Adieu à Grégoire Pierre XX Ghabroyan, chef des Arméniens catholiques. Il est revenu dans le match à 80 ans. La douleur du Pape. Homélie de S.EX. Assadourian

Après une longue maladie qui a duré plus de cinq mois, Sa Béatitude Grégoire Pierre XX Ghabroyan, Patriarche de Cilicie des Arméniens catholiques, qui avait été élu à la tête de l’Église catholique arménienne le 25 juillet 2015, est décédé ce matin.
Sa Béatitude Grégoire Pierre XX Ghabroyan était né à Alep, en Syrie (alors sous protectorat français) le 14 novembre 1934. Il a fait ses études primaires au couvent de Bzommar, puis s’est rendu à Rome au Collège pontifical arménien où il a terminé ses études de philosophie et de théologie à l’Université pontificale grégorienne.

Il a été ordonné prêtre le 28 mars 1959, avant devenir préfet des études au séminaire de Bzommar en 1960, puis recteur de l’Institut Mesrobian au Liban de 1962 à 1969, et recteur du séminaire de Bzommar jusqu’en 1975. En 1976, il a été nommé par le Saint-Siège exarque des Arméniens catholiques de l’exarquat de Saint-Croix de Paris, puis promu éparque de cette même juridiction, devenue donc une éparchie, en 1986. Il avait reçu l’ordination épiscopale le 13 février 1977 au Liban.

Après 36 années au service des Arméniens de France, il s’était retiré le 2 février 2013. Sa retraite sera interrompue deux ans plus tard: le 25 juillet 2015, déjà âgé de 80 ans, il a été élu par les pères synodaux de l’Église catholique arménienne comme 20e Patriarche de Cilicie des catholiques arméniens, qui rassemble la petite minorité catholique parmi les Arméniens de la diaspora et de l’État arménien, la très grande majorité des Arméniens étant affiliés à l’Église apostolique. La cérémonie d’intronisation avait eu lieu le 9 août de la même année au couvent patriarcal de Bzommar au Liban.

Dans un message confié au cardinal Mario Zenari, qui le représente aux obsèques du défunt patriarche à Beyrouth ce samedi, François salue un «pasteur attentif» et soucieux des populations éprouvées par la guerre. Il évoque également ses diverses occasions de rencontre avec S.B Grégoire Pierre XX Ghabroyan.
L’évêque de Rome se souvient notamment d’une messe concélébrée ensemble à Rome, en septembre 2015, année de l’élection du patriarche : «ensemble, nous avons tenu élevés le Corps du Christ et le Sang du Christ, signe visible que le fondement de tout service dans l’Église est l’adhésion et la conformation au Christ, Crucifié et Ressuscité». Ensuite lors de son voyage apostolique en Arménie en 2016, et en 2018, lors de l’inauguration de la statue de saint Grégoire de Narek dans les jardins du Vatican. Autant d’occasions «qui m’ont permis d’être proche du Patriarche Grégoire Pierre XX et, avec lui, du peuple arménien bien aimé qui a tant souffert au cours de son histoire mais qui est toujours resté fidèle à la profession de foi au Christ Sauveur», écrit le Saint-Père.

François rappelle aussi le soutien que le patriarche de Cilicie des Arméniens, «pasteur attentif», apporta à plusieurs œuvres de solidarité en faveur des populations éprouvées de Syrie et du Liban, n’hésitant pas pour cela à nouer des contacts avec diverses institutions civiles et ecclésiastiques. Le Souverain Pontife relève encore son engagement dans le processus de béatification et de canonisation de son «éclairé prédécesseur», le cardinal Grégoire Pierre XV Agagianian.

Homélie de S.EX.Assadourian

Chers frères et sœurs,
Nous sommes réunis aujourd’hui dans cette Cathédrale pour dire adieu à cet homme de Dieu, homme de l’Eglise et fidèle serviteur. En cette triste occasion, notre Église veut prier les paroles divines susmentionnées, avec Sa Béatitude, notre père, le Patriarche Grégoire Pierre XXe, Catholicos Patriarche des Arméniens Catholiques de Cilicie.
Je suis sorti d’auprès du Père, et je vais au Père.
Dans ce bref verset, le sens de l’espoir et du réconfort est résumé. Cette parole de Jésus nous rappelle que ce monde n’est rien d’autre qu’un passage par lequel nous nous efforçons et nous nous préparons pour la vie à l’Eternité. C’est une consolation, car nous croyons que Sa Béatitude a quitté ce monde passage, et maintenant il se jouit dans le sein du Père céleste, intercédant pour nous en compagnie des Saints.
Nous-nous souvenons de la vision de la Trinité de son premier sermon après son intronisation en tant que patriarche, quand il a dit: “Dieu doit avoir le sens de l’humour, pour que, à mon âge tardif, me choisit comme Patriarche de l’Église Arménienne Catholique de Cilicie. Je ne sais pas combien de temps il me reste, mais je veux l’utiliser pour servir ma Sainte Eglise”. En effet, il a consacré la période de sa présidence au Siège Patriarcal pour servir fidèlement et sincèrement son Église. Le travail acharné et la persévérance étaient ses qualités du grand Patriarche défunt. Il ne laissait pas un travail inachevé. Il encourageait tout le monde autour de lui à le suivre. Et le résultat de ce travail acharné était la prospérité partout où il mettait les pieds.
J’ai eu l’occasion de servir avec lui notre communauté en France, où j’ai pu constater les fruits de son service dans les domaines de restauration et d’organisation administrative. Je peux dire la même chose pendant mes années de service avec lui en tant que Vicaire Patriarcal; travailler avec lui est comme une ruche, où beaucoup de gens peuvent se goûter de son miel.
Il avait un large éventail de relations, car son souci était d’employer chaque petite chose dans ses relations pour le bien de son troupeau. Je veux me rappeler avec vous, que lorsque l’Arménie a obtenu son indépendance en 1990, Sa Béatitude a été l’un des premiers à s’y rendre pour réorganiser les affaires de la communauté arménienne catholique, qui se trouvait dans des conditions souvent très difficiles suite à l’occupation communiste. Il a établi une relation étroite avec le Catholicos Patriarche Vazken I d’Etchmiadzine, et tous les Catholicos Patriarches ses successeurs.
Il aimait la Sainte Eglise et par conséquent, il se souciait et se préoccupait beaucoup de la vie liturgique de l’Eglise. Il percevait la liturgie non seulement comme l’organisation des prières communaitaires, mais surtout, il la considérait comme une forme de nouvelle évangélisation. Il convient de mentionner son effort pour faire connaître à l’Église universelle notre grand saint, Grégoire de Narek. Le fruit de sa tâche et de sa persévérance auprès du Vatican a été que ce saint fut déclaré Docteur de l’Église Catholique Universelle.
Nous ne pouvons oublier son amour pour les pauvres et les nécessiteux. Au cours des deux dernières années du bien-aimé Liban, il a lutté pour aider les familles nécessiteuses, un combat qui l’a consolé.
On peut ajouter qu’il était également bâtisseur. Il a construit de nombreuses églises et autres édifices.
Malgré sa maladie menaçante, il a continué son travail. Sur le lit il portait un ordinateur, travaillait, convoquait des réunions et gérait les affaires de l’Eglise.
En son nom, je peux répéter les paroles de l’apôtre Paul, où il dit:
« J’ai combattu le bon combat, j’ai achevé la course, j’ai gardé la foi. Désormais la couronne de justice m’est réservée ; le Seigneur, le juste juge, me la donnera dans ce jour-là, et non seulement à moi, mais encore à tous ceux qui auront aimé son avènement. » (2 Timothée 4:7-8)
Aujourd’hui, la tristesse nous étrécit le cœur, mais c’est comme si j’entendais Sa Béatitude répéter les paroles de son Maître Jésus: ne pleurez pas sur moi; (Luc 23, 28). Nous ne pleurons pas son depart; nous avons la certitude qu’il est parti à recevoir une nouvelle mission : celle d’intercéder pour nous avec Notre-Dame de Bzommar, Saint Grégoire de Narek e du Bienheureux Ignace Maloyan.

Nous avons perdu un père et nous avons obtenu un intercesseur.
Que la mémoire des justes soit à jamais, et qu’il repose en paix.
Le Christ est ressuscité