Burundi. Le général Bunyoni chassé du poste de Premier Ministre. A sa place est nommé le ministre de l’Intérieur, un meurtrier sadique. (F. Beltrami)

Hier, le tout-puissant général Alain Guillaume Bunyoni a été démis de ses fonctions de Premier Ministre sur ordre du général Neva (alias Evariste Ndayishimiye) autoproclamé président. Tous deux occupent illégalement les plus hautes fonctions de l’État après la mort du dictateur (et de leur chef) Pierre Nkurunziza, survenue dans des circonstances mystérieuses le 8 juin 2020 à l’hôpital Cinquentenaire Natwe Turashoboye de Karuzi géré par l’association italienne « Aiutiamo il Burundi » de l’ancien président de la Région Sicile, Salvatore Cuffaro (connu dans les cercles siciliens qui comptent comme Totò) reconnu coupable de collusion avec l’organisation mafieuse Cosa Nostra en janvier 2011.

Libéré en décembre 2015, Cuffaro, interdit d’exercer des fonctions publiques, découvre soudain sa vocation humanitaire en se concentrant sur l’aide sanitaire au Burundi et en devenant un ami proche du dictateur. Diverses sources de la société civile burundaise et des sources diplomatiques affirment que la mort de Nkurunziza n’était pas “naturelle” mais un véritable assassinat orchestré par les généraux Neva et Bunyoni pour accéder au pouvoir. Les autorités sanitaires de l’hôpital de Cuffaro ont établi qu’un “arrêt cardiaque” générique était la cause du décès, refusant de fournir d’autres explications.

La destitution du général Bunyoni a eu lieu tard dans la nuit lorsque les 113 parlementaires de l’Assemblée Nationale ont été littéralement tirés de leur lit pour voter la nomination du nouveau Premier ministre, le général Gervais Ndirakobuca. Le vote a eu lieu non pas au Parlement mais au Palais des Congrès de Kigobe à Bujumbura. Le candidat était unique et les 113 parlementaires avaient clairement pour consigne d’éviter toute marge d’erreur.

Le président illégal Ndayishimiye a demandé aux parlementaires qui s’interrogeaient sur cette réunion extraordinaire et les raisons de ce changement soudain de ne pas poser de questions et de voter selon sa volonté. Un vote contre aurait été interprété comme un acte de défi, générant une situation dangereuse et ingérable pour les parlementaires.

Le changement soudain de Premier Ministre est le résultat de luttes internes au sein du parti racial nazi CNDD-FDD (Conseil National pour la Défense de la Démocratie – Forces de Défense de la Démocratie) arrivé au pouvoir en 2005 après avoir déclenché une horrible guerre civile avec connoté de génocide ethnique grâce à une paix de mauvais augure et sous la pression internationale. Les acteurs étrangers de la paix pensaient pouvoir contrôler le seigneur de guerre Pierre Nkurunziza, comprenant années après l’erreur la plus grossière commise malgré leur expérience diplomatique et leurs vocations bâtisseurs de paix.

Après l’assassinat de Pierre Nkurunziza, les deux partenaires , Ndayishimiye et Bunyoni se sont attelés à gérer le système bâti autour du CNDD-FDD qui contrôlait d’une main de fer tous les leviers du pouvoir et de l’économie du pays. Malheureusement, les deux nouveaux Boss n’ont pas la ruse et l’expérience de leur Boss. Le résultat a été catastrophique. Au lieu de trouver une ligne politique commune pour renforcer la dictature ethnique Hutu, Ndayishimiye et Bunyoni ont créé leurs propres courants internes au parti et aux forces armées en entrant dans une compétition féroce pour le contrôle de l’économie, des ressources naturelles, du trafic illégal de minerais précieux en provenance du Congo. , le trafic d’êtres humains et d’organes, l’alliance politico-militaire avec le groupe terroriste rwandais FDLR responsable du génocide rwandais de 1994, des contacts “importants” avec des aventuriers occidentaux, parmi lesquels certains Italiens se distinguent pour gérer “des bonnes affaires”.

La rivalité entre le soi-disant Président et le soi-disant Premier Ministre a miné la cohésion du parti au pouvoir, affaibli l’armée et la police, détruit l’économie nationale, multiplié les crimes contre l’humanité commis en toute impunité contre la population impuissante et terrifiée. Pénurie de carburant, de bière, de sucre, d’engrais chimiques, explosion des prix des produits de première nécessité… la situation économique du Burundi s’est aggravée depuis l’administration Nkurunziza, condamnant le pays à être le plus pauvre du monde.

La levée des sanctions européennes en février 2021 n’a pas non plus apporté de progrès. Face au chaos, aux luttes internes et à l’escalade des violations des droits de l’homme, l’Union Européenne n’a pas encore débloqué de facto les fonds nécessaires pour faire survivre le régime. Même le pater historique du CNDD-FDD, la Chine, refuse d’apporter le soutien financier nécessaire pour relancer l’économie, consterné par la corruption et l’incapacité à gouverner des interlocuteurs burundais.

Le général Neva – Ndayishimiye a toujours reproché à Bunyoni d’avoir saboté chacune de ses tentatives pour résoudre les problèmes du pays. Au cours de ces deux années, le général Bunyoni avait acquis un grand pouvoir en parvenant à monopoliser l’économie nationale, toutes sortes de trafics (des minerais aux organes humains) diminuant de plus en plus le pouvoir de son président partenaire. Pendant deux ans, le général Bunyoni a été le véritable homme fort du régime, assumant des attitudes de mégalomanie notamment en se faisant appeler le roi Mutama II et en vivant dans le luxe le plus débridé.

Le règlement de compte a été forcé par la tentative de coup d’Etat orchestrée par le général Bunyoni profitant de l’absence de son ami qui assistait à la huitième conférence internationale Japon-Afrique à Tunis du 25 au 29 août. Après avoir déjoué le coup d’État, le général Neva s’est assuré la loyauté du ministre de l’Intérieur (désormais nommé Premier mMinistre) et des généraux de la police et de l’armée avant d’agir contre son ennemi Bunyoni.

Avant de limoger Bunyoni, le général Ndirakobuca (son successeur) s’est assuré de nommer des hommes loyaux dans toutes les provinces et forces de l’ordre. Il s’est également assuré que les dépôts d’armes de la police étaient sous son contrôle. Ces mesures étaient nécessaires pour empêcher le général Bunyoni de déclencher une guerre civile par l’intermédiaire de ses fidèles policiers grâce aux liens solides et à l’influence construits au sein de la police nationale qu’il a dirigé pour plusieurs années. Bien qu’il soit encore trop tôt pour l’affirmer avec confiance, mais les mesures mises en œuvre devraient empêcher Bunyoni de prendre le pouvoir par les armes. Maintenant, il risque la prison et un procès pour corruption.

Le changement de Premier Ministre est-il le signe de la détente et de l’amorce des réformes que le général Neva n’a cessé de promettre aux États-Unis et à l’Union Européenne ? Pas du tout. Le nouveau premier ministre n’augure rien de bon.

Gervais Ndirakobuca est un ancien commandant des rebelles burundais FDD au temps de la guerre civile qui a commis des crimes inouïs contre la population entre 1995 et 2002. Gervais Ndirakobuca est très présent depuis la prise de pouvoir du CNDD en 2005. Depuis longtemps il était sous-directeur de la police au Burundi sous les ordres du général Bunyoni. Et durant cette période il y a eu de nombreux crimes commis par la police burundaise.

Il a ensuite occupé le poste de directeur général du Service national des renseignements (SNR) avant sa nomination au poste de ministre de l’Intérieur, Développement Communautaire et Sécurité Publique. Il est connu pour sa violente répression de la manifestation civile de 2015 au Burundi1 et a fait l’objet de sanctions américaines et européennes pour violation des droits humains lorsque le président Évariste Ndayishimiye l’a nommé ministre de la sécurité.

Fulvio Beltrami