Ethiopie. Il se bat aussi avec des drones et des fake news. TDF sur la défensive à Amara et Afar (Fulvio Beltrami)

Il y a trois jours, une séquence photographique a été publiée sur les réseaux sociaux pour démontrer l’abattage d’un drone iranien par l’armée régulière du Tigré (TDF). Des recherches minutieuses ont montré que les photographies faisaient référence aux combats d’octobre 2020 dans le Haut-Karabakh. C’est la confirmation (qui n’était pas nécessaire) du fait que la guerre civile en Éthiopie se mène aussi par la diffusion de fake news sur les réseaux sociaux. Le plus déconcertant est qu’en fait le gouvernement d’Addis-Abeba s’est fourni en drones iraniens meurtriers grâce à l’intermédiation de la Turquie.

L’offensive des TDF en Afar et Amhara qui a commencé en juin dernier pour briser le blocus terrestre et aérien du Tigré a été effectivement bloquée par l’armée fédérale ENDF et les milices Amhara et Afar associées. La promesse d’offensive fédérale a débuté à la mi-août et connaît du succès. La première victoire significative des ENDF a été la reconquête de la ville de Gashena (à 250 km de la capitale amhara de Bahir Dar) qui a entraîné la coupure de ravitaillement des troupes TDF combattant à Debre Tabor (à 108 km de Bahir Dar).
Entre le 22 et le 30 août, l’ENDF a repris tout le territoire le long de l’autoroute B22 à l’exception de la ville de Filakit (à 236 km de Bahir Dar) toujours sous contrôle des TDF. Les forces spéciales et les milices amhara ont repris plusieurs villes, notamment : Kimir Dingay et Nefas Meewcha. La dernière victoire enregistrée par l’ENDF remonte à quelques heures. La ville de Debre Zebit (à 300 km de Bahir Dar) a été reprise forçant les troupes de Tegaru à battre en retraite.

A Debre Tabor (à 108 km de Bahir Dar), de furieux combats entre ENDF et TDF se poursuivent depuis le 23 août. La direction du TPLF a remporté une grande victoire infligeant de lourdes pertes aux ENDF, aux milices Amara et à la Garde Républicaine. Malgré cette victoire, les fédéraux ont lancé une nouvelle offensive et les combats se poursuivent. Il est difficile de prédire l’issue, mais une augmentation du soutien militaire turc est prévisible dans le cas où l’offensive actuelle contre le TPLF apporterait de meilleurs résultats et mettrait l’armée régulière du Tigré en fuite.

La situation à Amhara devient de plus en plus insoutenable pour l’armée régulière du Tigré qui tente de se réorganiser pour établir une ligne de front et ne pas perdre davantage de terrain. Depuis le 26 août dernier, les TDF ont lancé une contre-attaque pour reprendre la ville de Gashena. Les combats se poursuivent.

L’offensive fédérale n’est pas favorisée par les fameux recrutements massifs dans l’ENDF. Le régime du Parti de la prospérité utilise les dernières forces disponibles pour pouvoir repousser l’armée tegaru dans le Tigré et l’enfermer dans la région à travers le blocus terrestre et aérien en place depuis avril dernier. La région d’Amhara est d’une importance stratégique pour les deux parties. S’il tombait entre les mains du TDF, ce serait la défaite totale du gouvernement d’Addis-Abeba. Au contraire, le premier ministre Abiy serait en mesure de stabiliser le conflit en renforçant l’encerclement du Tigré. Cela lui permettrait d’acquérir le temps nécessaire pour reconstituer l’armée et lancer l’attaque pour reprendre le contrôle de la région « rebelle ».

S’il n’y a pas d’enrôlements massifs dans l’ENDF, d’autre part, les différentes offensives dans l’Amhara ont été possibles grâce à un enrôlement massif des Amhara dans leurs milices. Une conscription clairement induite par la rivalité ethnique millénaire entre Amhara et Tegaru. Tous les efforts des TDF pour s’occuper de la population civile en évitant la violence ne semblent pas avoir porté leurs fruits.
Profitant du moment des victoires militaires, le Premier ministre Abiy s’est lancé dans une tournée au Kenya, au Rwanda et en Ouganda à la recherche de nouvelles alliances. Le Rwanda et l’Ouganda ont toujours été des alliés du TPLF. Dans les années 1980 et 1990, les protagonistes de la renaissance africaine en Afrique de l’Est et dans la Corne de l’Afrique étaient Meles Zenawi Asres, Paul Kagame et Yowerki Kaguta Museveni qui se sont entraidés pour renverser leurs régimes respectifs. L’alliance militaire s’est renforcée politiquement et économiquement à partir de 1995. Malheureusement, le président Museveni semble avoir offert son soutien, trahissant son amitié avec la direction du TPLF. Cette seconde indiscrétion de l’immeuble alors qu’aucune déclaration officielle n’a été émise sur les enjeux précis de la conversation entre les deux chefs d’Etat. Mystère absolu sur la rencontre d’Abiy avec le président Paul Kagame au Rwanda.

Le seul front qui continue d’enregistrer des succès militaires est celui de l’Armée de libération oromo (OLA) en Oromia. Il y a deux jours, OLA a libéré la ville de Negele. L’armée OLA est structurellement faible car dépourvue de chars et avec peu de pièces d’artillerie lourde, mais elle a le soutien de la population et profite du fait que la majorité de ce qui reste de l’armée fédérale est engagée sur l’Amhara et Fronts lointains. . Cependant, il faut noter qu’une éventuelle défaite des TDF permettrait à Abiy de concentrer ses forces en Oromia, parvenant à bloquer l’avancée de l’OLA.

Il est prématuré de parler d’une défaite des forces de TDF mais force est de constater qu’elles sont en sérieuse difficulté. Pour le moment les fédéraux de l’ENDF n’ont pas réussi à percer le front, battant les Tegaru qui ont toutes les chances de se lancer contre des offensives victorieuses et de se concentrer à nouveau sur la conquête de Gondar et Bahir Dar qui mettrait fin à la guerre civile en obligeant le régime du PP à abdiquer et ses dirigeants à s’échapper. Malheureusement, l’inverse pourrait aussi se produire.
L’incertitude de la situation a poussé la communauté internationale à redoubler d’efforts pour la paix. En plus de l’offre de médiation du Soudan, il y a aussi celles du dictateur Erdogan et de l’Union africaine. Tous les trois ont pratiquement échoué dans l’œuf. La médiation soudanaise a été lâchement rejetée par le Premier ministre Abiy en attaquant le territoire soudanais d’Al-Faashaga (contesté par la région d’Amhara) puis en accusant l’armée soudanaise d’avoir envahi l’Éthiopie.

La médiation turque n’est pas crédible car en même temps Erdogan (photo) a accepté de livrer les drones à l’armée éthiopienne pour les aider à gagner la guerre. Quant à celui de l’UA, le leader du TPLF : Debrestion Gebremichael a informé le Conseil de sécurité et le secrétaire général de l’ONU : Guterres de rejeter le médiateur a indiqué : l’ancien président nigérian Olusegun Obasanjo car jugé partial et très proche de la direction fasciste Amhara. Le rôle de médiateur d’Obasanjo est remis en cause depuis le Burundi où sa médiation était ouvertement en faveur du régime militaire HutuPower de Gitega.
La haine ethnique et l’histoire des conflits antérieurs contre Hailee Selaisse et la DERG annulent toute possibilité de trêve et de pourparlers de paix. Le sort du TPLF, d’Abiy et du dictateur érythréen Isiass Afwerki dépend d’une victoire définitive et de l’anéantissement total de l’ennemi. Même en cas de défaite des TDF à Amhara et Afar et de reconquête de Mekelle par les fédéraux, la guerre ne prendrait pas fin. Le TPLF retournerait dans les montagnes pour reformer son armée et attaquer à nouveau.

Fulvio Beltrami