Le nettoyage ethnique au Tigré n’a pas épargné les ONG. L’alarme des évêques catholiques d’Ethiopie (F. Beltrami)

Les évêques catholiques éthiopiens sont intervenus pour défendre les humanitaires éthiopiens et étrangers qui risquent leur vie pour soulager les souffrances des civils pris au piège des combats. Des opérateurs qui ont payé un lourd tribut en sang pour leur engagement aux côtés des personnes qui souffrent. Ils sont 12 les volontaires tués au Tigré de novembre 2020 à aujourd’hui. Les dernières exécutions extrajudiciaires ont visé un volontaire éthiopien de l’ONG italienne CISP et trois volontaires de l’ONG française MSF (deux Éthiopiens et une Espagnole).

Il y a deux jours, le Premier Ministre éthiopien a accusé des ONG et des agences humanitaires de l’ONU de fournir des armes aux “terroristes” du TPLF au Tigré. Le gouvernement éthiopien a engagé des médias occidentaux pour diffuser de fausses informations et accuser les ONG de collaborer militairement avec l’armée régulière du Tigré. En Italie, un petit journal politiquement orienté vers la droite et un blog ont adhéré.

Face à ces attaques menées sans preuves, les évêques catholiques sont intervenus aussi pour défendre la vie de jeunes éthiopiens et de jeunes occidentaux qui ont choisi l’aide aux autres comme modèle de vie. De jeunes vies mises en danger par cette fausse nouvelle.

«Nous apprécions grandement les personnes qui ont travaillé sans relâche pour alléger les souffrances de la population et nous demandons que leur soutien se poursuive afin que personne ne soit oublié ou exclu. Nous exhortons les autorités sur le terrain à autoriser un accès illimité à l’aide humanitaire. Les personnes des communautés touchées, contraintes de vivre dans un environnement aussi instable, ont besoin de nourriture, de médicaments, d’abris, d’eau, de médicaments et d’autres articles sanitaires».

Les évêques catholiques d’Éthiopie, lors de leur assemblée ordinaire, ont exprimé leur inquiétude face au conflit en cours dans la région du Tigré, une situation préoccupante qui attriste les cœurs car le peuple éthiopien a besoin de paix. L’assemblée, qui s’est tenue du 13 au 16 juillet, au Centre de Spiritualité des Pères de la Consolata, dans la ville de Modjo, Oromia, a réuni des évêques de tous les diocèses à l’exception de Mgr Tesfassilasie Medhin de l’Éparchie d’Adigrate, en Éthiopie, qui se situe dans la zone de guerre du Tigré dont les frontières sont toujours fermées.

«Alors que nous tenions notre Assemblée, nos pensées et nos prières ont été influencées par les informations troublantes que nous recevons sur la guerre. Cela nous attriste d’entendre parler de guerre, alors que nous aimerions tous entendre parler de paix et de réconciliation», a déclaré la Conférence des Évêques Catholiques Éthiopiens jeudi 21 juillet dans une déclaration collective partagée.

«L’horreur de la guerre n’est ni un remède aux torts ni une solution à une crise. La guerre apporte des souffrances indicibles et le prix que les innocents paient est incalculable», ont averti les évêques éthiopiens, rappelant à toutes les parties concernées “que la guerre ne détruit que des vies et des biens et rien de plus et que le choix à faire doit être celui de la paix et de la réconciliation. “. Les évêques ont exprimé leur solidarité avec les personnes qui souffrent en disant: «En tant que pasteurs, nous ne pouvons nous empêcher de ressentir l’angoisse et la douleur que les gens traversent. Nous nous identifions à eux et leur angoisse est notre angoisse».

Soulignant qu’il n’est jamais trop tard pour arrêter la violence, les évêques ont reconnu que la seule voie à suivre, pour le bien du peuple, est la paix et la réconciliation, qui aident « à répondre aux besoins de vérité et de justice, à demander et à accorder pardon, faire le nécessaire pour restaurer la confiance mutuelle, reconnaître les autres comme nos frères et sœurs. Peu importe qui ils sont et à quel point nos désaccords sont profonds, il est de notre devoir de régler tous les différends par le dialogue et la négociation».

Les évêques catholiques éthiopiens ont été extrêmement clairs dans leur message à la nation, au gouvernement éthiopien et à la communauté internationale. « C’est par la paix et la réconciliation que nous pouvons guérir ensemble en tant que pays, en tant que société et en tant qu’Église. Il n’y a ni « gagnants » ni « perdants », ni « eux » et « nous » ; nous sommes tous frères et sœurs. Vivre dans la paix et l’harmonie sociale peut sembler un rêve, mais c’est réalisable si nous tendons la main à Dieu, le Père de tous, dans la prière et lui permettons de façonner nos cœurs et nos esprits pour penser des pensées de paix et de fraternité et agir de conséquence”.

L’appel des évêques catholiques éthiopiens intervient au milieu de l’escalade de la guerre civile éthiopienne. Depuis samedi dernier, les conflits du Tigré et de l’Oromia se sont étendus à tout le pays. Alors que l’armée régulière du Tigré s’apprête à bloquer le corridor de transport Giubuti – Addis-Abeba, portant ainsi le coup de grâce à l’économie nationale et menaçant la capitale d’Amhara : Gondar ; Le Oromo Liberation Army progresse sur Addis-Abeba et dans la région de Gambella (frontière avec le Soudan du Sud) une ancienne guérilla menace de reprise de la lutte armée.

Fulvio Beltrami