La longue agonie du pire gouvernement de la République. L’atlantiste Draghi reste (peut-être) en selle pour ne pas arrêter l’envoi insensé d’armes (C. Meier)

Crise gouvernementale oui ou non ? C’est la question que se posent de nombreux Italiens, à la lumière d’une journée mouvementée au cours de laquelle il y a eu des réunions entre ministres et un face à face au Quirinal entre Draghi et le chef de l’État. Le président de la République, Sergio Mattarella a rejeté la démission du Premier ministre Mario Draghi et a invité le Premier ministre à se présenter au Parlement. C’est la synthèse de trois jours intenses, au cours desquels les couturières du grand domaine, Letta en tête, ont tenté de convaincre Giuseppe Conte de réduire la déchirure avec l’ancien président de la BCE, pour préserver l’image étrangère d’une Italie où l’objectif de « stabilité » si cher aux marchés financiers prévaut. De plus, un budget encore à lancer, véritable souci de l’actuel Premier ministre, qui absorbe également l’attention de la présidence de la République. Par conséquent, le président de la République n’a pas accepté la démission et a invité le président du Conseil à se présenter au Parlement pour faire des communications, afin qu’une évaluation de la situation qui s’est produite suite aux résultats de la session tenue aujourd’hui au Sénat du République. On peut le lire dans une note du Quirinal. Draghi, selon ce qu’on apprend de sources ministérielles, lors de la réunion du CDM aurait dit aux ministres que mercredi il ferait rapport aux Chambres et les partis exposent déjà leurs positions. Une tentative, donc, de prendre du temps, et d’essayer de sauver ce qui peut l’être, de ce qui reste aussi l’un des gouvernements les plus contradictoires en matière de politique étrangère, alors qu’il est affirmé “nous recherchons le dialogue et la paix avec la Russie”, mais le lendemain ils sont envoyés avec Léonard sur ordre militaire pour faire frissonner toutes les âmes pacifistes (moi y compris) de la Péninsule. Par la ligne Draghi, Rome confirme son ultra-atlantisme, adhère sans sourciller au principe de dissuasion, et en maintenant l’exécutif debout avec du scotch, elle désamorce aussi une future tempête sur les obligations souveraines. Mais tôt ou tard ce Parlement se dissoudra, que ce soit au début de l’automne ou à l’expiration naturelle de la fin de la Législature sont des détails qu’à l’heure actuelle il ne nous est pas donné de connaître.

Ce qui émerge cependant, c’est un panorama partisan enclin à s’aplatir sur des logiques opportunistes, démagogiques, et sans réel programme de fond. Pointer du doigt Mario Draghi, seule bouée de sauvetage pour sortir de la crise, pourtant économiste de renommée internationale, et ayant reçu de nombreux applaudissements lors de son mandat de président de la BCE, c’est d’une certaine manière s’appuyer sur une vision miraculeuse de la politique, presque Un dernier recours. Notre premier ministre technique, l’un des plus clivants de ces dernières années, n’est pas un leader politique au sens strict. Peu médiatisé, il ne joue pas de rôle dans un parti – bien que certains centristes de second plan essaient de le tirer par la veste et de l’impliquer toutes les deux heures dans des projets de politique-fiction -, il ne semble pas à l’aise dans le concurrence, et de plus il ne dialogue pas avec la base de la société italienne, de plus en plus affligée par la précarité, l’usure du pouvoir d’achat et la crise industrielle qui après la pandémie a continué d’aggraver la situation de l’emploi, à l’exception de Leonardo, qui conçoit, fabrique et distribue des armes meurtrières, et est administré par des hommes du Parti démocrate. “Il y a un bilan historique du gouvernement Draghi dont personne ne parle, personne ne se pose de questions ou ne soulève de crise gouvernementale : 4,8 milliards d’euros d’exportations d’armes en 2021. Et les principaux destinataires sont les autocrates et les dictateurs”, a écrit sur Twitter Giorgio Beretta, Analyste du commerce des armes du Peace Disarmament Network. L’idée générale est que nous nous trouvons dans une crise gouvernementale inévitable, due à une incompatibilité entre les partis et à des résultats économiques très décevants. Aujourd’hui, pour reprendre une métaphore footballistique, nous n’avons assisté qu’à la première mi-temps, de ce qui s’annonce comme une longue crise qui débouchera sur des penaltys. Le vrai pays attend des réponses, les problèmes sont maintenant à leur comble.

Christian Meier