Tigré. Chroniques de la guerre finale. Les soupçons d’utilisation généralisée d’armes chimiques se multiplient (Fulvio Beltrami)

«Le monde entier dit que nous nous battons toujours, mais nous leur montrerons que ce n’est pas vrai. Les élections du 21 juin se dérouleront dans un climat de paix. Les forces qui ont sauvé l’Éthiopie de l’effondrement feront de la Corne de l’Afrique le centre du pouvoir de l’Afrique », a déclaré mercredi 16 juin le Premier Ministre éthiopien Abiy Ahmed Ali lors de son premier rassemblement électoral dans un stade bondé de la ville de Jimma, dans le sud du pays. Le leader est arrivé au rassemblement à bord d’un véhicule offert inexplicablement par les Nations Unies…
La déclaration du Premier Ministre éthiopien met en évidence la tentative désespérée du Triumvirat de la Prospérité (Abiy, le dictateur érythréen Isaias Afwerki et la direction nationaliste Amhara) d’obtenir rapidement la victoire finale sur le TPLF après 7 mois de combats et quatre précédentes offensives infructueuses. Vous trouverez ci-dessous les nouvelles que nous avons reçues de sources locales crédibles et de journalistes de renommée internationale (parmi lesquels le sud-africain Martin Plaut).

Nous sommes au quatrième jour de l’offensive finale dans le Tigré, qui a débuté le 15 juin. Les troupes érythréennes, environ quatre-vingt mille soldats appuyés par des unités mécanisées, de l’artillerie lourde, des positions de missiles mobiles et des chasseurs-bombardiers, tentent de briser la résistance des Forces de Défense du Tigré (TDF). Une horrible course contre la montre dans l’espoir d’obtenir à tout prix la victoire finale avant, pendant ou immédiatement après les (farces) élections du 21 juin.
Le rôle de l’armée fédérale éthiopienne et des milices Amharas serait marginal car toutes deux auraient subi trop de pertes au cours de ces 7 mois de conflit et ne seraient actuellement pas en mesure de résister à des combats exigeants. La seule zone opérationnelle de l’armée éthiopienne serait dans le Tigré central où Addis-Abeba a concentré les dernières unités de l’armée encore capables de faire face à l’effort de guerre.
D’après le peu d’informations disponibles, il semble que les forces du TPLF soient actuellement capables de résister à l’offensive érythréenne. Les Forces de Défense du Tigré reçoivent des renforts grâce à la décision de Hayalu Godefay, (chef du parti d’opposition du Tigré : Selsay Weyane Tigray), de rejoindre les combats. Pour le moment, on ne sait pas dans quelle mesure cette aide affectera les batailles en cours.

De lourds bombardements aériens sont enregistrés dans les villages de Menji et Guyya près de la ville d’Abi-Adi Tembien avec un usage intensif de bombes à fragmentation qui auraient provoqué un massacre parmi les civils. L’utilisation des bombes à fragmentation est interdite en toutes circonstances par l’accord international du 30 mai 2008 pour leur interdiction, auquel l’Éthiopie a adhéré. L’accord a été signé par presque tous les pays de la planète car les bombes à fragmentation sont par nature des armes aveugles et leur utilisation dans des zones résidentielles est absolument effrayante et inacceptable. Seuls 10 pays n’ont pas adhéré à l’accord de 2008 : l’Arabie Saoudite, le Brésil, la Chine, l’Inde, l’Iran, Israël, la Libye, le Pakistan, la Russie et les États-Unis.
Les troupes érythréennes ont quitté les villes d’Adi Daero, Adi Hageray et ADI Goshu dans le nord-ouest du Tigré après avoir subi de lourdes pertes au cours de combats acharnés. Ils seraient désormais positionnés dans les secteurs de Mayhanse, Hitsats, Edaga Hibret et Asgede Tsimbla pour réorganiser les forces et reprendre l’offensive.
Des combats acharnés ont été signalés entre les Forces de Défense du Tigré et des unités de l’armée fédérale éthiopienne dans les régions centrales du Tigré. On ne sait pas pour le moment qui prévaut dans ce secteur qui abrite l’état-major du TPLF.

Des centaines de victimes civiles impliquées dans les combats affluent dans les hopitaux de Mekelle. Ceux d’entre eux qui peuvent parler font état d’une fureur impitoyable contre la population même en l’absence totale et avérée d’unités des Forces de Défense du Tigré dans la zone spécifique d’intervention. Selon un témoin, les troupes érythréennes et éthiopiennes ne combattent pas seulement le TPLF. Ils anéantissent la population civile.
Le journaliste sud-africain Martin Plaut rapporte une utilisation probable de phosphore blanc par des bombardements aériens dans les villages de Menji et Guyya près de la ville d’Abi-Adi Tembien déjà soumis à de lourds bombardements avec des bombes à fragmentation. Bien que Martin Plaut soit connu pour avoir des sources fiables personnellement vérifiées par lui, il n’y a pour le moment aucune victime du phosphore blanc dans les hôpitaux de Mekelle. Certains observateurs régionaux estiment que l’utilisation de phosphore est très probable, ce qui « aiderait » à briser la résistance du TPLF, confirmant l’arrivée et le stockage à Mekelle de 40 tonnes de phosphore blanc dans les deux semaines précédentes.

Des preuves commencent à émerger que la compagnie aérienne nationale Ethiopian Airlines est utilisée par le gouvernement central d’Addis-Abeba pour des opérations de soutien logistique militaire au Tigré en violation flagrante de la réglementation de l’aviation civile internationale. Des photographies prises de toute évidence par le personnel interne montrent des armes et des munitions chargées à bord des avions cargo d’Ethiopian Airlines. Divers rapports datant de deux semaines ont indiqué que les avions d’Ethiopian Airlines étaient déjà utilisées pour transporter des armes en provenance de Chine et du Liban.

Selon les experts, l’utilisation de l’aviation civile a été décidée par le gouvernement d’Addis-Abeba pour cacher l’achat d’une quantité monstrueuse d’armes pour la “guerre finale” au Tigré, malgré le fait que l’économie nationale s’est effondrée. La dette extérieure est sortie de contrôle et la monnaie nationale (le biir) est pratiquement devenue un vieux papier du fait de sa dévaluation. Selon InfoEuro, le biir éthiopien (maintenant évalué à 52,8821 biir pour 01 euro) s’est déprécié de 140% par rapport à juin 2020 et de 164% par rapport à juin 2018. Désormais, les avions civils d’Ethiopian Airlines maintenant seraient utilisés aussi pour transporter des armes et des troupes pour pallier la pénurie d’avions cargo de l’armée de l’air éthiopienne.
La dernière actualité de cette guerre finale est le discours aux médias internationaux du porte-parole du TPLF Getachew Reda (né en 1974), ancien conseiller du Président du Tigré Debretsion Gebremichael, ancien Ministre des Communications sous le gouvernement du Premier Ministre Hailemariam Desalegn. Reda est actuellement membre du comité exécutif du TPLF. Sous le gouvernement Desalegn, l’actuel Premier Ministre Abiy a étroitement collaboré avec Reda dans le programme d’espionnage total de la population éthiopienne à travers l’INSA (Information Network Security Agency) créé par Abiy en 2008 et dirigé personnellement par lui jusqu’en 2010 lorsqu’il a décidé d’entrer en politique.

Dans un message audio, Getachew Reda confirme le début de la cinquième offensive dans le nord et le centre du Tigré, soulignant l’échec des quatre offensives précédentes tentées depuis le 04 novembre 2020. Reda affirme que l’offensive lancée par les troupes érythréennes n’aurait pas été bien planifiée et rencontrerait des difficultés sur les trois fronts ouverts.

Malgré un usage disproportionné des armements et des violences contre les civils, les troupes érythréennes, éthiopiennes et amhara subiraient de lourdes pertes infligées par les Forces de Défense du Tigré. Dans le message, Reda offre de nombreux détails sur les zones de combat et les pertes des deux factions belligérantes, précisant que celles subies par le TPLF sont nettement inférieures.
C’est la première fois qu’un haut commandant du TPLF s’exprime en détail sur le conflit en cours au Tigré. Nous verrons dans les prochaines heures ou jours à quel point les affirmations de Getachew Reda sont vraies ou le résultat de la propagande. Au contraire, un communiqué officiel du gouvernement éthiopien publié hier indique qu’il n’y a pas de combats en cours au Tigré car les « terroristes » du TPLF ont été détruits en novembre 2020.
A travers ce communiqué de presse (émis en langue amharique) le gouvernement éthiopien accuse tous les journalistes et médias éthiopiens et internationaux qui suivent les différents conflits dans le pays, d’inventer des histoires de combats, d’utilisation d’armes prohibées et de crimes de guerre. Selon le gouvernement de la Prospérité, ces journalistes et médias ont été persuadés de se joindre à la propagande du TPLF pour monter un complot international contre le processus démocratique en Éthiopie.

Fulvio Beltrami