Des journalistes et ONG qui défendent les migrants mis sur écoute illégalement en Italie

En Sicile, en Italie, l’information révélant l’écoute de conversations téléphoniques de journalistes travaillant sur la question des migrants et des ONG par le parquet de Trapani, continue de faire polémique. Au moins six journalistes auraient été mis sur écoute, retranscrites ensuite par les enquêteurs. Ainsi, la journaliste pigiste qui collaborent avec des médias italiens et étrangers dont Sky Tg24 et The Guardian a été écoutée lors de coups de file avec une avocate qui défend la famille de Giulio Regeni, jeune italien tué en Égypte.

Le téléphone de Nancy Porsia aurait ainsi été placé sur écoute pendant six mois. “Sur les 300 pages de retranscriptions des conversations, au moins 100 sont sur mes conversations. Je n’ai pas été écoutée quand je discutais avec des personnes faisant l’object d’enquête comme d’autres confrères, mais mon téléphone a bien été mis sur écoute. Pendant six mois. Pourquoi cet acharnement ?” a lancé la journaliste sur Twitter. Des pages et des pages ont été annotées sur ses contacts et ses déplacements.

D’autres journalistes reconnus ont été ainsi écoutés illégalement par le parquet de Trapani. Comme Nello Scavo du journal catholique italien l’Avvenire, Francesca Mannocchi, Sergio Scandura de la radio italienne Radio Radicale, Antonio Massari de “Il Fatto Quotidiano”, Fausto Biloslavo de “Il Giornale” et Claudia Di Pasquale de Report. Tous ont été écouté lors de conversations avec des sources confidentielles dont l’identité est protégée par le secret professionnel, et avec des membres d’ONG présentes en Libye ou de missions de sauvetage.

Des écoutes secrètes qui mettent en danger la liberté d’information ainsi que les droits humains des migrants. Le syndicat italien des journalistes, la FNSI, pose ainsi des questions légitimes qui attendent des réponses : “qui et pourquoi, de telles mesures ont été prises ? Voulaient-ils révéler nos sources, en violant le secret professionnel ?”C’est inacceptable dans un pays comme l’Italie qui se dit démocratique. L’annonce du ministère de la Justice de lancer des vérifications sur cette enquête de Trapani sur des ONG et la gestion des migrants est donc la bienvenue. Cette procédure prévoit l’envoie d’inspecteurs pour vérifier l’entreprise des magistrats siciliens. Ces infiltrations restent pour l’instant inquiétantes.

“Même si un journaliste est conscient qu’il peut devenir une cible quand il se rend sur le terrain, fait des recherches, rapporte des récits et des faits dérangeants, ce qui ressort de cette mise sur écoute par Trapani est déconcertante” a observé la porte-parole de Articolo21, Elisa Marincola.

Tous les journalistes mis sur écoute ont réalisé des enquêtes sur les migrants. Nancy Porsia s’est même retrouvée fichée par une société de sécurité, un dossier récupéré par le parquet sicilien, à cause de ses articles sur la question migratoire. C’est une véritable tentative pour museler la presse libre qui travaille sur ces sujets, unique rempart contre la propagande anti-migrants qui envahit les réseaux sociaux et certains médias italiens.Malgré les menaces constances en ligne et pas seulement, contre ceux qui mettent en lumière ce qui se passe en Méditerranée et sur le continent africain, ces journalistes en première ligne poursuivent leurs travaux inestimables.

Les informations ont été récupérées par des “agents privés” puis transmis aux enquêteurs, les journalistes étant ainsi fichés dans un dossier judiciaire qui aurait dû être ouvert pour reconstruire un présumé complot, là où en réalité, il s’agit d’une action de sauvetage et d’assistance de vies humaines et à la conduite du travail journalistique de vérifications des faits sur le terrain.L’enquête a été ouverte en 2016, dans le contexte des enquêtes du parquet de Trapani sur les ONG et le favoritisme d’immigration clandestine de Libye.