Alors que le gouvernement congolais cache toujours son intention de parler directement avec le Mouvement du 23 Mars (M23) pour mettre un terme définitif aux hostilités en cours au Nord-Kivu, le président ougandais vient de prendre l’initiative en révélant à l’opinion publique les “pourparlers du paix » initiée entre les deux parties.
Dans un long discours de Pâques prononcé jeudi 30 mars, Yoweri Kaguta Museveni, tout en expliquant la mission des troupes ougandaises qui entreront au Nord-Kivu via Bunagana, a annoncé que des pourparlers sont en cours entre le gouvernement de Kinshasa et le M23 dans le but commun de résoudre politiquement le conflit qui a débuté en juillet-août 2022 dans la province orientale du Nord-Kivu. Si des garanties émergent des pourparlers, l’armée du M23 s’engagera à se retirer de certaines zones occupées comme un premier geste de bonne volonté tandis que l’armée congolaise (FARDC) s’engagera à cesser toute tentative d’attaque contre le M23.
Le président Museveni a précisé que la mission de l’armée ougandaise au Congo (à l’invitation du gouvernement du président Thisekedi) ne sera pas de lutter contre le M23, contrairement à ce qu’affirment Al-Jazeera, RFI, Jeune Afrique et le journal ougandais Daily Vision. Le 29 mars, une division de l’armée ougandaise est entrée au Congo près de Bunagana protégée par des chars et de l’artillerie lourde suite aux accords passés entre Kinshasa et la force régionale de la Communauté de l’Afrique de l’Est qui a pour mission de stabiliser les provinces de l’Est du pays à plus de 140 groupes armés dont les plus connus et les plus dangereux sont les terroristes islamistes ougandais ADF et les terroristes rwandais FDLR (auteurs du génocide de 1994).
“Les forces armées ougandaises seront stationnées dans la région de Bunagana et Rutshuru non pas pour combattre le M23 mais pour agir comme une force d’interposition neutre permettant aux Congolais de résoudre pacifiquement leurs problèmes politiques”, a déclaré Museveni, mettant délibérément l’accent sur la nationalité congolaise du mouvement politique militaire M23 que le gouvernement de Kinshasa continue d’affirmer que ce sont des soldats rwandais qui auraient envahi le Congo. Une accusation infondée qui, jusqu’à présent, a détourné l’attention de l’opinion publique vers de graves problèmes nationaux.
« À moins que nous ne soyons attaqués, nous ne sommes pas ici pour nous battre. Des combats peuvent s’ensuivre plus tard si l’une des parties impliquées dans le conflit n’accepte pas la paix à des conditions que nous considérons tous comme raisonnables. L’Autorité de l’Afrique de l’Est (chefs d’État) devrait alors nous donner mandat de combattre si l’un des acteurs refuse de mettre en œuvre l’accord de paix sur lequel nous nous sommes mis d’accord », a précisé Museveni.
Le Général Muhoozi Kainerugaba, chef suprême de l’armée ougandaise et fils de Museveni, est officiellement intervenu en soutien aux propos du président ougandais. Le Général Muhoozi a tweeté une photo montrant le porte-parole du M23, Willy Ngoma, accueillant les troupes ougandaises à Bunagana, une ville frontalière entre la RDC et l’Ouganda. La photo était suivie d’un commentaire de sa part : « Jolie photo ! Les M23 sont nos frères. Inutile de les combattre. Nous pouvons discuter et résoudre tous les problèmes».
Le Général Muhoozi ne cache pas sa sympathie pour la cause politique pour laquelle se bat le M23 : la protection de la minorité tutsie congolaise victime d’un nettoyage ethnique atroce mené par l’armée congolaise et les terroristes rwandais du FLDR.
En novembre dernier, alors que le gouvernement congolais continuait de qualifier le Mouvement du 23 mars de groupe terroriste, le général Muhoozi Kainerugaba lançait sur Twitter une grave mise en garde adressée à Kinshasa : « En ce qui concerne le M23, je pense qu’il est très, très dangereux pour quiconque de combattre contre nos frères. Ce ne sont pas des terroristes ! Ils se battent pour les droits des Tutsis en RDC ». Il faut rappeler que l’armée ougandaise est considérée comme l’une des plus efficaces, puissantes et modernes de la région et n’aurait aucun mal à vaincre l’armée congolaise connue pour son incompétence, sa corruption, mal armée, mal entraînée et démotivée.
Jeudi 30 mars, plusieurs sources ont annoncé que les chefs de la force régionale EAC, l’armée ougandaise (UPDF), l’armée congolaise (FARDC) et les chefs militaires des membres de la rébellion du M23 se sont rencontrés à Bunagana pour une réunion visait à harmoniser le retrait des rebelles du M23 pour faire place à la force ougandaise, qui attend depuis trois jours à la frontière entre la RDC et l’Ouganda.
Les pourparlers entre Kinshasa et le M23 sont facilités par la récente nomination au poste de vice-Premier ministre et ministre de la Défense du chef de l’opposition congolaise Pierre Bemba qui a combattu dans la première (1996 1997) et la deuxième (1997 – 2004) guerre panafricaine au Congo aux côtés de Ouganda. Bemba est la personne l mieux placée pour contrer les extrémistes qui se cachent au sein du gouvernement et de l’armée congolais afin de parvenir à un accord politique avec le M23.
Bien que les pourparlers en cours n’aient jamais été officialisés, ils semblent porter leurs premiers fruits. L’armée du M23 s’est retirée des localités de Kitgobo et de Rusinga, autour de la ville de Kitshanga et des localités de Kishishe, Bambo et Bwito dans le territoire de Rutshuru. Cependant, des militaires retirés de ces zones ont été envoyés pour renforcer des positions dans les territoires de Kilolirwe et Mushaki dans le Masisi et de Kitshanga-Mwesso dans le Ruthsuru afin d’empêcher une contre-offensive de l’armée congolaise. Une contre-offensive contre laquelle les chefs d’État de la Communauté de l’Afrique de l’Est et de l’Ouganda ont fortement déconseillé le ministre de la Défense Bemba et le président Tshisekedi pour ne pas anéantir l’intense travail diplomatique en cours en faveur de la paix.
Les chefs d’Etat de l’EAC et de l’Ouganda surveillent et favorisent ces accords sachant qu’ils ne sont pas faciles. Le principal obstacle à une solution politique du conflit réside dans l’alliance militaire, politique et économique entre le gouvernement de Kinshasa et le groupe terroriste FDLR qui est l’auteur des massacres ethniques contre la minorité congolaise tutsi dans les provinces de l’Est, défendue par le M23. Tous les observateurs régionaux s’accordent à dire que la paix entre Kinshasa et le M23 doit passer par une guerre contre les terroristes FDLR pour les anéantir et restaurer la légalité et l’Etat de droit dans l’est du pays.
Fulvio Beltrami