Dans la nuit du 7 au 8 septembre 2014 dans la paroisse de Kamenge, Bujumbura, trois religieuses italiennes ont été tuées. Lucia Pulici et Olga Raschetti sont brutalement massacrées à la machette le soir du 7 septembre. Sœur Bernadetta Boggian était absente, car elle se trouvait à l’aéroport international pour recevoir une sœur au moment du massacre. Bernadetta sera tuée dans sa chambre à l’intérieur de la paroisse après minuit, alors que le nouveau jour avait déjà commencé : le 8 septembre, lui aussi découpée en pièces.
Les circonstances du triple meurtre (décrites par nous dans un article de septembre 2021 à l’occasion du septième anniversaire de l’horrible fait du sang https://www.farodiroma.it/burundi-sette-anni-dal-barbaro-assassinio -delle- les-religieuses-italiennes-lucia-olga-et-bernadetta-et-toujours-non-coupable-fulvio-beltrami /) sont incroyables. Tout aussi incroyable est l’arrestation de Christian Butoy, un dérangé mental accusé d’avoir tué les trois religieuses italiennes. “Il voulait voler des téléphones portables et, surpris, il a massacré les religieuses”, ont déclaré les autorités du régime du dictateur Pierre Nkurunziza, décédé en juin 2021, au moment de l’arrestation de Butoy 24 heures après les crimes.
La version folle a été immédiatement acceptée par l’Ambassade d’Italie à Kampala dont l’actuel représentant de l’Union Européenne pour le Kenya Stefano Antonio Dejak occupait le poste d’Ambassadeur.
A travers les rapports de l’Ambassadeur Dejak, la Farnesina et le gouvernement italien ont décidé de clôturer l’affaire en acceptant la version officielle fournie par le régime burundais. Les trois sœurs ont été enterrées à Bukavu, la capitale de la province du Sud-Kivu, au Congo.
En janvier 2015, les journalistes burundais Bob Rugurika et Gratien Rukindikza ont publié des preuves accusant le régime burundais de la mort des trois religieuses italiennes. La preuve, présentée par un tueur commando envoyé pour exécution extrajudiciaire qui s’est ensuite enfui en Belgique, a mis en cause le numéro deux du régime: le Général Adolphe Nshimirimana.
«Le pouvoir burundais a assassiné les trois religieuses italiennes. L’opération a été préparée dans les moindres détails par les services secrets burundais dans le quartier de Rohero entre le samedi 6 et le matin du dimanche 7 septembre 2014. Quatre assassins ont été choisis pour perpétrer le meurtre avec ordre de tuer les trois religieuses à coups de machette, dont moi-même » avoue le tueur de puis la Belgique.
Les motifs de ce triple meurtre étaient au nombre de deux, selon le témoin. Le premier motif est de nature financière. Un immense trafic de médicaments importé illégalement du Congo voisin à l’aide de véhicules de la paroisse de Kamenge. Les médicaments (destinés aux pharmacies privées appartenant au Général) traversait la frontière comme fournitures médicales pour l’hôpital de Kamenge car la paroisse bénéficie d’une exonération douanière pour les importations humanitaires. La circulation, autorisée par un curé burundais qui administrait la paroisse, l’hôpital de Kamenge et l’hôpital de Luvingi, dans la région de Kibila Ondes, à l’est du Congo, a été interrompue par le curé italien Mario Pulcini sur recommandation des trois religieuses.
Le deuxième motif est de nature politico-militaire. Les trois sœurs ont effectué des travaux missionnaires à l’hôpital de Luvungi au Congo. Ils ont pris connaissance de la présence des Imbonerakure (l’aile jeunesse du parti CNDD-FDD de Nkurunziza) et ont recueilli des preuves de leur formation militaire offerte par le groupe terroriste Forces Démocratiques de Libération du Rwanda – FDLR, responsable du génocide rwandais de 1994 et opérant dans le à l’est du Congo. En outre, les terroristes des FDLR blessés au combat ont été hospitalisés à l’hôpital de Luvungi et ont été opérés et soignés gratuitement. Les trois religieuses ont interrompu leurs hospitalisations car à leurs yeux il était intolérable d’aider des miliciens qui ont fait des milliers de morts parmi la population civile congolaise.
A l’époque, les Imbonerakure avaient déjà été impliqués par des terroristes rwandais pour infliger une violence sans précédent à la population congolaise afin de s’assurer le monopole du trafic illégal de coltan et d’or, en collaboration avec l’ancien Président congolais Joseph Kabila et le Général burundais Nshimirimana .
L’enquête journalistique n’a pas convaincu le gouvernement italien de rouvrir le dossier des trois compatriotes, le classant sur la base d’un rapport rédigé à l’époque par l’ambassadeur Dejak trop similaire à la version officielle du régime du dictateur Nkurunziza.
L’affaire des trois sœurs a été rouverte aujourd’hui, lundi 3 octobre par Antoine Kahurahe, journaliste burundais, fondateur du journal Iwacu, en exil depuis 2015 en Belgique après une tentative d’assassinat ratée par le régime. Kaburahe retient l’attention de l’opinion publique sur le fou présumé meurtrier des trois nonnes.
L’information reçue dément la nouvelle donnée par le régime en novembre 2014 selon laquelle Christian Butoy s’était évadé de prison lui faisant perdre le fil. Au contraire, Butoy est toujours détenu à la prison de Mpimba sans être inculpé du triple meurtre. Butoy n’a jamais comparu devant un juge et se voit refuser l’assistance d’un avocat. La nouvelle a été confirmée par Pacifique Nininahazwe, un célèbre militant burundais des droits de l’homme.
Le journaliste Antoine Kahurahe révèle que la veille de l’arrestation de Butoy (en 2014) un autre fou du nom de Benjamin a été arrêté par la police et considéré comme le principal suspect du triple meurtre des religieuses italiennes. Il a été libéré de prison après l’intervention de sa famille et de ses voisins qui lui ont fourni un alibi irréfutable pour prouver son innocence. Butoy a ensuite été arrêté après s’être assuré qu’il n’avait aucun lien familial susceptible de “perturber l’enquête”.
« Deux fous arrêtés en 24 heures ! Troublant. On a cette drôle d’impression que dès le début l’enquête policière s’est tournée vers les “fous” autour de la scène de crime… Mais l’arrestation du deuxième fou soulève plus de questions qu’elle n’apporte de réponses.
Apparemment, le suspect principal, Benjamin, semblait très “fou” pour faire un suspect plausible (parle à peine). Le cas du deuxième malade mental, Christian, malgré ses aveux extorqués de force, laisse encore des interrogations.
La troisième religieuse, Bernadetta Boggian a été tuée plusieurs heures après les meurtres des deux sœurs, dans la nuit profonde avec des policiers gardant la paroisse à l’intérieur et à l’extérieur.
Comment Ainsi Butoy, le fou, pu commettre le triple meurtre, surtout le troisième, sans être attrapé par des policiers cantonnés à l’extérieur de la paroisse et les sentinelles à l’intérieur ? Il a pu leur échapper après avoir commis le crime, mais se fera facilement arrêter avec sur lui des preuves l’incriminant. Bref, Christian Butoyi a été intelligent pour tuer tranquillement, s’échapper d’un couvent quadrillé de policiers, mais fou pour se faire attraper bêtement avec les preuves du crime. » explique Antoine Kahurahe, reprenant son discours publié dans le journal Iwaku le 29 septembre 2014.
À la lumière de ces nouveautés, il serait approprié que le gouvernement italien revoie le choix pratique de classer l’affaire en tant que “vol d’un fou qui s’est terminé en tragédie” et choisisse d’entendre le tueur repenti qui est facilement traçable étant dans s’exile en Belgique voisine afin de vérifier soigneusement si sa version des faits est crédible ou non.
La réouverture du dossier devait se faire bien avant surtout au vu des étranges coïncidences impliquant les différents protagonistes de cet horrible crime. En 2015, les journalistes Bob Rugurika et Gratien Rukindikza sont persécutés par la police politique pour se venger aussi de leurs révélations sur le cas des trois religieuses. Bob parviendra de justesse à éviter la mort en prison grâce à l’intérêt de l’opinion publique internationale et à se réfugier en Europe. Il n’y a aucune nouvelle de Gratien si ce n’est qu’il est toujours en vie et qu’il ne devrait pas être arrêté.
Antoine Kahurahe échappe miraculeusement à une tentative d’assassinat en 2015 en se réfugiant en Belgique alors que son journal Iwacu subit une série de violences sans précédent contre ses journalistes. Iwacu est le seul journal d’oppression qui n’a pas été fermé mais qui est en fait soumis à une forte censure du régime.
Le Général Adolphe Nshimirimana le 2 août 2015 a été brutalement tué d’un coup de pistolet pendant ou immédiatement après une réunion des chefs militaires présidée par le dictateur Pierre Nkurunziza, tué à son tour en juin 2021 par ses proches collaborateurs, le général Évariste Ndayishimiye (actuel Président illégitime) et l’ancien Premier Ministre récemment démis de ses fonctions, le Maréchal Général Alain Guillaume Bonyoni.
L’assassinat d’État du médecin italien, Franco De Simone, tué par des tueurs à gages professionnels en juillet 2017 à son domicile chez le quartier résidentiel de la capitale Bujumbura. De Simone avait été le médecin qui avait pratiqué l’autopsie sur les trois religieuses, découvrant également qu’avant leur mort, elles avaient été horriblement violées.
Le seul chanceux de la saga était l’ambassadeur Dejak. A la fin de son mandat, il s’est vu confier celui d’ambassadeur de l’UE à Nairobi K. enya, un lieu convoité pour le prestige du bureau, le salaire mensuel et le confort occidental que la métropole africaine moderne est en mesure d’offrir à ceux qui ne manquent pas d’argent.
La réouverture du dossier concernant le triple meurtre des trois religieuses italiennes doit être liée à une révision de l’actuelle politique étrangère italienne qui tend à réhabiliter le régime brutal du CNDD-FDD et l’actuelle junte militaire qui a triplé les violations des droits humains droits par rapport à l’époque de Nkurunziza.
Une politique amicale également promue par l’actuel Ambassadeur d’Italie en Ouganda, au Rwanda et au Burundi, Massimiliano Mazzanti, (dans sa première expérience diplomatique) fervent partisan du projet “Maison Parme” qui bafoue les droits de l’homme et qui implique l’Agence italienne de coopération AICS et la Municipalité de Parme.
L’ambassadeur Mazzanti en mars dernier lors d’une visite officielle au Burundi aurait informé publiquement d’une aide humanitaire à l’ONG “OPDD-Burundi” de l’épouse du chef de la junte militaire illégalement au pouvoir, Mme Angeline Ndayishimiye et d’une peu claire et très sinistre cooperation militaire offerte par l’Italie au régime soupçonné par les Nations Unies de crimes contre l’humanité. Des nouvelles recues par de journalistes burundais qui font l’objet d’une enquête pour vérifier leur véracité compte tenu de leurs graves implications.
Fulvio Beltrami