Odaa Tarbii, porte-parole international de l’Armée de Libération Oromo (OLA) dans un Twitter il y a quelques heures, a lancé l’alerte, informant que les troupes érythréennes ont envahi l’Oromia dans la zone de Kelem Welega dans le district occidental de Welega, près de la région de Benishangul-Gumuz où se trouve le méga barrage GERD.
Tarbii, en donnant la nouvelle par le biais d’un communiqué de presse officiel de l’OLA, déclare que les troupes érythréennes sont les principales forces utilisées par le régime Amhara pour reprendre le contrôle d’Oromia. “L’armée fédérale s’est résignée à un rôle de soutien, en entreprenant des frappes aériennes à l’aide de drones de combat et d’hélicoptères”
L’Armée de Libération Oromo souligne le nombre élevé de victimes civiles lors des bombardements aériens, en raison de l’utilisation de drones sur des cibles très peuplées dans les villes et les villages. Simultanément aux frappes aériennes contre des civils dans le Tigray, il y a eu une escalade des frappes aériennes à Oromia avec un nombre tout aussi élevé de victimes civiles.
L’OLA rappelle que ce n’est pas la première fois que ces troupes étrangères envahissent l’Oromia à la demande du gouvernement fédéral. La première fois, c’était en avril dernier où les Erythréens se sont battus quelques mois avant de se retirer sous la pression diplomatique internationale. “Au cours de cette période, des soldats érythréens ont commis plusieurs exécutions extrajudiciaires de civils, le plus odieux étant le massacre de 7 paysans dans le district de Sayo Nole à West Wallaga le 3 mai 2021”, explique l’OLA.
L’escalade des frappes aériennes sur les civils et l’invasion des troupes érythréennes sont une nouvelle preuve que tous les gestes et déclarations d’initiation d’un processus de paix et de dialogue national faits par le Premier Ministre Abiy Ahmed Ali sont trompeurs et faux. Ces actions militaires, couplées au massacre de civils dans le Tigré la semaine dernière, contrecarrent la libération de plusieurs dirigeants oromo arrêtés en juillet 2020 dont le chef de l’Oromo Federalist Congress OFC : Jawar Mohammed.
Après l’alliance politico-militaire avec le TPLF, qui a permis la naissance du Front Uni des Forces Fédéralistes Éthiopiennes (une coalition de 9 formations politiques militaires éthiopiennes combattant le régime), l’Armée de Libération Oromo a subi la défaite militaire en Amhara infligée lors de la dernière grande offensive du régime menée en décembre dernier, également confiée uniquement à l’armée érythréenne.
Après s’être retirée en Oromia, l’OLA a continué à libérer des territoires dans sa région, profitant du fait que les troupes érythréennes étaient engagées dans la lutte contre les Forces de Défense du Tigray à la frontière entre l’Amhara et le Tigray. Les guérilleros de l’OLA on été combattu par quelques sections de ce qui reste de l’armée fédérale éthiopienne et par des milices locales affiliées au Parti de la Prospérité.
Lorsque les troupes érythréennes s’étaient arrêtées à la frontière avec le Tigré, le dictateur Isaias Afwerki avait donné des signaux qu’il ne voulait pas réemployer ses troupes en Oromia. Une décision qui s’inscrit dans les plans du dictateur érythréen de créer une situation d’instabilité permanente et de conflit en Ethiopie pour assurer le contrôle sur le pays et une plus grande influence dans la Corne de l’Afrique.
En janvier, nous assistons à deux invasions de l’Éthiopie menées par l’Érythrée. La première dans le nord du Tigré et la deuxième maintenant dans l’ouest de Welega. Qu’est-ce qui a poussé Afwerki à changer radicalement d’avis ?
Selon des sources diplomatiques, le changement de tactique d’Isaias trouve son origine dans la récente alliance avec la direction fasciste amhara qui est en train d’entrer progressivement en confrontation directe avec le Premier Ministre Abiy Ahmed Ali. L’affrontement s’est exacerbé lorsqu’Abiy a libéré les prisonniers politiques Oromo et Tegaru sans prévenir ses alliés, déclenchant l’ire des extrémistes Amhara qui, dans le Prosperity Party (le parti fondé de rien par Abiy en 2019 actuellement au pouvoir) ont un poids considérable.
La crise profonde entre les dirigeants Amhara et Abiy a été mise en évidence par les deux dernières déclarations de l’ancien président de la région Amhara : Agegnehu Teshager. La première prévient que le Tigré occidental appartient à la région d’Amhara et ne peut faire l’objet de négociations de paix ni figurer à l’ordre du jour du dialogue national que tente de proposer le Premier Ministre.
Dans la deuxième déclaration Teshager dément les rumeurs qui circulent sur le désarmement de la milice paramilitaire amhara : FANO. Lors d’une réunion avec les chefs militaires des FANO, Teshager a déclaré que les forces régionales d’Amhara et les FANO se battent et se battrons toujours ensemble. Teshager a appelé les jeunes à rejoindre les FANO, affirmant que cette milice est destinée à devenir un élément clé de la structure de défense de la région d’Amhara.
Ces deux déclarations seraient un signal clair d’opposition aux tentatives de paix d’Abiy. Selon des sources diplomatiques, le Premier Ministre éthiopien avait l’intention de remettre en cause les territoires du Tigray annexés par les Amhara et de proposer le désarmement de la milice FANO . Les déclarations de Teshager ont empêché toute déclaration officielle sur la question par le Premier Ministre.
Un expert militaire ougandais est d’avis que l’armée érythréenne ne s’engagera pas dans une guerre totale contre l’OLA pour reprendre la région d’Oromia. Le véritable objectif serait de conquérir les régions oromo bordant la région d’Amhara pour pouvoir les annexer au Grand Amhara. Un projet d’expansion territoriale voulu dès la première heure par la direction amhara, qui entend engloutir les territoires du Tigray, d’Oromia et du Soudan voisin. En effet, les troupes érythréennes combattent dans l’ouest de Welega, l’un des districts les plus intéressants pour les dirigeants nationalistes amhara. Cet engagement militaire servirait à renforcer l’alliance entre Afwerki et les dirigeants extrémistes Amhara.
Le communiqué de l’Armée de Libération Oromo expose une triste réalité. Depuis le début de la guerre civile en novembre 2020, l’attention des médias et des diplomates internationaux est dirigée vers le Tigré, alors que ce qui se passe (d’une gravité égale) à Oromia ne reçoit pas l’attention qu’il mérite. Cela conduit à la fausse conclusion que la guerre civile en cours est un conflit entre Abiy et le TPLF alors qu’en réalité il s’agit d’un conflit entre diverses forces politiques liées aux trois principales ethnies nationales.
Une inattention incompréhensible étant donné que les Oromo représentent le 40% de la population et qu’il est évident depuis au moins 6 mois que l’OLA, avec les partis historiques OLF et OFC, jouera un rôle de premier plan tant dans le sort du conflit que dans un éventuel gouvernement de coalition post-Abiy.
Selon le porte-parole de l’OLA, le régime d’Abiy a invité l’armée érythréenne en Oromia avec le calcul que la communauté internationale continuera à fermer les yeux sur ses actions dans cette région et dans le sud du pays en général.
Ces dernières semaines, l’Armée de Libération Oromo a enrôlé milliers des jeunes et accru le soutien populaire. C’est le résultat direct des crimes de guerre commis par Abiy et les dirigeants Amhara sur la population d’Oromia.
Fulvio Beltrami