Burundi. La junte militaire impose une interdiction des taxis-motos. Deux pauvres chauffeurs tués de sang-froid à Bujumbura

Comme dans tous les pays d’Afrique de l’Est, il n’y a pas de transport en commun publiques au Burundi. Le service est laissé aux particuliers qui s’organisent avec des minibus, des motos taxis (appelés Boda Boda), des Apecar Piaggio de fabrication indienne (appelés Tuk-Tuk) et des vélo-taxis. Souvent chaotique et non réglementé, ce service représente une importante opportunité d’emploi pour des milliers de jeunes. Grâce aux tarifs modestes appliqués, il facilite des millions de personnes qui n’ont pas les moyens d’acheter une voiture privée. Ouvriers, étudiants, ménagères et commerçants en sont les principaux clients.

Depuis le lundi 21 mars, la junte militaire, illégalement au pouvoir grâce à l’usage de la force et de la terreur, a imposé une interdiction absolue aux motos-taxis, tuk-tuk et vélo-taxis de circuler à Bujumbura, qui est restée la capitale de fait du pays malgré la nomination de la nouvelle capitale à Gitega, une petite ville de l’intérieur qui avec Ngozi est le fief du mouvement racial HutuPower, la base politique de l’ancienne milice Forces de Défense de la Démocratie – Conseil National de Défense de la Démocratie (FDD -CNDD) au pouvoir depuis 2005.

La mesure très impopulaire a été prise par la junte militaire du général Neva (Alias Evariste Ndayishimiye) et par le maréchal général Alain-Guillaume Bunyoni, respectivement président et premier ministre autoproclamés après les élections truquées de 2020 dont la victoire a été remportée par le parti d’opposition Congrès National pour la Liberté – CNL et son leader, Agahton Rwasa.

Les deux généraux justifient la mesure en affirmant que ces moyens de transport sont la principale cause d’accidents routieres. Les minibus ont été exemptés de l’interdiction malgré le fait que la majorité d’entre eux sont des véhicules anciens souvent avec des freins défectueux qui chargent un nombre écrasant de passagers pour augmenter les profits, conduits par des chauffeurs avec des licences achetées, et représentent un réel danger pour le trafic urbain. Ces minibus ne sont même pas soumis à une réglementation sérieuse. La région de cette exemption est simple à comprendre. Les minibus sont un commerce réservé aux généraux et colonels de la junte militaire et l’une des sources de blanchiment d’argent provenant du trafic illicite de minerais précieux du Congo voisin et de la traite des êtres humains.

La disposition concerne également des moyens similaires à usage privé. Un particulier qui se déplace à bicyclette ou à moto pour les loisirs et le sport n’a plus le droit de les utiliser. Il ne peut plus garder le véhicule à deux roues même à son domicile sous peine de sanctions pour ceux qui habitent dans la zone interdite.

Depuis lundi, des centaines de milliers de citoyens ont dû marcher a’ pied pour se rendre au travail ou à l’école. “C’est une catastrophe”, “le ciel nous est tombé sur la tête”, tels sont quelques-uns des propos recueillis dans les rues de Bujumbura. La mesure concerne plus de 20 000 chauffeurs de moto-taxis, de vélo-taxis et de tuk-tuk. La plupart d’entre eux sont d’ethnie Hutu et appartiennent aux classes les plus pauvres qui survivent avec un dollar par jour. Ces pauvres Hutus s’ajoutent aux autres dizaines de milliers de Hutus voués au petit commerce informelle qui ont été frappés par autant d’interdictions draconiennes entre 2020 et 2020, en pleine pandémie de Covid19. Pour libérer et “nettoyer” les rues de Bujumbura et d’autres villes, des milliers des petites boutiques ont été détruites et leurs propriétaires sauvagement battus, blessés ou tués en cas de leur opposition.

Toutes ces victimes parmi les pauvres Hutus soulignent à quel point étaient fausses les motivations idéologiques qui ont conduit la guérilla FDD-CNDD à déclencher la guerre civile en 1993 pour « émanciper » les Hutus et les libérer de la « tyrannie » de la classe dirigeante Tutsi à travers le HutuPower, le pouvoir aux Hutus. En réalité, depuis l’époque de leur chef Pierre Nkurunziza (devenu président en 2005 et décédé en 2020 du Covid19 après avoir nié l’existence de la pandémie, privant la population des traitements et mesures de prévention nécessaires), les dirigeantes du FDD-CNDD ne sont rien d’autre que un groupe d’intérêts criminels des anciens miliciens devenus “respectables” généraux, colonels et ministres.

Selon les premières estimations approximatives fournies par Gabriel Rufyiri, président de l’ONG burundaise OLUCOME, environ 100 000 familles des classes les plus pauvres ont été touchées par la mesure méchante et insensée si l’on considère également d’autres activités liées à ce secteur de transport : mécaniciens, vendeurs de pièces de rechange pièces détachées, les propriétaires privés de motos et de vélos qui n’ont pas les moyens d’acheter une voiture, les vendeurs du marché, les employés publics, les travailleurs et les étudiants.

Des milliers de chauffeurs de taxi voilés qui parviennent à survivre chaque jour en collectant du lait dans les différentes fermes de la ville pour le livrer aux commerces alimentaires ou directement aux familles ont été durement touchés. Ces chauffeurs de taxi voilés, pauvres parmi les pauvres, approvisionnent également les marchés et les magasins en charbon de bois, légumes, marchandises diverses et transportent les enfants des familles pauvres qui vont à l’école.

L’OLUCOME, avec une autre ONG burundaise : PARCEM, a dénoncé la décision prise par les Généraux comme « une mesure prise rapidement, sans étude approfondie et sans base légale ».

Le régime a déclaré avec satisfaction que la mesure était respectée à 100%, précisant qu’elle rencontrait l’approbation de la majorité de la population. En réalité, la mesure est très impopulaire. Les citoyens de Bujumbura se sentent, à juste titre, victimes d’un énième abus qui compromet leurs maigres économies comme aussi leur survie.

Un abus infligé par un clan mafieux et criminel qui utilise les milices ethniques Imbonerakure et les terroristes rwandais des FDLR (Forces Démocratiques de Libération du Rwanda) pour tuer tous ceux qui dérangent : des opposants politiques aux Tutsis, des commerçants qui refusent de payer la dentelle (souvent exorbitante) aux généraux, aux propriétaires terriens qui refusent de vendre leurs terres à des prix dérisoires toujours décidés par les généraux.

Dans les semaines qui ont précédé l’entrée en vigueur de la disposition, la population nourrissait le désir de se rebeller contre un énième abus. Pour éviter les troubles sociaux un mois après la décision de l’Union Européenne d’abolir les sanctions économiques imposées en 2016 en raison des graves violations des droits de l’homme commises par le régime des généraux, le président autoproclamé Evariste Ndayishimiye dans un discours en kirundi a’ la télévision nationale avait prévenu que les contrevenants ne seraient pas tolérés.

Quiconque aurait osé ne pas respecter la disposition aurait été abattu par la police, composée d’environ 40% de terroristes rwandais des FDLR, facilement reconnaissables car ils ne parlent ni le kirundi ni le français mais uniquement l’anglais et le Kenyaruanda (la langue du Rwanda ). Ce n’est pas la première fois que le dictateur Ndayishimiye menace de mort ceux qui osent manifester. En janvier dernier, il a juré de tuer quiconque parmi les enseignants qui se mettraient en grève. A l’époque, les enseignants on tenté de protester contre les bas salaires et les dures conditions de travail. Le régime militaire burundais tente de réprimer le droit de grève et de protestation des citoyens par la terreur et la violence.

La menace pesant sur les chauffeurs de taxi de véhicules à deux roues a été maintenue lundi 21 mars. Deux chauffeurs de moto-taxi qui avaient enfreint l’ordre ont été froidement tués par la police. Les nouvelles horribles sont dans le domaine public et diffusées dans les bars et les marchés par les militants du régime pour accroître la terreur parmi la population, mais gardées cachées par le régime et les médias nationaux sous son contrôle. Depuis 2015, il n’y a plus de médias indépendants au Burundi.

Une armée de policiers FDLR et de terroristes enrôlés au sein de la police a été déployée dans les rues de Bujumbura pour faire respecter l’interdiction. Les deux exécutions extrajudiciaires témoignent clairement de la détermination de ces forces du désordre à imposer par la force une loi qui nuit à l’économie des classes les plus pauvres dans un pays ravagé par la pandémie de Covid19 et l’effondrement économique provoqué par le vol systématique des ressources nationakes mise en œuvre par les generaux.

Le règne de la terreur, que cette mesure absurde met également en lumière, semble avoir été ignoré, pour des raisons encore inconnues, par l’ambassadeur italien Massimiliano Mazzanti à la tête de la diplomatie italienne en Ouganda, au Burundi et au Rwanda. Lors de sa récente visite à Bujumbura, il a félicité la junte militaire pour les “progrès” réalisés vers le “renforcement” de la démocratie, le respect des libertés individuelles et des droits de l’homme, promettant un renforcement de la coopération économique entre l’Italie et le Burundi alors que les violations des droits de l’homme sont manifestes. Une autre disposition entrée en vigueur réglemente les vêtements pour femmes. Toutes les filles et les femmes sont désormais incapables de porter des jupes courtes et des pantalons serrés. Les contrevenants seront publiquement punis.

L’ambassadeur Mazzanti a déjà été associé à des positions politiques douteuses en Ouganda. En janvier dernier, il avait fait l’objet d’une plainte de l’Honorable Robert Kyagulanyi, connu sous le nom de Bobi Wine et leader du principal parti d’opposition ougandais.

L’Honorable Kyagulanyi a ouvertement dénoncé la visite de l’ambassadeur Mazzanti aux forces spéciales ougandaises pendant les jours de la répression des élections présidentielles et législatives tenues le 14 janvier 2021. Les forces spéciales visitées par l’ambassadeur ont fait 50 morts, des centaines de blessés, personnes arrêtées et disparues pendant la période pré- et post-électorale. La plainte a été déposée lors d’une visioconférence de Bobi Wine avec la Commission permanente des droits de l’homme dans le monde, mise en place au sein de la Commission des affaires étrangères du Parlament italien.

L’Honorable Lia Quartapelle, chef de groupe du Parti Démocratique de la Commission des Affaires Etrangères et membre de la Commission des Droits de l’Homme, a rappelé lors de la visioconférence que les représentants diplomatiques italiens ont pour mandat de ne pas prendre parti dans les compétitions électorales, demandant de vérifier le comportement des l’ambassadeur Mazzanti qui devrait soutenir la protection des droits des citoyens. D’après les informations recues cette vérification n’a jamais été effectuée par le gouvernement italien ou le ministère des Affaires étrangères.

Fulvio Beltrami