Les 10 exilés de près de 50 ans à Paris ne seront pas extradés vers l’Italie. La lettre de Vasapollo au Pape et la réponse du Vatican

La chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris a décidé de refuser l’extradition demandée par l’Italie pour les 10 exilés italiens arrêtés dans le cadre de l’opération “Ombres rouges” en avril 2021. Poignée.

Il s’agit de Giorgio Pietrostefani (68 ans), absent en classe pour des raisons de santé, Enzo Calvitti (67), Narciso Manenti (65), Giovanni Alimonti (66), Roberta Cappelli (66), Marina Petrella (67), Sergio Tornaghi (63), Maurizio Di Marzio (60), Raffaele Venturi (70), Luigi Bergamin (72). Toutes les personnes jugées en Italie par contumace et avec des lois spéciales, mais surtout accueillies en France sur la base de la doctrine Mitterrand et non avec des subterfuges juridiques, et qui pendant près de 50 ans ont été de bons citoyens et travailleurs dans le pays qui les a accueillis, s’engageant en matière sociale et de guérir leurs propres enfants qui, à leur tour, honorent les deux pays.

Notre Luciano Vasapollo, représentant du Net pour la défense de l’humanité ainsi que professeur à Sapienza et vice-président de l’Association Père Virginio Rotondi pour un journalisme de paix, qui promeut ce journal en ligne, en décembre dernier, a remis au pape François et illustré lors de la réunion un appel en faveur des réfugiés italiens à Paris, dont l’extradition est désormais demandée après plus de 40 ans. Et le pape François, au bout d’une dizaine de jours, a envoyé une réponse signée en son nom par l’un des plus hauts responsables de la secrétairerie d’État, qui fait référence à « l’affaire juridique qui préoccupe diverses personnes et leurs familles” pour espérer que « la légitime aspirations de chacun puissent se réaliser, inspirant des gestes concrets de compréhension mutuelle et de réconciliation dans le respect de la justice”.

“Du Vatican le 16 décembre 2021
Distingué Monsieur,
à l’occasion de l’audience générale du 1er décembre, il a envoyé des expressions de respect respectueux au Saint-Père et, informant d’une affaire judiciaire préoccupante pour diverses personnes et leurs familles, il a joint en cadeau une publication.
Le Pape François, qui a apprécié l’aimable hommage et les sentiments de dévotion qui l’ont suscité, vous remercie pour le geste attentionné et vous assure un souvenir dans la prière pour vous et pour ceux qui sont dans votre cœur, afin que la bonté de Jésus, Roi de la Paix, accorde et exauce les aspirations légitimes de chacun, inspirant des gestes concrets de compréhension mutuelle et de réconciliation dans le respect de la justice.

Le Souverain Pontife, tout en invoquant l’intercession céleste de la Vierge Marie Mère de l’Espérance, est heureux d’adresser la Bénédiction Apostolique accompagnée du souhait d’un Saint Noël

Avec un sentiment d’estime distincte
Monseigneur L. Roberto Cona, conseiller”.

La réponse du Vatican est très claire : même sans prendre explicitement position sur la question judiciaire, François se manifeste proche de l’inquiétude des familles de personnes éloignées de leur patrie depuis plus de 40 ans et qui en ce moment, en France, ont montré qu’ils étaient entrés dans la société en tant que pères et mères responsables et citoyens activement impliqués dans le secteur social. Et il fait savoir, par l’intermédiaire du professeur Luciano Vasapollo, vice-président de l’Association Père Virginio Rotondi pour le journalisme de paix (qui promeut ce journal) et représentant du “Réseau d’artistes et d’intellectuels pour la défense de l’humanité”, qu’il est conscient d'”une affaire judiciaire préoccupante pour diverses personnes et leurs familles » et d’espérer que “les aspirations légitimes de chacun puissent se réaliser, inspirant des gestes concrets de compréhension mutuelle et de réconciliation dans le respect de la justice”.

Des propos que l’on comprend encore mieux à la lumière d’une nouvelle intervention du Pape contre la réclusion à perpétuité et en faveur de la rédemption des incarcérés qui semble également faire référence au cas des réfugiés en France dont lui a parlé Vasapollo.

Le Pape récemment a souligné qu’ il “ne peut y avoir de condamnation sans fenêtre d’espérance”, se référant évidemment à la condamnation à perpétuité qu’il juge incompatible avec l’éthique chrétienne et avec la civilisation juridique, comme il l’a répété en plusieurs circonstances. Et il s’est inspiré de la parabole du Père miséricordieux, pour se souvenir “d’une manière particulière de nos frères et sœurs qui sont en prison. Il est juste – a-t-il souligné – que ceux qui ont commis une erreur paient pour leur erreur, mais il est tout aussi juste que ceux qui se sont trompés puissent se racheter de leur erreur ». Bref, le Pape invoque le rejet d’une justice qui se fait vengeance et il se réfère dans sa catéchèse à la parabole contenue dans l’Évangile de Luc même lorsqu’il observe que « dans cette parabole, outre l’expérience du péché et du pardon, il est également souligné la manière dont le pardon atteint la personne qui a commis une erreur. Le texte dit: “Quand il était encore loin, le père le vit et vint à sa rencontre, se jeta à son cou et l’embrassa.” “Le fils punition attendue, une justice qui aurait tout au plus pu lui donner la place d’un des serviteurs, mais il se retrouve enveloppé dans l’étreinte de son père. La tendresse est quelque chose de plus grand que la logique du monde”, mais “c’est un inattendu façon de faire justice”.

Nous publions ci-dessous le texte de l’appel adressé par Vasapollo au Pape.

“Au Saint-Père le Pape François,

Je me tourne vers vous avec la plus grande humilité pour demander une intervention à travers une prière en faveur de 9 personnes (étiquetées par la presse même si avec différentes histoires anciennes appartenant à différentes organisations politiques telles que “Les neuf terroristes des Brigades rouges à extrader vers l’Italie “); il y a neuf personnes âgées qui risquent de finir leur vie en prison.

Ils faisaient partie, dans les années 70-80, alors qu’ils avaient entre vingt et trente ans, de ce profond mouvement social qui traversa la société italienne et mondiale et opposa de manière dure et directe certaines composantes, mettant en jeu et malheureusement détruisant même des des vies.

Ce fut un conflit radical et violent des deux côtés. Ils ont exercé la violence et l’ont subie. Ces années ont été une tragédie pour tout le monde et la douleur reste inscrite dans tous ceux qui en ont été les protagonistes. Ils ont été condamnés pour des infractions pénales graves à des peines très sévères et longues. Après quelques années d’emprisonnement, ils sont libérés dans l’attente de leur condamnation définitive et décident de «s’exiler» en France où la «doctrine Mitterrand» leur permet de ne pas être extradés. Ils ont déclaré leur présence au grand jour dès leur arrivée en France. Ils ont donc échappé à l’exécution de peines de plusieurs décennies, sans se cacher.

Mais ils s’obligent à des renoncements douloureux et à une forme d’expiation qui passe par des souffrances intimes: un départ sans retour possible, des ruptures familiales définitives, l’impossibilité de retourner sur leur terre natale et d’enterrer leurs morts.

La douleur et la compassion pour les blessures causées et subies sont inscrites à jamais dans leurs cœurs et leurs corps. En même temps, l’accueil et la protection de la France leur ont permis de se remettre en question, de reconstruire une vie au nom de la solidarité humaine et de la paix, de devenir socialement utiles et à travers cette réinsertion sociale, de faire une sorte de rédemption symbolique et de compensation: être utile aux autres, aider les plus nécessiteux, faire du bien aux autres: leur vie et leur travail en témoignent.

Demander leur extradition et les remettre en prison aujourd’hui, après plus de 40 ans que les infractions pénales ont été commises, ne rendrait pas justice aux autres protagonistes et descendants des protagonistes de ce conflit social qui, comme toutes les parties concernées, ont besoin de paix et souvenir. Remettre ces neuf personnes en prison aujourd’hui ne rendrait pas justice à l’État qui, dans les systèmes judiciaires modernes, ne trouve plus l’utilité de punir après un temps trop long et la réinsertion sociale du délinquant achevée.

Je voudrais conclure mon humble question en rapportant certaines de vos paroles poignantes et sincères d’une grande signification humaine et spirituelle:

“Un mot que je voudrais adresser aux prisonniers est le mot courage”, “Jésus lui-même vous le dit. Le «courage» vient du cœur. Courage, parce que tu es dans le cœur de Dieu, tu es précieux à ses yeux et, même si tu te sens perdu et indigne, ne perds pas courage. Vous qui êtes en prison êtes important pour Dieu, qui veut faire des merveilles en vous”.
“J’imagine vous regarder et voir des déceptions et des frustrations dans vos yeux, alors que l’espoir bat encore dans votre cœur, souvent lié au souvenir de vos proches. Courage, n’étouffe jamais la flamme de l’espoir”.

Les remettre en prison aujourd’hui, compte tenu de leur âge avancé (presque tous autour de 70 ans) et pour cette raison de l’impossibilité de profiter des avantages accordés aux détenus après de nombreuses années d’incarcération, reviendrait moins à les assigner à purger leur peine, mais les assigner au supplice d’attendre la mort en prison.

Plusieurs fois le Saint-Père, du haut de sa bonté, de sa clairvoyance et de sa magnificence, déclara:
“La réclusion à perpétuité n’est pas la solution aux problèmes, je le répète: la réclusion à perpétuité n’est pas la solution des problèmes mais un problème à résoudre. Car si l’espoir est enfermé dans la cellule, il n’y a pas d’avenir pour la société. Ne vous privez jamais du droit de recommencer!; N’étouffez jamais la flamme de l’espoir », « ne vous laissez jamais enfermer dans la cellule obscure d’un cœur désespéré, ne cédez jamais à la résignation. Dieu est plus grand que tout problème et vous attend pour vous aimer”.

Avec votre cri d’espoir éclairant, je veux vous donner une étreinte affectueuse et vous demander humblement une prière pour ces neuf personnes et les membres de leur famille qui souffrent.

Avec amour et dévotion,

Luciano Vasapollo”