Burundi. La guerre de libération des forces démocratiques RED Tabara reprend (Fulvio Beltrami)

L’opposition politique armée RED Tabara a réactivé ses plans militaires pour renverser la junte militaire actuellement au pouvoir après une longue interruption. Les dernières attaques de RED Tabara dataient d’avant le début de la pandémie de Covid-19.
Le dimanche 19 septembre, des unités de guérilla de RED Tabara ont attaqué l’aéroport international de Bujumbura, neutralisant deux postes de défense de l’aéroport et effectuant un bombardement court mais intense avec des mortiers. Certains tirs ont touché une piste, l’endommageant.

L’attaque de l’aéroport était une action démonstrative pour forcer la communauté internationale à focaliser l’attention sur le petit mais stratégique pays africain et à dissiper la fausse image donnée par la junte militaire d’avoir le contrôle du Burundi, pacifié et engagé sur la voie de les reformes democratiques, promises par le Général Neva (Alias Evariste Ndayishimiye) illégalement à la Présidence depuis juin 2020 après les simulacres d’élections de mai 2020.
Les combats proprement dits se sont déroulés dans la forêt de Rukoko où des unités de l’armée burundaise ont attaqué les RED Tabara pour les empêcher de créer une base militaire à l’intérieur de la forêt. Selon un communiqué des rebelles, l’attaque a été repoussée, infligeant de lourdes pertes à l’armée régulière et récupérant une quantité considérable d’armes et de munitions. Le régime de Gitega continue de mettre en œuvre la tactique du silence, sans parler de l’escarmouche à l’aéroport et de la bataille près de Rukoko.

Une tactique forcée car le Général Neva et les outres Generaux de la junte doivent offrir une situation rose pour convaincre l’Union Européenne d’annuler les sanctions décidées en 2016 en raison des graves violations des droits de l’homme commises par l’ancien régime du dictateur Pierre Nkurunziza, décédé de complications du Covid-19 en juin 2020. Malgré la propagande du régime qui identifie Evariste Ndayishimiye comme un élément de discontinuité avec Nkurunziza qui tend vers des réformes démocratiques et libertaires ; il y a une continuité entre la période dictatoriale de Nkurunziza (2005 – 2019) et l’actuelle junte militaire contrôlée par l’ancien mouvement de guérilla CNDD-FDD qui a pris le pouvoir en 2005 après les accords de paix d’Arusha, Tanzanie.
Le CNDD-FDD a combatu les successifs gouvernements hutu et tutsi depuis près de 10 ans après l’assassinat du président hutu Melchiorre Ndadaye par des officiers de l’armée tutsi en 1993. Ndadaye a été le premier Chef d’État démocratiquement élu du pays. Son assassinat est lié au soupçon qu’il préparait les conditions d’un génocide. Le drame a eu lieu un an plus tard dans son pays jumeau voisin: le Rwanda.

L’attaque de l’aéroport et la bataille près de Rukoko ont été suivies d’une série d’attentats terroristes à Bujumbura et dans d’autres villes où plusieurs grenades à main ont été lancées sur la foule causant des dizaines de blessés et de morts parmi la population civile. Les milices Imbonerakure sont soupçonnées de ces attaques qui visent à rappeler à la population que la junte militaire est encore capable de semer la mort et la destruction malgré la reprise de la lutte armée des forces démocratiques burundaises.

Les Imbonerakure sont l’aile jeunesse du parti CNDD-FDD transformée en 2014 en milice paramilitaire et placée sous le contrôle du groupe terroriste rwandais FDLR responsable du génocide au Rwanda en 1994 et d’innombrables crimes et violences contre la population congolaise dans les provinces orientales de la RDC : Nord et Sud Kivu. Depuis 2015, les FDLR ont conclu des accords d’alliance politique militaire avec le dictateur Pierre Nkurunziza, occupant des postes de commandement au sein de la police et de l’armée. Ces accords sont cimentés par des opérations communes de contrebande d’or en provenance du Congo.
Le vendredi 24 septembre, vers 21h00, heure locale, des unités de RED Tabara ont attaqué le district de Mugamba. Les premiers affrontements se sont produits à la localité de Gihogazi puis se sont étendus aux collines de Mugogo, dans la province de Karusi (centre-est du Burundi) à la frontière avec la province de Ngozi (fief HutuPower du CNDD-FDD). Après avoir facilement submergé les unités de police de la région, les guérilleros de RED Tabara ont saccagé certaines maisons sans infliger de violence aux civils.
Au matin du 25 septembre, le régime a ordonné une contre-offensive en faisant appel aux services de police et aux miliciens Imbonerakure. De violents combats ont eu lieu aux emplacements de Cogo et Juru. Un communiqué de RED Tabara affirme avoir pu repousser les forces de la junte militaire et tenir des positions.

Comme cela s’est produit lors des phases précédentes de la guérilla menée par le RED Tabara en 2019, l’armée régulière burundaise montre peu de volonté de se battre pour la défense de la junte militaire, contraints d’utiliser les miliciens Imbonerakure. Si dans la bataille de Rukoko il y avait des unités de l’armée, dans les affrontements en cours à Mugamba, les militaires étaient totalement absents.

L’utilisation de policiers s’explique par le fait que les terroristes rwandais des FDLR ont plus de contrôle sur la police que sur l’armée. Au moins 40% des policiers en service actif sont actuellement des terroristes FLDR qui ont infiltré cette force de défense. Normalement, les opérations militaires et les violences contre les civils par la police burundaise sont menées par les FDLR car la police burundaise montre une réticence évidente à exécuter les ordres reçus de la junte militaire.
La reprise de la lutte armée de la RED Tabara intervient à un moment délicat pour le Burundi. La junte militaire s’est engagée depuis janvier dernier à assainir son image internationale par des réformes démocratiques afin de réactiver les financements européens. Malheureusement, les réformes démocratiques semblent n’être qu’un faux-fuyant. Malgré quelques actions superficielles (arrestation de certains miliciens Imbonerakure, fonctionnaires corrompus, juges et magistrats), l’ensemble du système de braquage et de répression du CNDD-FDD reste intact.

Un récent rapport de l’ONU, publié le 24 septembre, montre que la violence contre les civils a doublé depuis la période Nkurunziza. Aucun dialogue avec l’opposition et la société civile en exil n’a été activé et la lourde censure de l’État et l’interdiction faite aux médias indépendants d’opérer dans le pays persistent.

Au sein du CNDD-FDD, la lutte interne déjà commencée au cours des dernières années de Nkurunziza s’intensifie. Le dictateur aurait été liquidé par le Général Neva et par le Premier Ministre : le Maréchal Général Alian-Guillaume Bunyoni afin de purger l’encombrante figure de Nkurunziza et d’ouvrir le (faux) dialogue avec l’Union Européenne pour réactiver les canaux de financement.
Divers indices montrent une volonté de ne pas intervenir pour sauver Nkurunziza, évitant un transfert médical d’urgence à Nairobi ou Kampala et lui maintenant hospitalisé dans l’hôpital rural géré par l’association humanitaire de l’ancien gouverneur de la Sicilie: Totò Cuffaro.

Après la morte de Nkurunziza, deux factions opposées ont été créées. Celui du Général Neva, qui entend mettre en œuvre une timide ouverture démocratique pour maintenir le pouvoir et diminuer la pression sur la population, et celui du Maréchal Général Bunyoni, représentant de la ligne dure et extrémiste du HutuPower.
Le courant Neva serait clairement minoritaire et toléré afin d’utiliser le « visage propre » d’Evariste Ndayishimiye pour pouvoir obtenir les financements européens. Selon certaines sources diplomatiques africaines, entre août et septembre, il y a eu une tentative d’éliminer physiquement le Maréchal Général Bunyoni par empoisonnement. Nouvelle difficile à confirmer car il n’y a aucune preuve officielle.

Bunyoni s’appuie sur les milices Imbonerakure et les terroristes rwandais des FDLR qui restent encore les seules forces de défense nationale valables par rapport aux départements de la police et de l’armée réticents à se battre pour la junte militaire. Ndayishimiye n’aurait le soutien ni des forces armées régulières ni des Imbonerakure et des FDLR. Il ne compte que sur le soutien relatif offert comme signe de distinction de l’Union Européenne et des États-Unis.

L’économie burundaise s’est effondrée en 2020 en raison des effets des sanctions de l’UE et de la pandémie de Covid-19 ostensiblement niées par le dictateur Nkurunziza. La situation sanitaire actuelle dans le pays est dramatique avec des centaines de décès dus au Covid-19 que le régime oblige le Ministère de la Santé à ne pas enregistrer comme tel. La population rurale souffre de malnutrition aiguë tandis que la population urbaine peine à avoir accès à deux repas par jour.

La reprise des activités militaires de RED Tabara soulève de sérieuses questions sur la position du Rwanda voisin. Ces derniers mois, plusieurs initiatives de réconciliation entre Kigali et Bujumbura ont laissé entrevoir la reprise de la collaboration entre les deux pays jumeaux qui avait été interrompue en 2015. À l’époque, le dictateur Nkurunziza accusait le Rwanda d’avoir soutenu le coup d’État manqué en mai 2015 et les différents groupes armés d’opposition alors que le président Paul Kagame accusait le Burundi d’encourager et de soutenir les tentatives d’invasion organisées depuis le territoire burundais par les terroristes rwandais des FDLR et autres formations rebelles rwandaises mineures.

Les Tabara RED dépendent du Rwanda pour les armes, les munitions et la logistique. Le gouvernement de Kigali contrôle à la fois les ailes militaire et politique de la RED Tabara. Il est très difficile d’émettre l’hypothèse que la reprise de la lutte armée est une initiative autonome de la RED Tabara, déconnectée de la politique étrangère du gouvernement rwandais. La reprise de la lutte armée aurait été possible aussi grâce à un soutien au mouvement de guérilla tutsi congolais M23 qui entre 2012 et 2013 a tenté de renverser le régime de Joseph Kabila au Congo voisin.

Bien qu’il n’y ait aucune preuve d’une implication directe des miliciens du M23 au sein des unités RED Tabara, il faut signaler la présence au Rwanda de deux grands camps militaires du M23 qui disposeraient d’un bon nombre d’armements efficaces et excellents. Ces camps militaires non déclarés sont sous la surveillance de l’armée régulière rwandaise qui aurait maintenu active la collaboration avec le M23. Cette guérilla congolaise lors de la tentative de prise du pouvoir en 2012 était ouvertement soutenue par le Rwanda et l’Ouganda.

Dans une série de communiqués officiels publiés entre le 19 et le 25 septembre, les RED Tabara confirment leur intention de libérer le pays du terrorisme d’État créé par le CNDD-FDD en invitant la communauté internationale à reconnaître les crimes actuels de la junte militaire dont la torture, l’arbitraire arrestations, disparitions, exécutions extrajudiciaires. Des crimes également confirmés par la société civile burundaise en exil et par les principales associations internationales de défense des droits humains.
Avec la reprise de la lutte armée au Burundi, le chapitre de l’instabilité permanente se rouvre non seulement au sein du petit pays africain mais aussi et surtout dans la Région des Grands Lacs. La junte militaire de Neva et Bunyoni, associée aux milices Imbonerakure et aux terroristes des FDLR, restent les principales sources d’instabilité et de danger régional.

La paix dans les Grands Lacs doit nécessairement passer par un processus réel et concret de démocratisation du Burundi qui n’a rien à voir avec le saoudisant “réformes” du Général Neva. Malheureusement, la situation s’est tellement aggravée que la seule solution possible pour démocratiser le Burundi est la lutte armée.

Les sanctions européennes ont mis le régime en grande difficulté mais n’ont pas réussi à imposer un changement démocratique. Les sanctions ont en effet frappé la population déjà malmenée par une violence sans précédent et une absence totale de droits civiques. Le peu d’argent dont dispose le pays est utilisé pour le système de défense de la junte militaire. Neva, Bunyoni et les autres Hiérarques du CNDD-FDD se nourrissent du trafic illégal d’or et d’autres minéraux précieux volés au Congo voisin et d’opérations criminelles à la limite dont un présumé trafic d’organes humains qui impliquerait également la province congolaise du Sud-Kivu.

La population est tenue dans l’ignorance à la fois par le régime CNDD-FDD (qui les considère comme de simples sujets) et par l’opposition armée RED Tabara qui ne recherche aucun soutien populaire significatif. Une autre attaque terroriste a eu lieu hier à Bujumbura. Le nombre de morts est actuellement inconnu. Les gens sont revenus vivre dans la terreur caractéristique du régime de Nkurunziza après une brève pause de calme relatif au premier semestre 2021.

Fulvio Beltrami