Le Vatican libère sous caution le courtier accusé d’extorsion et détournement dans l’affaire de l’immeuble de Londres

“Le Bureau du Promoteur de Justice du Vatican à l’issue des interrogatoires auxquels Gianluigi Torzi a été soumis dans le cadre des enquêtes relatives à la vente de l’immeuble du 60 Avenue Sloane à Londres, lui a accordé, par décision en date d’aujourd’hui, la liberté sous caution” a fait savoir le communiqué de la Salle de presse du Saint-Siège ce lundi 15 juin, admettant ainsi que les faits d’accusation contre le courtier visé par une enquête pour extorsion, détournement de fonds et fraude aggravée en lien avec l’achat et la vente d’une propriété de Londres, ne sont pas aussi claires qu’elles semblaient.
Le Vatican cite en effet “l’ordonnance, signée par le Promoteur de Justice le professeur Gian Piero Milano et son adjoint l’avocat Alessandro Diddi” : “les magistrats ont pris note de ce qui a été déduit du mémorandum complet remis par M. Torzi et des nombreux documents joints jugés utiles pour la reconstitution des faits objets de l’enquête”.

Au lendemain de l’arrestation retentissante de M. Torzi au Vatican, où il se rendait spontanément pour répondre aux juges, les avocats de la défense avaient déclaré : “Nous considérons que cette décision est le fruit d’un gros malentendu, déterminé par des déclarations qui ont pu induire en erreur l’interprétation correcte de l’affaire de la part des enquêteurs”.

200,5 millions d’euros d’investissement 

“Il n’y a en effet aucun doute que Gianluigi Torzi a permis à la Secrétairerie d’Etat du Vatican d’acquérir un prestigieux immeuble londonien dont la valeur considérable risquait d’être perdue et a ensuite évité que des chemins peu claires soient pris” ont expliqué ses avocats Ambra Giovene e Marco Franco. Le courtier “n’a jamais eu l’intention d’agir contre les intérêts du Saint-Siège et depuis le début de l’enquête, via ses avocats, il n’a cessé de manifester une disponibilité constante envers les enquêteurs afin de reconstituer les faits, en fournissant des dizaines de documents et notes, et également avec l’interrogatoire d’une durée de 8 heures”.

Les accusations qui visent Gianluigi Torzi concernent l’achat d’un palais de Londres. L’affaire remonte à 2014 lorsque la Secrétairerie d’Etat avait souscrit à un fonds, “Athena Capital Global Opportunities”, géré par une société d’investissement dirigé par le financier italo-britannique Raffaele Mincione. Quand ce dernier a commencé à prendre des libertés pour spéculer, le Vatican a commencé à s’inquiéter.

Le Saint-Siège avait en effet utilisé l’argent de l’Obole de Saint Pierre pour financer le fonds de Mincione, investissant 200,5 millions d’euros. Et une partie de cette somme avait servi à acheter les 45% de l’immeuble de Londres. Les actions spéculatives du financier ont, en revanche, fait perdre des dizaines de millions d’euros au fonds utilisé par le Vatican. Ainsi, la Secrétairerie d’Etat a contacté le courtier Torzi pour jouer les intermédiaires avec Mincione et son fonds. L’objectif des négociations était de lui céder les parts acquises du fonds et récupérer la totalité de l’immeuble en échange.

Un total de 350 millions pour l’immeuble

L’accord avec Mincione est conclu par le versement de 40 millions d’euros, en 2018, montant à 350 millions le prix de l’Avenue Sloane payé par la Secrétairerie d’État au total. Mais avant d’en arriver à l’arrestation du courtier et la saisie des comptes suisses, l’escroquerie ne se poursuit. La Secrétairerie d’Etat fait l’acquisition de 30 000 actions d’une valeur symbolique de un euro, via la société-écran de Torzi “Gutt Sa”, afin de prendre définitivement possession du bien immobilier, pour lequel cette société faisait l’intermédiaire.

Mais le courtier, parallèlement, intervient et introduit 1000 actions de plus, à son nom, dans le capital de sa société. Il prend ainsi le contrôle total de l’immeuble londonien: l’objectif aurait été de faire pression sur le Vatican pour lui faire débourser à nouveau de l’argent à chaque transaction, malgré ses déclarations assurant qu’il comptait restituer ses actions, comme le rapporte le journal La Repubblica après une rencontre à Saint-Marthe à laquelle aurait aussi participé le Pape François quelques minutes. Sur les 30 millions requis par Torzi pour céder définitivement les nouvelles parts, sans justification, le Vatican lui en a versé la moitié, 15 millions, en 2019.

Aujourd’hui, les avocats du courtier assure toute sa bonne volonté, notamment en fournissant spontanément nombre de documents rassemblés mis à la disposition du Promoteur de Justice, afin de reconstituer les faits pour lesquels il est poursuivi.