement contre le M23 en formant une alliance tactique avec les terroristes rwandais des Forces Démocratiques de Libération du Rwanda – FDLR utilisés pour combattre le M23 .

En septembre 2013, les miliciens du M23 ont reçu l’ordre de leurs alliés (Ouganda et Rwanda) d’arrêter les hostilités et de battre en retraite à travers la frontière. Diverses unités rebelles ont convergé en Ouganda et d’autres au Rwanda où leurs gouvernements respectifs les ont accueillis et leur ont offert une protection. Le gouvernement de Kinshasa avait alors promis d’intégrer les rebelles du M23 dans l’armée nationale. Promesse jamais tenue. En novembre 2021, le mouvement rebelle congolais retraverse depuis le Rwanda voisin en attaquant des postes militaires en territoire congolais et en accusant Kinshasa de ne pas respecter les engagements pris en 2013 sur la démobilisation et la réinsertion de ses combattants.

En ce moment, des nouvelles inquiétantes font état d’affrontements entre l’armée congolaise FARDC et les rebelles du M23 dans diverses zones du Nord-Kivu, y compris celles proches de la frontière avec l’Ouganda. On soupçonne que les soldats ougandais soutiennent également activement les rebelles ainsi que les soldats rwandais. Des centaines de civils ont été tués dans les combats et des milliers de réfugiés ont été signalés. Place Saint Pierre est entrain de rassembler toutes les informations nécessaires pour bien comprendre la situation et comprendre s’il s’agit de combats isolés ou du début de la troisième guerre panafricaine au Congo qui, selon certains observateurs régionaux, ferait partie d’une guerre par procuration entre les États-Unis la Russie et la Chine en Afrique pour le contrôle des ressources naturelles.

Fulvio Beltrami