Éthiopie : le gouvernement tente de créer des divisions au sein de l’Église orthodoxe après les accusations reçues par le Patriarche Mathias (F. Beltrami)

Le gouvernement fédéral d’Addis-Abeba a adopté une stratégie très prudente envers les fortes accusations lancées par le Patriarche de l’Église Orthodoxe Ethiopienne: Abune Mathias. Une prudence obligatoire considérait l’influence de la religion orthodoxe sur la société éthiopienne très pieuse et dévouée. Le Premier Ministre Abiy Ahmed Ali semble avoir préféré essayer de créer une situation conflictuelle dans l’Église Orthodoxe plutôt que d’attaquer directement le Patriarche.

La télévision d’Etat: EBC (radiodiffuseur éthiopien) a élargi les nouvelles que les observations du Patriarche ont été faites en dehors du cadre établi par le Saint Synode (l’Assemblée de l’Église Orthodoxe Ethiopienne) et que le Patriarche Mathias ne pouvait pas faire de déclarations officielles au nom du Synode. La nouvelle, reprise par autres médias gouvernementaux, mentionne le secrétaire général de l’Église Orthodoxe et de l’archevêque du diocèse de Gedeo qui prétendent que les déclarations du Oatriarche n’étaient pas approuvées par le Saint Synode. Le problème sera un sujet de l’ordre du jour lors de la prochaine assemblée du Saint Synode selon la déclaration des médias du gouvernement.

Dans la vidéo de 14 minutes, enregistrée par Dennis Wadley, directeur internationale de Bridges of Hope et publiée le 7 mai dernier, le Patriarche n’a fait aucune allusion que ses accusations du gouvernement fédéral étaient le résultat d’une décision prise par le Saint Synode. Dans la vidéo, le Patriarche spécifie que les thèmes nationaux abordés sont le résultat d’une réflexion personnelle.

Le problème est représenté par la figure qui correspond à Mathias du chef de l’une des églises orthodoxes les plus nombreuses et influentes d’Afrique. Le Patriarcat de l’Église Orthodoxe en Afrique est détenu par l’Égypte uniquement pour l’importance historique qui détient l’Église d’Alexandrie, la première église chrétienne fondée en Afrique: avec environ 10 millions de fidèles. L’Église Orthodoxe Ethiopienne compte 36 millions de fidèles. En particulier, l’accusation d’un génocide en place dans Tigray a fortement endommagé la réputation du gouvernement fédéral en augmentant les frictions avec les alliés occidentaux.

L’Ambassade américaine à Addis-Abeba a informé le mardi 11 mai de la réunion entre l’Ambassadeur Geta Pasi et le Patriarche Mathias, où la situation actuelle en Éthiopie a été discutée et notamment la crise humanitaire dans Tigré et les doutes du génocide. L’Ambassade a également déclaré que l’Ambassadeur Geeta a invité le Patriarche à participer à de futures réunions de la communauté inter-fidèles à l’Ambassade pour poursuivre leur conversation. Cela représente un danger grave pour la propagande du régime de Abiy Ahmed qui a tendance à nier et à minimiser la tragédie en Éthiopie, non seulement dans Tigré, mais également en Oromia et dans d’autres régions.

Pour le moment, il est prématuré de faire des prévisions si la tentative du gouvernement fédéral de créer une forte conflictualité au sein de l’Église Orthodoxe Ethiopienne réussira ou non. D’une part, le Patriarche Mathias bénéficie d’un soutien inconditionnel parmi les fidèles. D’autre part, ses détracteurs au sein de l’Église, l’accusent de mener à bien l’agenda politique du TPLF prenant son origine ethnique Tigrinya comme excuse.
En attendant que la crise soit consommée ou résolue dans l’Église Orthodoxe Ethiopienne des sources sur site affirment, des nouvelles du front de Tigré.

Le porte-parole des forces de défense Tigray – TDF: Gebre Gebretsadik a déclaré que, au cours des deux dernières semaines, plus de 6 300 soldats éthiopiens et érythréens ont été tués ou blessés lors des batailles en cours au centre et au nord du Tigré. Seulement 34 soldats auraient été capturés. Les observateurs militaires africains contactés par l’occasion affirment que les chiffres fournis par le TDF puissent être délibérément exagéré pour des raisons de propagande politique TPLF. Cependant, ils prétendent être au courant des lourdes pertes subies par l’armée érythréenne et l’armée fédérale.

De 3 à 5 mai, nous avons enregistré de lourdes combats dans les zones de Yechiasly, Shawa’ta-Hegum et Finariwa dans le Woreda (comté) de Kola Tembien. Les affrontement ont terminé avec une défaite des troupes érythréens et federal qui se sont retirées pour se réorganiser. Le TPLF prétend avoir tué 1 088 soldats éthiopiens et érythréens et à avoir blessé 1 517 autres. Il prétend également avoir capturé un énorme arsenal d’armes, de munitions et d’équipements militaires.

À partir de 7 mai, les forces de défense du Tigray se sont engagées à bloquer une offensive lancée par sept divisions de l’armée érythréenne et de deux du gouvernement fédéral dans les régions de Korraro, Hawzi, Megum, Digum et Ai Aikor. Selon des sources sur site, l’offensive a été bloquée mais avec un lourd tribut de vies humaines des deux côtés. Dans la lutte des 13e, 23e, 25e, 31e, 33ème division d’infanterie et la 46ème ont été impliqués et 47e division mécanisée de l’armée érythréenne.
Un responsable local du gouvernement provisoire de Mekele imposé par le gouvernement central d’Addis-Abeba a signalé une campagne délibérée par le Premier Ministre éthiopien pour prévenir les activités agricoles à Tigré afin de renforcer la sécurité alimentaire de la population déjà mise à péril pendant ces 6 mois de guerre. L’officiel a averti que la conséquence sera la mort pour la faim de milliers de citoyens éthiopiens dans la région du nord du pays.

Des nouvelles inquiétantes de la violence ethnique sont signalée par les associations en défense des droits de l’homme Human Rights Watch et Amnesty International. Dès le début avril, les troupes érythréennes ne s’inquiètent plus de garder cachés les massacres de civils. le dernier dans l’ordre du temps chez la ville de Shire. Selon les deux associations internationales de défense des droits de l’homme, les troupes d’érythréennes tuent systématiquement des milliers de citoyens éthiopiens d’origine Tigrinya.

Fulvio Beltrami