Après la guerre américaine en Irak (My Country, My Country), le terrorisme islamique et Guantanamo (The Oath), Julian Assange et Wikileaks (Risk), Edward Snowden (Citizenfour), Laura Poitras continue de défier l’establishment américain avec un docu-film de dénonciation d’une résistance exceptionnelle et d’un non-conformisme avec “All the Beauty and the Bloodshed” (“toute la beauté et l’effusion de sang”) une citation qui a à voir avec “Heart of Darkness” de Joseph Conrad, dont le sens est révélé en finale.
Mais pour contester l’hypocrisie de la volonté immorale de vaincre les faibles qui détermine la politique et l’économie américaines, cette fois c’est aussi le jury de la Mostra de Venise 2022 qui a décerné le Lion d’or à ce film pour faire émerger l’unique mobile des crimes perpétré à Washington: le “dieu de l’argent”, comme l’appelle souvent le pape François. Le film commence en 2018, quand, avec l’association PAIN (acronyme de Prescription Addiction Intervention Now) qu’elle a fondée, la célèbre photographe Nan Golding est la protagoniste d’une action de protestation au MET de New York.
C’est la première d’une série de protestations flagrantes qui pointent vers l’annulation du nom de la famille Sackler (fondateur et propriétaire de l’une des plus importantes sociétés pharmaceutiques américaines) de la liste des noms de supporters et des chambres ou dons nommés après eux. Premier pas symbolique pour dénoncer les rechutes meurtrières du phénomène dit “d’épidémie d’opioïdes”, la consommation massive et induite de médicaments à base d’oxycodone (qui sont fortement addictifs et conduisent à de plus grandes addictions): cent sept mille morts par overdose aux États-Unis seulement en 2021, avec toutes les conséquences sociales et économiques qui en découlent.
Issu d’une génération très familière avec la drogue, qui a elle-même survécu à une overdose et à la tragique sous-estimation du sida, Goldin est particulièrement déterminée à mener la bataille. Et elle le raconte sans filtre à la caméra de Laura Poitras, qui la suit pendant trois ans. Un Lion d’Or absolument inattendu, dont l’attribution est décidée par un jury dirigé par des Américains et presque entièrement composée d’expressions issues des cinémas des pays atlantistes: Julianne Moore (USA) et composée par Mariano Cohn (Argentine), Leonardo Di Costanzo (Italie ), Audrey Diwan (France), Leila Hatami (Iran), Kazuo Ishiguro (Japon, Grande-Bretagne), Rodrigo Sorogoyen (Espagne).