DRCongo. Lutte contre le terrorisme. Capturé un haut commandant des FDRL. Le Burundi impliqué (Fulvio Beltrami)

Le Président de la République : Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo a choisi de ne pas interrompre l’offensive militaire contre les groupes terroristes et bandes armées qui infestent les provinces de l’Est du Congo, malgré l’urgence humanitaire à Goma provoquée par l’éruption du volcan Nyiragongo qui force l’armée à un grand effort pour aider la population. Cette chois va accentuer la pression sur les FARDC (Forces Armées de la République Démocratique du Congo) mais a été fait pour empêcher les forces négatives de se réorganiser dès les premières défaites subies et récupérer des territoires en profitant de la crise humanitaire.
Le choix de Tshi Tshi Beton (le surnom donné par la population à leur Président), a déjà donné d’excellents résultats. Samedi 9 mai près de Rutshuru (près de Goma, Nord Kivu) a été capturé le Colonel Augustin Nshimiyimana (alias Johari Bora Manasse), haut commandant du principal groupe terroriste qui opère depuis 20 ans dans l’est du Congo: les FDLR (Forces Démocratiques de Libération du Rwanda). La nouvelle n’a été donnée par les autorités congolaises qu’hier.
Augustin Nshimiyimana appartient à la Direction historique des FDLR qui a planifié et mis en œuvre le génocide de 1994. Né en 1967 dans l’ancienne commune de Karago, préfecture de Giseny (à la frontière avec le Nord Kivu), Nshimiyimana a rejoint les auteurs du génocide en 1994 en jouant un rôle clé dans le massacre de citoyens rwandais d’origine tutsie dans la préfecture de Giseny à l’époque contrôlée par les militaires français de l’Opération Turquoise. Il est accusé du massacre de 2 356 personnes, dont beaucoup de femmes et d’enfants de moins de 6 ans.
Après la défaite subie par l’armée de libération dirigée par l’actuel Président Paul Kagame : le FPR (Front Patriotique Rwandais), Nshimiyimana se réfugie avec les autres chefs génocidaires du Zaïre voisin (aujourd’hui République Démocratique du Congo) sous protection militaire française. De là, il réorganisera les forces génocidaires en prenant le contrôle des camps de réfugiés gérés par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (UNCHR) qui a permis l’opération.
En gérant les camps et en détournant d’importants fonds d’aide humanitaire pour acheter des armes et des munitions, Nshimiyimana pourra recréer une force militaire en unissant ce qui restait de l’armée vaincue et les milices génocidaires Interhamwe pour lancer de nouvelles attaques contre le Rwanda de 1995 à 1996.
Échappé au Congo-Brazzaville suite à l’invasion rwandaise de la Première Guerre panafricaine (1996) qui a évincé le dictateur Mobutu Sese Seko Kuku Ngbendu Wa Za Banga, le Colonel Nshimiyimana en 1998, au début de la Seconde guerre panafricaine de le Congo qui durera jusqu’en 2004 revient de Brazzaville pour combattre dans la province de l’Equateur.

Lorsque les forces rwandaises ont conquis la province, il s’est réfugié en République Centrafricaine voisine pour revenir en 2000 et s’installer au centre d’entraînement militaire de Mpelembe, province du Katanga créé par les services secrets français dans le but de réunir et reorganisser les différentes forces génocidaires rwandaises.
Nshimiyimana sera l’un des fondateurs des FDLR en 2000. La naissance du groupe terroriste a toujours été possible grâce au renseignement militaire français. A l’époque, la France était en pleine guerre secrète contre le Rwanda (la fameuse Guerre Noire) car elle n’acceptait pas d’avoir perdu son influence sur le pays stratégique d’Afrique de l’Est, qui était passé sous influence anglophone.
Le Colonel Nshimiyimana s’est vu confier la tâche de forger des alliances militaires entre les FLDR et plusieurs milices congolaises appelées “Mai Mai” afin d’augmenter le pouvoir destructeur des FDLR et le contrôle de territoires riches en ressources naturelles. Par la suite, il a assumé des postes de commandement dans la «police » des FDLR avec pour mission d’assurer la main-d’œuvre gratuite et forcée pour les mines illégales gérées par des terroristes dans les provinces congolaises du Nord et du Sud Kivu.
De 2004 à aujourd’hui, il a occupé divers postes de commandement au sein du bataillon FDLR Mangouste au Sud-Kivu, des bataillons Zodiac et Concorde à Masisi, de la brigade de réserve à Ngingo, également à Masisi. Le poste actuel était commandant adjoint du bataillon de police militaire des FDLR.
L’arrestation du Colonel Nshimiyimana représente un coup dur pour le groupe terroriste rwandais après la capture en 2018 du porte-parole des FDLR Ignace Nkaka (cousin de Nshimiyimana) et l’assassinat du chef militaire suprême Sylvestre Mudacamura en septembre 2019. Un coup dur pour les FDLR qui ont déjà ont perdu d’importantes mines dans l’est du Congo, réduisant ainsi le flux d’argent pour financer leurs activités terroristes au Congo et au Rwanda.
Depuis 2020, les FDLR sont en proie à une guerre interne en leur sein. Les luttes de pouvoir, les disputes et les trahisons se multiplient malgré l’apparition des FDLR à l’extérieur comme un mouvement politique militaire uni. En octobre dernier, un de leurs commandants : le Général Gabral Secyugu Nsengiyumva a été tué par ses collègues dans une violente dispute.
La capture du Colonel Nshimiyimana pose un grave problème à la junte militaire au pouvoir illégalement au Burundi. Selon les services secrets régionaux, Nshimiyimana depuis 2015 s’est régulièrement rendu au Burundi pour rencontrer le Président autoproclamé : Général Neva (prénom Évariste Ndayishimiye, né en 1968) et le Général de division Alain-Guillaume Bunyoni (né en 1972), instruits à la Cour Pénale Internationale pour crimes contre l’humanité et actuel Premier ministre de la junte militaire. Sa dernière visite remonte à avril dernier.
Depuis 2014, les FDLR ont signé un pacte de collaboration politique et militaire avec feu l chef de guerre Pierre Nkurunziza. Pacte renouvelé avec les Généraux Neva et Bunyoni. Avec l’aggravation de la crise politique au Burundi, les FDLR ont progressivement pris des positions de pouvoir, devenant la principale force de défense de la junte militaire et d’excellents partenaires économiques des deux Généraux burundais dans le trafic illégal de l’or congolais.
Les FDLR contrôlent la milice burundaise Imbonerakure, infiltrent l’armée, la police et les services secrets et influencent les choix politiques du « président » Neva. Depuis 2019, l’état-major général des FDLR a été déplacé de Goma (Nord-Kivu) à Bujumbura, au Burundi. Une partie est logée dans une station touristique bien connue dirigée par un entrepreneur européen qui a pleinement embrassé la cause génocidaire HutuPower de la junte militaire à laquelle il est également lié par des affaires opaques. En raison de la présence d’officiers supérieurs des FDLR, sa station touristique est devenue une cible militaire pour l’opposition armée burundaise.
Le Kivu Security Tracker (KST), une ONG respectée qui surveille la violence dans l’est de la République Démocratique du Congo, rapporte que des opérations militaires contre les gangs armés et les FDLR sont en cours le long des frontières avec le Burundi, le Rwanda, la Tanzanie et l’Ouganda, impliquant également la province congolaise de Sud-Kivu, non inclus dans le décret de l’Etat de Siège concernant la province adjacente du Nord-Kivu et celle de l’Ituri.
D’après les informations disponibles sur place, l’armée républicaine des FARDC connaît des succès militaires le long de ces frontières mais connaît des difficultés en Ituri. Il y a deux jours de la nouvelle de l’offensive menée par un groupe armé dans le district de Mungwalu pour tenter de prendre le contrôle des mines d’or de Djugu. L’attaque qui a eu lieu dimanche soir dernier a mis en déroute des soldats républicains, tuant 53 personnes, dont au moins 40 civils.
L’identité des assaillants reste incertaine, car les massacres ont eu lieu dans une zone connue pour les tensions ethniques entre les tribus congolaises Hutu et Tutsi qui ont immigré du Rwanda et pour la présence des Forces Démocratiques Alliées (ADF), un groupe armé ougandais présumé lié à le DAESH, connu en Occident sous le nom d’État Islamique. Place ST Pierre a initié une enquête sur la pénétration de DAESH dans l’Est du Congo.

Fulvio Beltrami