“Le cléricalisme est une énorme corruption avec l’apparence du bien. Il faut l’éviter en mettant l’Église dans un mouvement hors d’elle-même”

“Le cléricalisme qui comme tentation perverse se faufile quotidiennement parmi nous nous fait toujours penser à un Dieu qui ne parle qu’à certains, tandis que les autres ne doivent qu’écouter et jouer”. Et “c’est une énorme corruption avec l’apparence du bien. Il faut l’éviter en mettant l’Église dans un mouvement hors d’elle-même”. Celles prononcées par le Pape François dans le discours de cette année à la Curie romaine, prononcé pour les traditionnelles salutations de Noël, sont des paroles très dures. A cette occasion, François a rappelé la promotion du prochain Synode qui représentera plutôt “l’expérience de se sentir tous membres d’un peuple plus grand : le peuple saint fidèle de Dieu, et donc des disciples qui écoutent et, précisément en vertu de ce en écoutant, ils peuvent aussi comprendre la volonté de Dieu, qui se manifeste toujours de manière imprévisible. Cependant, il serait faux – précisa-t-il – de penser que le Synode est un événement réservé à l’Église en tant qu’entité abstraite, éloignée de nous. La synodalité est un style auquel nous qui sommes ici et qui vivons l’expérience du service de l’Église universelle à travers le travail dans la Curie romaine devons d’abord nous convertir”.

“La Curie – a poursuivi le Pape – n’est pas seulement un outil logistique et bureaucratique pour les besoins de l’Église universelle, mais c’est le premier organe appelé à témoigner, et c’est précisément pour cette raison qu’elle acquiert de plus en plus d’autorité et d’efficacité lorsqu’elle assume personnellement les défis de la conversion synodale à laquelle elle aussi est appelée. L’organisation que nous devons mettre en place n’est pas corporative, mais évangélique”. Se référant à la Nativité imminente du Christ dans le monde, le Pape a répété que “si nous devions exprimer tout le mystère de Noël en un mot, je pense que le mot humilité est celui qui peut le plus nous aider”. “L’humilité était sa porte d’entrée et il nous invite à la franchir. Il n’est pas facile de comprendre ce qu’est l’humilité. C’est le résultat d’un changement que l’Esprit lui-même opère en nous à travers l’histoire que nous vivons”.

Une humilité qui doit nous conduire, a dit le Pape Bergoglio, à déshabiller l’armure de nos sécurités et de “la mondanité, à nous rapprocher de nous-mêmes et des pauvres. Le temps vient, dans l’existence de chacun – a ajouté le Pape – où il y a le désir de ne plus vivre derrière le voile de la gloire de ce monde, mais dans la plénitude d’une vie sincère, sans avoir besoin d’armures et de masques “. « C’est la dangereuse tentation – je l’ai rappelé en d’autres occasions – de la mondanité spirituelle, qui contrairement à toutes les autres tentations est difficile à démasquer, car elle est couverte par tout ce qui nous rassure normalement : notre rôle, la liturgie, la doctrine, la religiosité”.

François, citant Evangelii gaudium, dit alors que “dans ce contexte, se nourrit la vaine gloire de ceux qui se contentent d’avoir un certain pouvoir et préfèrent être des généraux d’armées vaincues plutôt que de simples soldats d’un escadron qui continue de combattre. Combien de fois rêvons-nous de plans apostoliques expansionnistes, minutieux et bien conçus, typiques des généraux vaincus! – a souligné le Pape – De cette manière, nous renions notre histoire de l’Église, qui est glorieuse comme histoire de sacrifices, d’espérance, de lutte quotidienne, de vie consommée dans le service, de constance dans le travail acharné, car chaque travail est la sueur de la nôtre front’. Au lieu de cela, nous nous amusons en vain à parler de ‘ce qu’il faut faire’ – le péché de ‘devrait être fait’ ‘- en tant que maîtres spirituels et experts pastoraux qui donnent des instructions tout en restant à l’extérieur. Nous cultivons notre imagination sans limites et nous perdons le contact avec la réalité subie de nos fidèles”.

“Seul un cœur ouvert à la mission garantit que tout ce que nous faisons ad intra et ad extra est toujours marqué par la force régénératrice de l’appel du Seigneur – a conclu le Pape – Et la mission implique toujours la passion pour les pauvres, c’est-à-dire pour les disparus: ceux qui ‘manquent’ de quelque chose non seulement en termes matériels, mais aussi en termes spirituels, émotionnels, moraux. Ceux qui ont faim de pain et ceux qui ont faim de sens sont également pauvres”.

“L’Église est invitée à rencontrer toutes les formes de pauvreté, et est appelée à prêcher l’Évangile à tous car nous sommes tous pauvres, nous manquons d’une manière ou d’une autre. Mais l’Église va aussi à leur rencontre parce qu’ils nous manquent: leur voix, leur présence, leurs questions et leurs discussions nous manquent. La personne au cœur missionnaire – conclut-il – sent que son frère lui manque et, avec l’attitude d’un mendiant, va à sa rencontre. La mission nous rend vulnérables, nous aide à nous souvenir de notre condition de disciples et nous permet de redécouvrir sans cesse la joie de l’Évangile”.

Après avoir prononcé son discours, François a souhaité faire don de trois volumes aux cardinaux et évêques présents, “à lire et à ne pas laisser à la bibliothèque pour la postérité…”, a-t-il précisé. Il s’agit du livre : “Le pietro scartate” de Luigi Maria Epicoco (assistant spirituel du département de communication) sur les “oubliés” (“Quand les oubliés sont sauvés”, sous-titre), un texte d’Armando Matteo (sous-secrétaire de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi) intitulé : « Convertir Peter Pan » (Le destin de la foi dans la société de la jeunesse éternelle) et un par Mgr. Fortuné Nwachukwu (nonce apostolique) intitulé : « Parole abusée ». Ce dernier, a-t-il expliqué, “est une réflexion intéressante sur le bavardage”.