Congo. Capturé Haut Commandant du groupe islamique ougandais ADF revenant du Burundi

Le dimanche 9 janvier, une opération conjointe des armées congolaise (FARDC) et ougandaise (UPDF) à Uvira, au Sud-Kivu, à l’est de la République Démocratique du Congo, a conduit à l’arrestation de Bejamin Kisolorania, un haut commandant du groupe islamique ougandais Alliance of Forces Démocratiques – ADF. Le terroriste a été arrêté à la frontière d’Uvira à son retour de Bujumbura, au Burundi.

La capture est l’œuvre du Général de division congolais Mandiangu et du Général ougandais Muhanga dans le cadre de l’opération conjointe contre les ADF dans l’est du Congo : opération Shujaa (courage en kiswahili).

La nouvelle de l’arrestation de Kisolorania circulait sur les réseaux sociaux depuis le 10 janvier mais, ne trouvant aucune confirmation officielle, les médias ont attendu. C’est le Major Peter Mugisa, porte-parole de la division de montagne ougandaise qui n’a confirmé la capture du dangereux terroriste. Aujourd’hui, Kisolorania est détenu par l’armée congolaise et sera bientôt extradé vers l’Ouganda.

La prise de Kisolorania représente un coup dur pour le groupe terroriste ougandais. Kisokorania est l’un des membres originaux des Forces Démocratiques Alliées à l’époque du fondateur Jamilu Mukulu et était responsable de l’ensemble du réseau financier international de l’ADF.

Alors que les détails sur l’arrestation du commandant des ADF sont encore rares, l’événement renforcera l’opération conjointe en cours par l’UPDF et l’armée congolaise, les FADRC ciblant les cachettes des ADF.
La nouvelle survient également une semaine seulement après l’arrestation d’un important recruteur des ADF, Banza Madjaribu, qui est également le frère du commandant de facto du groupe terroriste, l’imam Zakaria Banza Souleymane. Madjaribu aurait organisé un réseau de recrutement pour les ADF en utilisant ses nombreux minibus et motos pour transporter les recrues vers la forêt de Beni via Butembo au Nord-Kivu.

Les ADF opèrent depuis plusieurs années dans le Nord-Kivu instable qui borde d’autres provinces dont l’Ituri au nord et le Sud-Kivu au sud et est un champ de bataille pour plusieurs groupes ethniques armés rivaux depuis 1998. La province est composée de trois villes dont; Goma, Butembo et Beni ainsi que six territoires : Beni, Lubero, Masisi, Rutshuru.

Selon le Centre d’études stratégiques et internationales, l’ADF, qui a été désignée comme groupe terroriste par le gouvernement américain, a utilisé le nom de Madina a Tauheed Wau Mujahedeen (Ville du monothéisme et des guerriers saints) pour souligner ses liens actuels avec l’État islamique – DAESH.
En 2019, le DAESH a revendiqué une attaque des ADF et a d’abord évoqué une “province centrafricaine”. L’organisation est dirigée par Musa Baluku, qui a été le principal juriste islamique des ADF avant de consolider le pouvoir après l’arrestation de Mukulu en 2015. En octobre et novembre 2021, le DAESH a revendiqué la série d’attentats à Kampala.

Depuis le 1er décembre 2021, les forces conjointes congolaises ougandaises ont lancé des attaques aériennes et d’artillerie contre les camps des ADF. Le camp de Kambi Ya Yua contenait au moins 600 terroristes. Il mesurait plus de huit acres de largeur et contenait également un atelier de fabrication de bombes et de canons.

Kambi ya Yua est un site vallonné au milieu d’une jungle qui s’étend sur plus de 100 km de l’Ouganda au plus profond de la République démocratique du Congo. Aucun établissement humain, aucune route d’accès, aucun espace ouvert. C’est l’un des endroits qui échappent encore à la civilisation et il est inconcevable que des êtres humains y vivent et y survivent. Pourtant, c’est l’endroit au sein de la RDC où les ADF ont établi leur principale base pour l’entraînement militaire, l’assemblage de bombes et l’endoctrinement des jeunes.
Lorsque l’UPDF, appuyée par les FARDC, a atteint et occupé le camp, ils l’ont trouvé désert et la plupart des preuves de ses plans et opérations détruites ou emportées.
Cependant, l’UPDF a capturé des documents qui ont fourni une image du rôle que ce champ a joué dans les opérations ADF.
Les circonstances et le lieu de l’arrestation de Bejamin Kisolorania sont également très intéressants. Le chef terroriste revenait du Burundi où il s’était rendu quelques jours plus tôt. Pour faire quoi?
Pour rencontrer les chefs de la junte militaire burundaise et du groupe terroriste rwandais FDLR, selon des sources locales. Les ADF étaient prêtes à rejoindre le contingent d’invasion qui combat l’opposition armée burundaise des Red Tabara au Sud-Kivu depuis le Burundi.

Le contingent est composé d’unités de l’armée régulière burundaise, de la milice Imbonerakure, des terroristes FDLR et de deux milices congolaises : Maï-Maï Gumino et Maï-Maï Twigwaneho. Les opérations, jusque-là tolérées par le gouvernement de Kinshasa, ont débuté en décembre 2021.
Les derniers combats ont eu lieu le samedi 15 janvier aux localités de Kitoga au Sud-Kivu. Selon le communiqué de presse diffusé par l’opposition armée burundaise Red Tabara, le contingent d’invasion a subi de lourdes pertes, optant pour la retraite, au cours de laquelle les militaires burundais ont incendié plusieurs maisons dans le village de Kitoga. Ni l’invasion ni les combats en cours au Sud-Kivu ne sont officiellement mentionnés par les gouvernements respectifs du Burundi et du Congo.

La destruction de plusieurs bases terroristes et l’arrestation de Bejamin Kisolorania sont des victoires importantes enregistrées par le Congo grâce à l’armée ougandaise. Pourtant, la mission d’anéantir les terroristes ADF reste problématique. Le grand défi est de savoir comment approvisionner les troupes en nourriture, munitions, médicaments, etc. dans des endroits presque inaccessibles. Une opération coûteuse uniquement possible via des hélicoptères.

De plus, il y a la fiabilité militaire du partenaire. Le gouvernement de Kinshasa est incapable de fournir des troupes de confiance, bien armées, entraînées et prêtes au combat. L’armée congolaise ressemble plus à une armée de commedie qu’à une armée moderne.

Hormis le Président Félix Tshisekedi (qui a promis à la nation le rétablissement de la paix et de l’État de droit dans les provinces de l’Est), la majorité de l’élite politique et militaire de Kinshasa considère la guerre comme permanente et la présence d’armées étrangères dans le à l’est comme un inconvénient gênant. Pour cette élite, la situation à l’Est ne représente pas une menace pour leur pouvoir. La guerre à l’Est est donc une irritation avec laquelle Kinshasa peut vivre.

Fulvio Beltrami