RDC. Le gouvernement de Kinshasa a rompu la trêve convenue avec le mouvement politique militaire M23 (Fulvio Beltrami)

Malgré les efforts de paix des chefs d’État de la Communauté de l’Afrique de l’Est, le gouvernement de Kinshasa a rompu la trêve conclue avec le mouvement militaro-politique M23 (Mouvement du 23 Mars) en lançant des raids aériens et des tirs intenses d’artillerie lourde contre les positions du M23 dans le Nord-Kivu malgré le retrait convenu de la ville de Kibumba, à 20 kilomètres de Goma, aujourd’hui occupée par des soldats kenyans de l’EACRF (East African Regional Force).

Un retrait décidé par le M23 comme une démonstration de bonne foi en faveur d’une solution pacifique au conflit en cours depuis août dernier, nié par l’armée congolaise, qui a déclaré que la décision “annoncée en grande pompe” par les rebelles du M23 était un appât et une simple publicité pour distraire les Congolais et la communauté internationale ».

La violation de la trêve par le gouvernement de Kinshasa coïncide avec la deuxième violation de l’espace aérien du Rwanda. Mercredi 28 décembre, un chasseur Sukoi-25 de l’armée de l’air congolaise a violé l’espace aérien rwandais à 12 heures, survolant la côte rwandaise du lac Kivu pendant quelques minutes avant de revenir au Congo. Il s’agit de la deuxième violation de l’espace aérien du Rwanda. Le premier s’est produit le 7 novembre 2022, lorsqu’un avion de chasse de la RDC du même type a atterri brièvement à l’aéroport de Rubavu avant de retourner en RDC. Les autorités rwandaises ont protesté contre les violations de l’espace aérien rwandais par les avions de chasse de la RDC.

La décision de faire dérailler le dialogue de paix prise par Kinshasa s’inscrit dans un dangereux plan de violence ethnique fomenté par le groupe terroriste rwandais FDLR responsable du génocide rwandais de 1994 désormais capable d’influencer nombre de choix politiques du gouvernement congolais. A travers l’association extrémiste de Butembo (Nord-Kivu) dénommée Veranda Mutsanga, les chefs terroristes des FDLR ont lancé un appel à la population pour qu’elle se mobilise contre le contingent militaire kenyan et contre les casques bleus de la MONUSCO accusés de soutenir le M23 et le Rwanda. Cet appel cache une invitation encore plus sinistre : le génocide de la minorité tutsi dans les provinces orientales du Congo.

Les terroristes FDLR – Veranda Mutsanga accusent les troupes kenyanes au Nord-Kivu et les casques bleus de l’ONU de coexistence avec l’ennemi (M23). Ils accusent également le président congolais Félix Tshisekedi de ne pas fournir aux FARDC (armée congolaise) les moyens nécessaires pour vaincre le M23.

Pour “sauver la patrie”, les forces terroristes invitent la population congolaise, notamment celle de Goma et du Nyiragongo, à se mobiliser à partir du 01 janvier 2023 en participant à des manifestations populaires contre le contingent militaire kenyan et les casques bleus de l’ONU. Il s’agit en fait d’une invitation à la population à commettre des actes d’hostilité envers les troupes kenyane et casques bleus. Pour convaincre la population, de fausses nouvelles sont diffusées sur les dangers imaginaires de la balkanisation, affirmant qu’il existe un complot entre les troupes kenyanes, les casques bleus de l’ONU et le Rwanda pour annexer de vastes territoires à l’est du Congo.

« Il faut sauver notre pays à tout prix et contrer le complot des ennemis qui agissent désormais sous diverses formes. Nous devons abandonner la distraction et prendre le courage d’affronter l’ennemi », indique le communiqué publié par l’association Veranda Mutsanga, qui a joué un rôle de premier plan avec l’association de Goma « Lucha » dans l’incitation de la population contre la MONUSCO, les exhortant à attaquer diverses bases militaires onusiennes à Goma, Beni, Butembo en juillet dernier.

Les FDLR, Veranda Mutsanga et Lucha appellent également la population à tuer tous les citoyens congolais d’ethnie tutsie affirmant qu’ils ne sont pas congolais et travaillent pour le Rwanda dans le but de porter atteinte à l’intégrité territoriale du Congo. Ces appels au nettoyage ethnique s’inscrivent dans la stratégie des FDLR qui, depuis qu’elles se sont réfugiées au Congo en 1994 après le génocide rwandais (1 million de victimes), n’ont jamais perdu de vue le projet de mettre fin à l’extermination des Tutsi non uniquement au Rwanda mais dans toute la région des Grands Lacs.

En réussissant à se mêler à la population congolaise et en assumant un rôle clé dans l’économie des provinces de l’Est (grâce aux activités de contrebande de minerais), les FDLR propagent l’idéologie génocidaire alors qu’en Europe leurs partisans parlent de violations des droits de l’homme, de massacres présumés et d’autres formes de violences mettant en cause le Rwanda et le mouvement politique militaire congolais M23. Parmi les relais du groupe terroriste rwandais figurent des missionnaires catholiques et le docteur Denis Mukwebe, directeur de l’hôpital Panzi de Bukavu (Sud-Kivu) et prix Nobel de la paix. Le médecin congolais siège au conseil d’honneur de Fight Impunity et a été impliqué dans le scandale du lobbying à Bruxelles concernant des pots-de-vin du Qatar et du Maroc.

Les appels des FDLR – Veranda Mutsanga et Lucha au massacre des Tutsis congolais ils ont leur horrible exécution dans la réalité. Entre le 9 et le 27 décembre, plus de 55 Tutsi congolais ont été brutalement assassinés. Le général congolais Otto Bahizi s’est joint aux appels au nettoyage ethnique en accusant la minorité tutsie de vouloir exterminer la population bantoue au nom du Rwanda. L’éminent journaliste congolais Kwebe Kimpele a appelé à l’extermination de tout officier tutsi au sein des FARDC. Kimpele a été dénoncé pour incitation au génocide.

Des associations congolaises tirent la sonnette d’alarme d’une véritable chasse aux Tutsi qui se dessine peu à peu dans les provinces du Nord et du Sud-Kivu, où des Tutsi congolais sont lynchés, poignardés et tués à cause de leur visage. L’association accuse également les autorités congolaises et le gouvernement de Kinshasa d’encourager ce pogrom anti-tutsi en détruisant la coexistence pacifique entre les ethnies.

Malheureusement, les massacres de Tutsi ont commencé il y a des mois, atteignant des formes visibles en novembre. Entre le 8 et le 10 novembre, Emmanuel Kamanzi, président d’une association d’agriculteurs du Nord-Kivu, a dénoncé le meurtre d’un jeune berger tutsi, Jascques Manuvo, enlevé dans la ferme où il travaillait et décapité. Kamanzi a également dénoncé le meurtre de deux frères Tutsi Sibomana Heshima Jean-Louis (10 ans) et Muhire Mugaruka Bienfait (8 ans) brûlés vifs. La foule assoiffée de sang “fumait” leurs cendres mélangées à du tabac. Les plaintes, documentées par des photos et des témoignages, sont parvenues à New York.

Le 30 novembre, la conseillère spéciale pour la prévention du génocide aux Nations Unies, Alice Wairimu Nderitu, qui venait de rentrer d’une visite en RDC, s’est officiellement alarmée, dans un long communiqué écrit, de « la prolifération des discours de haine en RDC ». « La violence actuelle est un signal d’alarme sur la fragilité de la société et la preuve de la persistance des conditions qui ont conduit au génocide dans le passé ». Une référence claire au génocide des Tutsi au Rwanda voisin en 1994. Dans son communiqué, la conseillère spéciale appelle « la RDC en tant qu’Etat, mais aussi toutes les parties impliquées dans ce violent conflit à travailler d’urgence pour trouver une solution politique auà l’actuelle situation ».

Dans le programme politique et les communications du M23, il y a une absence totale de haine ethnique. Au contraire, les dirigeants du M23, en plus de vouloir mettre fin aux persécutions de la communauté tutsie, appellent à la cohabitation civile ethnique nationale, dénonçant les politiciens de Kinshasa qui utilisent la haine ethnique pour mieux mettre en œuvre l’exploitation du pays et renforcer la corruption endémique qui empêche un véritable développement socio-économique.

Le général Janvier Karairi (65 ans), chef du groupe terroriste APCLS (Alliance des patriotes pour un Congo libre et souverain) allié aux FDLR, joue un rôle fondamental dans le plan de “solution finale”, avec la complicité de l’armée et du gouvernement congolais. Depuis 2012, le général Karairi refuse de reconnaître la nationalité congolaise de la minorité tutsie. Depuis octobre dernier, ses miliciens ont perpétré plusieurs massacres de Tutsis au Nord-Kivu. Le 28 novembre dans la ville de Kitshanga, un cortège organisé par le général Karairi a été filmé où les enfants ont entonné une chanson terrifiante : « Tutsi, retour au Rwanda. Karairi vient d’arriver pour tous vous tuer. »

Dans ce contexte explosif, qui risque de déboucher sur une guerre régionale (la troisième menée au Congo) et un génocide, le ministre de la Défense nationale de la RDC, Gilbert Kabanda, a présenté mardi 27 décembre un document de politique de défense de l’armée congolaise. Pour Gilbert Kabanda, les objectifs de cette politique reposent sur 6 piliers : la dissuasion externe et interne, la sécurisation des sites miniers et des installations stratégiques, l’option logistique et administrative dont la création d’un cursus pour l’école des cadets, la production de biens et services par l’industrie de la défense, service militaire obligatoire pour les finalistes du secondaire.

« La force de notre armée est peut-être de 150 000 hommes. C’est insuffisant pour 100 millions d’habitants… La politique de bon voisinage n’exclut pas ce que l’on entend par dissuasion. Cette dissuasion est basée sur le fait que le Congo possède du miel, de l’or et d’autres richesses. Si ce miel n’est pas protégé d’une manière ou d’une autre, même ceux qui ne veulent pas vraiment nuire au Congo pourraient être tentés» a déclaré Gilbert Kabanda, invoquant un effort financier du gouvernement de Kinshasa pour augmenter ses effectifs et moderniser ses armements.

Le président Félix Thsisekedi a approuvé un budget militaire global pour contrer la “menace tutsie” de 14,6 milliards de dollars américains ce qui représente une augmentation de 32% par rapport au budget 2020. Le 2023 commence avec des ténèbres sur le Congo. Une crise nationale, que le gouvernement de Kinshasa refuse de reconnaître et de résoudre politiquement, menace de se transformer en guerre régionale et en un horrible génocide, le deuxième dans la région…

Fulvio Beltrami