Congo : un couvre-feu décrété pour mettre fin à la violence ethnique à Goma (F. Beltrami)

Les manifestations de jeunes contre les Casques Bleus de la MONUSCO dans les villes de Goma et Beni (province du Nord-Kivu) organisées par l’association Véranda Mutsanga et le mouvement Lucha ont dégénéré en violences ethniques et en massacres. Les affrontements entre deux ethnies: Kumu et Nande, qui ont eu lieu à l’aube du lundi 12 avril à Buhene, une agglomération proche de la capitale provinciale Goma, se sont poursuivis tout au long de la journée. Le bilan provisoire est de 7 personnes tuées et 22 blessées. Les jeunes des deux groupes ethniques s’affrontent avec des massues en fer, des bâtons à pointes, des machettes, des couteaux de cuisine.
Il y a également eu des pillages sauvages de magasins et de maisons privées. La population de l’agglomération a fui, se réfugiant à Goma. La police a tenté en vain de rétablir l’ordre, mais elle a été submergés par la violence aveugle et primitive de ces jeunes sous-classes désespérées depuis des décennies de pauvreté et de chômage.
Les Kumu sont un groupe ethnique hutu du Rwanda, tandis que les Nande sont un groupe ethnique ougandais qui a immigré au Kivu voisin, au Congo il y a 400 ans, s’installant principalement dans les zones de Butembo, Beni et Lubero.

La police a tenté en vain d’intervenir. Les autorités provinciales et le gouvernement de Kinshasa, comprenant la gravité de la situation, sont entrain de mobiliser l’armée pour mettre fin à cette violence ethnique. Une réunion d’urgence sur la sécurité de la province du Nord-Kivu a été convoquée en fin d’après-midi hier. Le gouverneur Carly Kasivita a imposé un couvre-feu en soirée à partir de 18h00 sur toute la capitale provinciale Goma et ses environs.
<< Le conflit interethnique et les violences perpétrées contre la Mission de la MONUSCO au Nord-Kivu sont inacceptables. Il appartient à l'État congolais de sécuriser le pays par le biais de nos forces de défense et chaque Congolais a le devoir sacré de soutenir les efforts à faire pour restaurer la paix et l'ordre» a déclaré lundi soir le premier vice-président de l'Assemblée nationale, Jean Marc Kabund-A-Kabund. Dès les premières enquêtes sur les causes et la dynamique de ces violences, semble émerger une réalité très différente de cela décrite par les manifestants sur le réseau social: le meurtre de deux jeunes lors d'une manifestation menée par des policiers de l'ethnie Nande. Selon divers témoins, les tensions entre Kumu et Nande sont issues du meurtre de deux chauffeurs de motocyclettes Kumu perpétré par un groupe de jeunes manifestants dans le quartier de Buhene le dimanche 11 avril. Dans l'est du Congo, du Rwanda et de l'Ouganda, les motos-taxis (appelés Boda Boda) sont très populaires et utilisés par la population. Le travail de Boda Boda est souvent l'une des rares opportunités d'emploi pour les jeunes mais cache une réalité d'exploitation féroce car la plupart des chauffeurs de taxi travaillent dans des conditions inhumaines pour des tiers. Les deux chauffeurs de taxi ont été accusés de ne pas se joindre à la grève contre la présence des Casques Bleus de l'ONU et contre le gouvernement de Kinshasa. Après une dispute, les deux malheureux ont été attaqués et battus à mort avec des bâtons et des pierres. Les auteurs du crime appartiendraient au groupe ethnique Nande. Le groupe ethnique rival a organisé une vengeance dimanche soir, attaquant la communauté Nande aux petites heures du lendemain. Les responsabilités des deux associations locales qui n'ont pas été en mesure de gérer les manifestations de jeunes contre la présence de la mission de maintien de la paix de l'ONU au Congo, sont fortes. Des manifestations qui ont dégénéré en un conflit interethnique inquiétant et sanglant. Les deux associations: Véranda Mutsanga et Lucha n'ont pas organisé de service de sécurité interne sérieux et n'ont pas calculé le risque que les manifestations puissent dégénérer en violence. En fait, les manifestations contre la MONUSCO à Goma se sont transformées en conflit communautaire car le contexte de conflit latent entre les deux communautés vivant à Buhene a été largement sous-estimé. À la lumière des derniers événements, il semble qu'une réflexion se dessine au sein des manifestants sur l'opportunité de poursuivre ou non les manifestations. Fulvio Beltrami