Les deux offensives en Afar et en Amhara suggèrent que l’armée régulière du Tigré vise à détruire l’économie nationale afin d’empêcher « l’ennemi » de poursuivre la guerre et, en même temps, de se diriger directement vers Addis-Abeba. La distance entre Gondar et la capitale éthiopienne est de 657 km. Étant desservie par d’excellentes routes, la distance peut être parcourue en moins de 12 heures. La chute de Gondar mettrait gravement en danger Addis-Abeba. L’Armée de libération oromo se trouve à environ 60 km de la capitale.
Les événements militaires de cette semaine effacent toute possibilité de résoudre pacifiquement la crise politique militaire en Éthiopie. L’armée régulière du Tigré et l’OLA semblent être dans une position de force qui contrecarre les appels à un cessez-le-feu pour ouvrir des négociations de paix. Des sources confidentielles disent qu’il y a trois jours, l’état-major de l’ENDF a tenté d’ouvrir un dialogue avec l’armée tigrigna. Proposition rejetée en raison des rafles et des assassinats de centaines (peut-être de milliers) de Tigres vivant à Addis-Abeba, Gondar et dans d’autres villes éthiopiennes sous le contrôle du Parti de la prospérité. L’information n’a pas été confirmée par le TPLF et le gouvernement fédéral.
Selon certains experts militaires régionaux, les forces de défense fédérales sont désormais à la merci des événements, tandis que TDF et l’OLA font une course contre la montre pour s’assurer les victoires sur le terrain nécessaires pour accroître leur poids politique dans un éventuel « Post-Abiy ». Les guérilleros de l’OLA sont militairement inférieurs aux forces Tigrinya mais le poids de leur ethnicité (40 % de la population totale) empêche le TPLF d’ignorer les principales formations politiques: Oromo Liberation Front et Oromo Federalist Congress.
Les premières fissures inquiétantes sont visibles dans l’alliance entre Amhara et le prix Nobel de la paix. Le site d’information en ligne Mereja.com a publié il y a deux jours un article alarmant : “Le régime d’Abiy Ahmeda sabote les forces Amhara”. Mereja est un organe de propagande influent de l’extrême droite Amhara capable d’influencer les choix politiques de Teshager et Tiruneh. Les extrémistes amhara affirment dans l’article que l’armée fédérale est pratiquement hors-jeu et accusent Abiy de ne pas avoir fourni le soutien logistique et militaire nécessaire aux forces amhara qui tentent désespérément de bloquer l’offensive des TDF et de sauver leur capitale: Gondar.
Pendant ce temps, dans la capitale Addis-Abeba et dans d’autres villes encore sous le contrôle du Parti de la Prospérité, les arrestations arbitraires et les persécutions de milliers de citoyens éthiopiens du Tigré se multiplient. Des sources locales disent que la police arrête les citoyens dès qu’ils les entendent parler en tigrinya. Des associations éthiopiennes de défense des droits humains prennent contact avec les Nations unies et l’Union africaine pour lancer un cri d’alarme. Selon ces associations, de nombreux citoyens arrêtés sont éliminés dans des lieux secrets.
L’artisan de ce nettoyage ethnique honteux est le chef de la police politique et leader nationaliste Amhara Temesgen Tiruneh qui s’est rendu à Gondar dimanche 24 juillet pour encourager ce qu’il reste de l’armée fédérale et des milices amhara qui font face à l’offensive de l’armée régulière du Tigré. Le TPLF doit être détruit une fois pour toutes où qu’il se trouve. Le TPLF est l’ennemi des Amhara et de tout le peuple éthiopien”.
L’appel des évêques catholiques éthiopiens semble pour le moment inaudible. Le général Birhanu Jula, chef d’état-major des forces fédérales, a lancé un ultimatum à l’armée régulière du Tigré les invitant à cesser les combats et à accepter un cessez-le-feu. Birhanu menace de déployer une nouvelle méga-armée mieux préparée, plus forte, plus expérimentée et bien équipée. Selon divers experts militaires, ce sont des menaces vides de sens. Les divisions fédérales abandonneraient progressivement les régions Afar et Amhara pour se concentrer sur la défense d’Addis-Abeba. Des bruits de fond parlent d’un coup d’Etat pour supprimer Abiy et sauver ce qui peut l’être avec une paix de dernière minute…
Fulvio Beltrami