Congo : l’offensive contre les “forces négatives” a commencé, mais des zones grises persistent (F. Beltrami)

L’état-major des FARDC (Forces Armées de la République Démocratique du Congo) a annoncé le début de l’offensive contre les forces négatives qui occupent depuis vingt ans de vastes territoires dans les provinces orientales du Congo, riches en minerais précieux. L’offensive a eu lieu dans la ville de Nyakunde et dans les villages adjacents: Kalinde, Malubata et Malumbako, à 47 km de la ville de Bunia, Nord-Kivu. L’offensive s’est concentrée sur un groupe armé congolais nommé en acronyme: FPCA-PFI, l’un des nombreux groupes Maï Maï congolais du réseau criminel créé par les Forces Démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR) inscrit sur la liste internationale des groupes terroristes et formé par les forces génocidaires rwandaises derrière l’Holocauste africain de 1994.

Le porte-parole des FARDC informe qu’après une heure de combats intenses avec une utilisation intensive de l’artillerie lourde et des versions portables du célèbre lance-roquettes multiple russe: Katyusha, utilisé depuis la Seconde Guerre mondiale, l’armée a réussi à submerger les forces négatives en infligeant de lourdes pertes. Aussi connu sous le nom d ‘”organe de Staline”, le lance-roquettes multiple BM-13 a une plus grande intensité de feu que l’artillerie conventionnelle mais une précision de tir médiocre et prend beaucoup de temps pour recharger les missiles. L’armée républicaine a libéré l’hôpital de Nyakunde qui avait été occupé par les rebelles, enlevant 30 malades et du personnel médical.

La nouvelle arrive de la reddition inconditionnelle des chefs rebelles Bilikoliko de la milice UPDC, Jetaime de la milice AFRC, Matata Pungwe de la milice FDDH, Bwira Mapenzi de la milice NDC / R. Ces chefs de guerre ainsi que leurs miliciens ont déposé leurs armes et atteint le programme de désarmement et de réhabilitation socio-économique financé par l’Union Européenne, USAID et les Nations Unies. La volonté de se rendre a été communiquée au gouverneur du Nord-Kivu et à partir de demain 12 mai, la planification des actions de désarmement et de démobilisation commencera. Tous les groupes rebelles ont reçu l’ordre de permettre l’occupation militaire de leurs avant-postes et bases opérationnelles.

Il est à noter que l’état-major de l’armée congolaise et ses alliés régionaux ont décidé de désintégrer dans un premier temps le réseau nébuleux de groupes armés alliés aux terroristes rwandais des FDLR. Il s’agit souvent de petits groupes de 60 à 80 hommes. (quelque fois 100 à 200 hommes), entraînés et armés par les FDLR. Les opérations contre ces petits groupes armés garantiront des succès militaires évidents, mais les véritables affrontements se produiront lorsque l’armée républicaine se mobilisera contre les FDLR.

Selon des sources diplomatiques, les FDLR dans l’est du Congo auraient 3 brigades au Nord-Kivu et autant au Sud-Kivu avec un nombre estimé à environ 18 000 hommes. A ceux-ci s’ajoutent quelques milliers de miliciens Imbonerakure burundais, la branche politique de la jeunesse du régime burundais transformée depuis 2014 en organisation paramilitaire sous le contrôle des FDLR.

Le groupe terroriste rwandaise est bien ancré dans le territoire et bénéficie d’un bon soutien populaire. Au cours de ces 20 années d’occupation militaire du territoire, les FDLR ont créé un tissu de protection populaire similaire à celui des mafias italiennes. Une partie des bénéfices générés par le commerce illégal de minéraux précieux est recyclée dans l’est du pays dans la construction, l’hôtellerie et d’autres activités commerciales et productives. D’autres facteurs rendent difficile l’élimination rapide des FDLR. Parmi eux l’immensité du territoire (couvert pour la plupart de forêts) et la proximité de la province du Sud-Kivu avec le Burundi où les FDLR bénéficient du plein appui de la junte militaire au pouvoir.

Selon un analyste militaire de la région, le plan de l’armée républicaine congolaise est de détruire les groupes armés du réseau FLDR puis de se concentrer sur les terroristes rwandais au Nord-Kivu. Aucune action militaire n’est actuellement prévue dans la province voisine du Sud-Kivu, où la présence des FDLR reste forte.
Les médias nationaux ont promu une campagne d’information et de soutien à l’initiative du président Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo et pour soutenir l’armée républicaine pour contrebalancer la campagne de fake news promue sur les réseaux sociaux et diffusée via WhatsApp. Le journal «La Prosperité» invite tous les citoyens congolais à manifester une solidarité active avec les opérations militaires en cours.

Le journal La Tempête des Tropiques insiste sur la nécessité d’une campagne de sensibilisation autour de la nécessité de l’état de siège afin d’impliquer «tous les fils et filles du Congo face à la tragédie qui se déroule à l’est du Congo. Pays où les populations sont gravement affaiblies et à la merci des forces du mal qui les utilisent comme boucliers humains pour réaliser leur non-r connu de la population pour balkaniser le pays ».
Le journal L’Avvenir quitte le chœur de soutien au gouvernement de Kinshasa, en se concentrant sur la situation humanitaire dramatique causée par la violence de ces groupes armés survenue depuis janvier et sur la réponse inadéquate du gouvernement. «La situation humanitaire dans l’est du pays est très alarmante. Il y a près de 1 654 212 personnes déplacées à l’intérieur du pays en Ituri, tandis qu’au Nord-Kivu, il y a près de 2 277 590 personnes déplacées à l’intérieur du pays. Malgré cette crise humanitaire, aucune réponse importante n’a été apportée par le gouvernement central aux personnes déplacées dans les deux provinces frappées par l’état de siège », lit-on dans l’éditorial d’hier.

C’est le premier côté sombre de l’offensive. Cependant, il faut tenir compte du fait que plusieurs de ces personnes déplacées sont toujours piégées dans des zones contrôlées par divers groupes rebelles ou sur les théâtres actuels d’affrontements armés. Le gouvernement a promis d’augmenter le soutien «à nos frères en difficulté» en demandant la collaboration active des agences onusiennes et des ONG congolaises et internationales.
Le deuxième côté sombre concerne le caractère irréprochable de l’armée congolaise. Dans son dernier rapport mensuel, le Bureau commun des Nations Unies pour les droits de l’homme (UNJHRO) a enregistré “une augmentation de 32% des violations des droits de l’homme en mars par rapport à février: 655 cas au total”. Selon UNJHRO, au moins la moitié des violations sont imputables aux militaires.

“Si l’armée veut avoir plus de pouvoir, elle doit être irréprochable!”, Prévient le mouvement Fight for Change (LUCHA), faisant la référence (mais sans les nommer) aux combats en cours sur le plateau de Mulenge, province du Sud-Kivu, impliquant l’ethnie tutsi-congolaise Banyamulenge. Depuis janvier dernier, il y a eu une escalade des affrontements sur le plateau et dans les environs qui ont contraint 4000 citoyens congolais de l’ethnie Banyamulenge à se réfugier dans le village de Bijombo, près d’une base de la mission ONU pour le maintien de la paix : MONUSCO.

Depuis le moment de l’opération Corridor Est, les Banyamulenge sont sous la ligne de mire des forces républicaines et des unités spéciales rwandaises en raison de l’alliance d’un groupe armé Banyamulenge aux terroristes FDLR et de l’union des mouvements d’opposition armés au gouvernement de Kigali, appelé P5 formés par les groupes armés suivants: Congrès National du Rwanda – RNC, Forces Démocratiqaue Unifiées – FDU, PS-Imberakuri, PDP-Imanzi et Amhoro People Congres.
Depuis 2020, le groupe armé Banyamulenge est opposé par l’armée régulière congolaise aux côtés des groupes d’opposition armés burundais RED Tabara, FOREBU et des milices locales congolaises Maï Maï commandées par le Colonel Njwapa.

Dès juillet 2020, la société civile du Sud-Kivu dénonçait divers crimes de guerre perpétrés par l’armée républicaine, des soldats rwandais et des miliciens Maï Maï contre la population civile banyamulenge. Les allégations de violence contre des civils ont été reprises par l’association américaine de défense des droits humains Human Rights Watch, accusant l’Armée Patriotique Rwandaise d’avoir perpétré des massacres de civils banyamulenge et d’autres violations des droits humains. La fureur contre les civils ferait partie d’une stratégie visant à briser la résistance de l’ethnie tutsie congolaise.
La violence contre les Banyamulenge frôle le nettoyage ethnique. Les personnes déplacées sont désormais environ 35 000 personnes sur un total du groupe ethnique estimé à 80 000 personnes. Le gouvernement de Kinshasa devrait intervenir pour mettre fin à cette situation qui représente le chapitre le plus sombre du mandat du président Félix Tshisekedi.

Hier, 10 mai, une délégation des Forces Populaire de Défense de l’Ouganda (UPDF) dirigée par le Général de division Kayanja Muhanga, commandant de la Brigade de montagne de l’UPDF, s’est entretenue à huis clos avec des membres de l’état-major de l’armée républicaine congolaise pour discuter d’un stratégie militaire visant à éradiquer les rebelles ougandais extrémistes à orientation islamique ADF (Alleance of Democratic Forces) opérant au Nord-Kivu. Pour le moment, les détails discutés ne sont pas connus. Les seules informations reçues concerne la création d’une coordination conjointe des opérations militaires contre les rebelles de l’ADF et l’arrivée imminente d’une division de l’armée ougandaise au Nord-Kivu. Contrairement aux forces envoyées par le Kenya, le contingent militaire ougandais sera totalement autonome par rapport à la mission de maintien de la paix de l’ONU des Casques Bleus: la MONUSCO.

Fulvio Beltrami