En Turquie, l’inquiétante conversion de l’ancienne basilique Saint-Sophie d’Istanbul en mosquée

Le Conseil d’Etat de la Turquie a officiellement annulé la décision de 1934 par laquelle Mustafa Kemal Ataturk, fondateur de la République de Turquie, avait transformé la mosquée Sainte-Sophie d’Istanbul, ancienne basilique byzantine, en musée. Construite comme cathédrale sous l’empire romain d’Orient en 537, convertie en mosquée le 29 mai 1453, elle est enfin devenue un musée en 1935.

Le 30 juin, le Patriarche oecuménique Bartholomée Ier de Constantinople a affirmé que la Turquie risquait, avec ce projet de reconversion de Sainte-Sophie en mosquée, de créer des conflits, mettant “des millions de chrétiens du monde contre les musulmans”. Appelant à la “sagesse et la raison”, il a fait part de son inquiétude au président turc Recep Tayyip Erdogan déterminé à toucher à un patrimoine classé à l’Unesco, un des monuments les plus importants du monde chrétien orthodoxe. Un monument au “caractère universel” qui, comme musée, rapproche les peuples et les cultures du monde, selon le Patriarche.

Un “héritage endommagé”

La décision des autorités turques a fait réagir de nombreux dirigeants. Pour le Secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo, conserver l’édifice en musée contribuerait à donner “un exemple de l’engagement de la Turquie pour le respect des traditions religieuses et de la riche et diversifiée histoire qui a fait la République turque”. Toucher Sainte-Sophie c’est “endommager l’héritage” de ce célèbre édifice et sa capacité “si rare dans le monde moderne”, à servir de “pont” entre les “différentes traditions religieuses et cultures”.

L’Unesco a aussi réagi appelant la Turquie à ouvrir un dialogue avec “les communautés et les parties concernées” avant toute décision définitive, pour “préserver ce patrimoine et en mettre en avant le sens et le caractère unique”.

La volonté du président Erdogan de modifier le dessein de Sainte-Sophie a provoqué de nombreuses réactions négatives. Le porte-parole du président Ibrahim Kalin, a ainsi souligné que la reprise des prières musulmanes dans le monument d’Istanbul n’entachera pas son identité, étant donné qu’elle appartiendra toujours au patrimoine historique mondial. Il a tenu a rappeler que “toutes nos plus grandes mosquées sont ouvertes autant aux fidèles qu’aux visiteurs”, comme Notre-Dame ou le Sacré-Coeur de Paris. Et ainsi, ouvrir Saint-Sophie au culte musulman “n’empêche pas les visites touristiques” assurant qu’en Turquie il n’y a aucune discrimination envers les autres religions.

Le président Erdogan a annoncé le 10 juillet que l’ex-basilique byzantine de l’ancienne Constantinople serait ouverte aux prières musulmanes en tant que mosquée dès le 24 juillet. Le lendemain, le Conseil œcuménique des Eglises, basé à Genève, qui représente 350 églises chrétiennes et 500 millions de croyants, a exprimé son « chagrin et consternation » après cette annonce, et envoyé une lettre au président turc.