Ethiopie. L’offensive fédérale en Amhara contre le TPLF a commencé. De nombreux soldats ont entre 16 et 19 ans (F. Beltrami)

L’offensive tant promise et médiatisée contre le Front Populaire de Libération du Tigré (TPLF) a débuté hier dans la région d’Amhara. En raison de la faiblesse de l’armée fédérale (ENDF), décimée lors de la campagne du Tigré et des offensives ultérieures de l’armée régulière du Tigré (TDF) en Amhara et Afar, la campagne a commencé par une utilisation répandue des frappes aériennes et des drones de guerre, Iraniens , Èmirats et (peut-être) Turcs. Les zones contrôlées par le TDF les plus touchées sont Gashena, Arbit et Wurgesa. Pour le moment, l’offensive est concentrée dans la région d’Amhara et il n’y a pas de frappes aériennes au Tigré.
Les premières nouvelles du front de cette offensive arrivent pendant que le porte-parole de la direction amhara et Premier Ministre Abiy Ahmed Ali a juré qu’elle sera décisive en déclarant que le TPLF sera détruit dans peu de temps. Les sources de l’information proviennent d’observateurs sur place, de diplomates occidentaux et africains et de communications du régime d’Amhara et du TPLF dans le but d’offrir aux lecteurs une première image partielle des opérations militaires en cours.

Getachew Reda, porte-parole du TPLF a confirmé les bombardements intensifs contre les positions de l’armée TDF et de ses alliés dans la région d’Amhara. “ous assistons à des bombardements massifs contre nos positions en rappelant que le Tigré depuis 11 mois est impliqué dans un conflit armé brutal par les forces pro-gouvernementales. Nous enregistrons de lourds bombardements avec l’utilisation de raids aériens, de drones de guerre et d’artillerie lourde, ainsi qu’une importante concentration de troupes massées dans les parties nord de la région d’Amhara, y compris les zones du Nord Gondar et du Nord Wollo. Nous sommes confiants de pouvoir contrer l’offensive sur tous les fronts. Nous resterons debout jusqu’à la fin du siège du Tigré”.
L’offensive se développe sur trois fronts différents au sein de l’Amhara. Le premier front est concentré dans les localités de Weliya, Ambassel, Mersa, Wichale, entre Hida et Chifra. Pour le moment, les troupes fédérales au sol ne sont pas particulièrement utilisées, préférant les bombardements pour affaiblir la résistance ennemie. Actuellement, les forces TDF tiennent leurs positions défensives.

Le deuxième front se situe dans la zone de Gashena, à la frontière avec le Nord Wollo, occupée par le TPLF en août dernier où il n’y a pas de bombardements particuliers mais des affrontements entre troupes au sol. Nos sources font état d’attaques massives des forces fédérales actuellement toutes repoussées par le TPLF. Les pertes en vies humaines sont inconnues, ce qui devrait être élevé compte tenu de l’intensité et de la barbarie des affrontements à Gashena. Au contraire, le régime Amhara revendique le contrôle de trois zones stratégiques à Gashena. Affirmation que pour le moment n’est pas confirmé. Les zones indiquées par le gouvernement représentent une petite portion du vaste territoire montagneux de Gashena mais pourraient servir de tête de pont pour lancer d’autres offensives.
Le troisième front est positionné à la position stratégique d’Ebenat, dans la wareda (district) de Gonjjam, près de Gondar où l’armée du Tigré tient toujours des positions. L’objectif est de déloger les troupes Tegaru stationnées dans la région et d’empêcher la chute de la ville impériale amhara de Gondar. La direction nationaliste Amhara a particulièrement à cœur la trois offensives qui, si elle réussit, écartera le risque de défaite du régime d’Addis-Abeba.

Si Gondar et Bahir Dar (capitale de la région) venaient à tomber, le TPLF remporterait une victoire quasi définitive sur le gouvernement central. Dépoussiérant la rhétorique nationaliste, les dirigeants amhara ont juré d’imiter la victoire remportée par l’empereur Amhara, Susenyos Ier le 17 janvier 1608, où il a vaincu l’armée d’Oromia, tuant 12 000 Oromo au prix de seulement 400 Amhara. Malgré cette promesse, toutes les attaques fédérales sont désormais repoussées par les forces Tigrinya des TDF. Les Généraux Amhara en colère contre la résistance Tegaru lancent des vagues continues de soldats souffrant de nombreuses pertes.
L’offensive en cours est d’une importance vitale pour les dirigeants nationalistes d’Amhara. En cas d’échec de l’armée fédérale et de ses milices associées, elles risquent de ne plus être en mesure de s’opposer aux forces Tegaru du TPLF et aux partisans de l’Armée de Libération Oromo – OLA. La défense du pays ne serait possible qu’en le confiant aux troupes érythréennes.

On estime que le régime d’Amhara a pu déployer environ 600 000 nouveaux soldats fédéraux. Certains diplomates africains pensent qu’il s’agit d’une estimation exagérée pour des raisons de propagande. A leur avis, il est plus probable que le nombre total d’hommes employés dans l’offensive ne dépasse pas 300 000. Le journaliste de Sky News, John Sparks, de retour d’une mission à Amhara, rapporte que la majorité des soldats fédéraux employés dans l’offensive actuelle sont des collégiens et lycéens âgés entre 16 et 19 ans. Parmi eux beaucoup de filles.
Selon les informations, a titre personnelle, des certain observateurs militaires régionaux, cette armée d’étudiants sera utilisée comme chair à canon, jetant de vagues de milliers d’enfants sur les défenses des Tegaru pour affaiblir leur résistance et leur faire gaspiller des munitions. L’essentiel des opérations sera soutenu par les unités survivants des vétérans de l’armée fédérale, la Garde Républicaine, les milices Amhara FANO et Sheret Lebashoche, avec la participation de l’armée érythréenne, déjà présente avec au moins 4 divisions à Amhara.
Sajid Nadeem, expert en géopolitique indien et reporter sur les conflits (qui publie sur YouTube des rapports précis des différents fronts éthiopiens depuis novembre 2020), affirme que le but de cette offensive est de libérer la région d’Amhara, selon les pressions subies par le Premier Ministre, faites par le Président de l’Amhara Agegnehu Teshager et le chef de la terrible police politique Temesgen Tigruneh, les vrais cerveaux de toute cette horreur primitive.

Le porte-parole de la région d’Amhara confirme indirectement les affirmations de Nadeem, déclarant que la libération de la région d’Amhara est la priorité absolue et doit être menée sur tous les fronts, 24 heures sur 24 et avec chaque homme et moyen disponible du gouvernement éthiopien.
Aucune invasion du Tigré n’est prévue ni offensive en Oromia. Le plan serait de libérer la région d’Amhara, de repousser les forces des TDF en les forçant à se replier sur le Tigré et de poursuivre le blocus terrestre, aérien et humanitaire jusqu’à ce que 7 millions de personnes se rendent ou meurent de faim. Ce n’est qu’après avoir vaincu le TPLF que l’armée fédérale traitera avec les « terroristes » Oromo de l’OLA.

Le Tigré ne pourrait être envahi par les troupes érythréennes (présentes dans les zones du Tigré à la frontière avec l’Érythrée) qu’au cas où les forces Tegaru du TPLF parviennent à repousser l’offensive en cours sur les trois fronts de l’Amhara. L’invasion érythréenne du Tigré ne servirait qu’à forcer le TPLF à diviser ses forces pour défendre sa patrie, permettant ainsi à l’armée fédérale de percer les lignes de défense de Tegaru en Amhara.
L’offensive a été lancée 3 jours après le début des négociations pour la formation du nouveau gouvernement éthiopien suite à la victoire aux élections de juin dernier où la majorité des partis d’opposition n’a pas participé et, en fait, le parti du Premier : le Prosperity Party, a concouru comme candidat unique. L’Union Européenne et les États-Unis n’ont pas endossé la crédibilité de ces élections.

La grande nouveauté du nouveau gouvernement sera une augmentation de la centralisation des pouvoirs du Bureau du Premier Ministre, totalement sous le contrôle des dirigeants Amhara Teshager et Tigruneh. La police politique de l’INSS, l’INSA (Agence de Sécurité des Réseaux d’Information, le réseau d’espionnage télématique sur les citoyens créé il y a 10 ans par Abiy en collaboration avec le TPLF), l’IFS (Investissement & Sécurité Financière), les médias nationaux et toutes les institutions financières seront maintenant dirigé par Premier Abiy. En fait par la direction nationaliste Amhara.

Parallèlement à l’offensive à Amhara, Temesgen Tigruneh a ordonné à la police politique et à la police fédérale d’intensifier la répression contre les citoyens éthiopiens d’origine Tegaru dans la capitale Addis-Abeba et dans toutes les régions et villes sous contrôle fédéral. Le principal journal d’opposition, Addis Standard, rapporte une escalade des arrestations de Tegaru et des fermetures d’entreprises Tigrinya sans précédent.
Au milieu de l’escalade de la guerre et du génocide en cours au Tigré, le Parlement européen a adopté une résolution sur le drame appelant à un large éventail de sanctions contre l’Éthiopie. La résolution appelle à une cessation immédiate des hostilités par toutes les parties belligérantes, à des pourparlers de paix immédiats, à un accès humanitaire libre au Tigré, à la protection des civils et à la fin des violations du droit international et des atrocités de masse commises. Le Parlement européen appelle tous les États membres de l’UE à agir de concert pour mettre fin au conflit en Éthiopie.

La résolution européenne (pas appréciée par la direction nationaliste d’Amhara) est le résultat des obligations que l’Europe a envers les États-Unis suite à la signature du Pacte Atlantique qui a eu lieu après la défaite des nazis lors de la Seconde Guerre mondiale. La pression du Président Biden semble avoir été couronnée de succès. Cependant, force est de constater que le Parlement européen évite de parler de génocide au Tigré, préférant parler d'”atrocités de masse” non précisées et tente, dans le texte officiel de la résolution, de blâmer à toutes les parties belligérantes.les crimes graves contre l’humanité commis par les soldats fédéraux et érythréens.
Enfin, le Parlement européen formule une demande totalement contraire aux plans des États-Unis. Celui de demander au Conseil de Sécurité des Nations Unies de prendre envisageant la possibilité de déployer des Casques Bleus en Éthiopie. Cette proposition, si elle serait adoptée, est pratiquement impossible à mettre en œuvre. C’est bien possible que elle recevrait le rejet immédiat de toutes les parties impliquées dans le conflit qui pourront considérer l’utilisation des Casques Bleus de l’ONU comme une ingérence extérieure et un gel de la guerre pour permettre à l’ennemi de réorganiser ses forces.

Rappelons également que la présence des Casques Bleus de l’ONU en Afrique au cours des vingt dernières années n’a permis de résoudre aucun conflit ni de défendre les populations civiles. L’exemple le plus frappant nous vient de la République Démocratique du Congo, où la mission de maintien de la paix de la MONUSCO en 20 ans n’a pas réussi à arrêter les différentes guerres à l’est et est fortement haïe par la population congolaise en raison du refus constant de protéger les civils des massacres quotidiennement massacrés par les différentes milices.

Fulvio Beltrami