Ethiopie : Oromia, chroniques de guerre (Fulvio Beltrami)

Après avoir braqué les projecteurs sur la guerre secrète à Oromia, les premières informations ont été recueillies sur ce conflit qui semble être ignoré par la majorité des Media Occidentaux, peut-être dans le but de ne pas faire comprendre à quel point la situation est grave en Éthiopie où l’horrible conflit au Tigré il semble de plus en plus la pointe de l’iceberg. L’Éthiopie est actuellement victime de quatre conflits. Gouvernement central contre États fédéraux: Tigray, Oromia. Conflit ethnique dans la région de Benishangul-Gumuz, qui abrite le méga barrage GERD (Grand Ethiopian Renaissance). Conflit interrégional entre les États de la région Afar et Somali (anciennement Ogaden).
Les informations transmises ici proviennent de diverses sources dont l’Armée de Libération d’Oromia – OLA, la branche armée du Front de Libération d’Oromo – OLF qui, il y a trois semaines, a décidé de ne pas participer aux élections législatives prévues en mai ou juillet 2021 pour protester contre les arrestations de la majorité.de sa leadership politique. Toutes les nouvelles ont été vérifiées dans les limites imposées par la forte censure des informations imposée par le gouvernement fédéral éthiopien.

Préambule
À la mi-mars, l’Armée de Libération d’Oromo – OLA a lancé une série d’attaques à surprises dans le district d’Amaro au sud de l’Éthiopie et dans les régions de Guji en Oromia. Au moins huit personnes ont été tuées par l’attaque. Parmi les victimes de l’attaque se trouve Dagnachew Echala, chef du bureau du district d’Amaro du Parti de la Prospérité, le parti d’Abyi.

L’offensive de l’OLA devient inquiétante fin mars lorsque 13 districts à 70 km de la capitale Addis-Abeba tombent sous leur contrôle. Le gouvernement, se sentant menacé et à court d’hommes, se tourne vers la seule force militaire majeure présente dans le pays: l’armée érythréenne. Le dictateur Afwerki déplace deux divisions déterminées à se battre à Tigray, les envoyant se battre à Oromia. Les divisions érythréennes ont réussi à arrêter l’avancée de l’OLA sur la capitale mais les combats se poursuivent dans les districts ouest et sud de l’état d’Oromia.

Bulletin de guerre. Oromia. Avril 2021.
Jeudi 8 avril 2021 Le commandant de la police fédérale Mangasha Abate, chargé des renforces envoyés pour aider l’ENDF (Armée fédérale éthiopienne), les unités combattantes d’Erythrée et les milices Amhara contre l’OLA, a été tué lors d’un combat. Son corps a été rendu par les rebelles oromo à sa famille à Gojjam, dans l’État d’Amhara.

Mercredi 7 avril 2021. Violents combats entre l’OLA et le gouvernement fédéral au nord-est de Meta Robi, région ouest de Shewa, Oromia. L’armée Oromo revendique la victoire et la saisie de nombreuses armes et munitions.
Mardi 6 avril 2021. Au moins 30 bus remplis de soldats érythréens et éthiopiens sont arrivés au village de Horo Gudru Welega, région de Shambu pour renforcer les forces déjà déployées par l’Érythrée, le gouvernement fédéral et les dirigeants Amhara. Le Front de Libération d’Oromo affirme que les forces ennemies auxquelles ils font face seraient composées de 25 000 hommes lourdement armés.

Samedi 03 avril 2021. Les gardes du corps du président du Front de Libération Oromo Jaal Dawud Ibsa ont été arrêtés par la police fédérale dans la ville de Finfinee. Jaal Dawud a déclaré qu’il ne se laisserait pas intimider et qu’il poursuivrait son travail politique sans crainte.

Jeudi 01 avril 2021. L’OLA revendique la victoire sur un bataillon mixte érythréen éthiopien composé de 300 soldats qui avait lancé une offensive sur le front ouest en Oromia. L’OLA prétend avoir repoussé l’ennemi en lui infligeant de lourdes pertes.
L’Adda Bilisummaa Oromoo ABO (connu en Occident sous le nom de Front de Libération Oromo) a été fondé en 1973 par les nationalistes de l’ethnie Oromo pour promouvoir l’autodétermination d’Oromia contre le règne féodal du dernier empereur Amhara: Haile Selassie qui un an plus tard sera déposé et assassiné par des jeunes officiers de l’armée regroupes dans la junte militaire DERG d’orientement politique stalinien.

L’ABO (OLF) est le fruit de plus de 70 ans de guérilla oromo contre les empereurs Amhara. Les Oromo sont le principal groupe ethnique éthiopien. Ils représentent le 40% de la population. D’origine bantoue, peut-être du Kenya, les Oromo ont toujours été en conflit avec les royames de Tigray et d’Amhara. Soumis par le premier empereur de la dynastie salomonienne: Menelik I, les Oromo ont été réprimés pendant des siècles et considérés comme des citoyens de seconde zone.

Sous le régime de Haile Selassie, l’OFL a été banni des institutions et non considéré comme un parti politique. Le conflit a également duré pendant toute la période de la dictature du DERG (1974 – 1991). À la fin des années 1990, l’OLF et sa branche armée ont rejoint le Front de Libération du Peuple du Tigray (TPLF) et le Front de Libération du Peuple de l’Érythrée (EPLF) dans la lutte contre la junte militaire DERG.
À la chute de la dictature militaire, l’OLF a participé à la coalition au pouvoir, le Front Démocratique Révolutionnaire du Peuple Ethiopien (EPRDF), qui réunit tous les groupes de guérilla qui avaient combattu le DERG, sous la direction du TPLF. La lune de miel entre l’EPRDF et l’OLF n’a duré qu’un an. En 1992, l’OLF a annoncé sa retraite du gouvernement en raison du « harcèlement et du meurtre de son leadership. En réponse, l’EPRDF a arrêté et tué de nombreux soldats Oromo à l’intérieur des casernes de l’armée fédérale dans le but de réduire considérablement la puissance de combat de l’OLF et de l’OLA.

Ce qui restait des forces de l’OLF / OLA a déclenché une guérilla en Oromia. Malgré les premières victoires rapportées par l’armée fédérale, la supériorité numérique et armée de l’EPRDF, le gouvernement d’Addis-Abeba n’a pas pu vaincre complètement l’OLF
En 2006, les guérilleros OLA du sud d’Oromia ont été forcés de se retirer au Kenya pour tenter de se réorganiser. La même année, le Général de brigade Kemel Gelchu de l’armée éthiopienne avec 100 de ses soldats a rejoint l’OLF en installant des bases en Érythrée. Peut-être acheté par le gouvernement fédéral en 2008, le général Gelchu a revendiqué la direction de l’OLA et a conclu un accord de paix avec le TPLF, ordonnant aux guérilleros Oromo de déposer les armes et de se rendre au gouvernement. La direction de l’OLF a expulsé le Général Kemel Gelchu perdent toutes les guérillas sous son commandement stationnés dans les bases érythréennes.
Le Front de Libération d’Oromo a réussi à réunir ses forces qu’en novembre 2012. En 2015, l’OLF a lancé une série d’attaques dans la ville de Moyale en réponse à l’attaque subie dans le camp militaire de Sololo (Kenya) menée par le gouvernement fédéral de Addis Ababa. L’armée Ethiopienne avait traversé la frontière kényane pour poursuivre le rebelles OLA. En mars 2018, les troupes de l’OLA / OLF ont lancé une offensive majeure dans l’ouest de l’Oromia pour mieux négocier à la table de la paix. L’accord, qui a sanctionné la fin des hostilités et le rétablissement de l’OLF en tant que parti politique, a été proposé par le Premier Ministre nouvellement élu, Abiy Ahmed Ali. L’accord de paix a mis fin au conflit d’Oromo qui a duré 45 ans, renforçant l’image internationale d’Abiy en tant qu’artisan de la paix et réformateur démocratique.

La branche armée de l’OLF, mécontente des négociations de paix, s’est séparée de l’OLF et a continué à mener des attaques armées. Les forces de guérilla Oromo se sont livrées à des attaques contre des civils Amhara, donnant au Premier Ministre éthiopien l’occasion de réprimer la population Oromo en commençant à arrêter certains dirigeants de l’aile politique de l’OLF les accusant de terrorisme. En août 2020, l’OLA a été divisée en deux groupes distincts au sud et à l’ouest d’Oromia. Avec peu d’hommes et un armement limité, la guérilla Oromo à l’époque ne représentait plus une menace pour la sécurité nationale.

Les guérilleros OLA ont été considérés comme vaincus jusqu’en mars dernier, lorsqu’ils ont réussi à lancer une offensive générale avec des milliers d’hommes bien armés. Arrivé à 70 km de la capitale, le Premier Ministre éthiopien a été forcé de demander l’intervention de deux divisions d’infanterie et d’un cuirassé offert par l’Érythrée pour bloquer l’offensive de l’OLA et sauver la capitale Addis-Abeba. Depuis lors, il y a eu une escalade du conflit Oromo et le rapprochement entre l’OLF et l’OLA.

Les Chefs militaires de l’Armée de Libération d’Oromo sont Jaal Marroo, commandant du front ouest, et Jaal Gollicha, commandant du front sud. Les contenant est le général érythréen Haregot Furzun, qui commande les divisions érythréennes et celles de l’armée fédérale éthiopienne. Furzun a été rejoint par les miliciens Fano Amhara. Les forces de défense régionales d’Oromia (sous contrôle fédéral) sont peu utilisées dans les combats. Asmara et Addis-Abeba ne font pas confiance à leur loyauté.

Ironiquement, l’Érythrée a soutenu les combattants Oromo depuis plus d’une décennie en les entraînant dans la caserne de l’OLF à Qorioli, sud de la Somalie, et en assurant un approvisionnement régulier en armes et en munitions. En 1999, l’OLF / OLA a combattu aux côtés des troupes érythréennes dans la guerre Éthiopie-Érythrée, attaquant l’armée fédérale de puis la région somalienne du South Shabelle. OLF a également fourni un soutien de propagande à l’Érythrée par le biais de ses radios SBO – Segalee Bilisummaa Oromoo et VOL – Voice of Oromo Liberation qui diffusent en langues Afar, Oromo et Amarica.
Sur les réseaux sociales proches de l’OLF, les combattants Oromo diffusent une propagande de guerre qui les présente comme des soldats disciplinés qui ne maltraitent pas les prisonniers. Habituellement, ces nouvelles sont accompagnés pard de nouvelles de miliciens Oromo capturés et abattus sans pitié par les Érythréens, les fédérales et les milice Fano. Impossible de garantir la véracité de ces informations diffusées par l’OLA.

Il est clair que la guérilla Oromo, réduite au minimum il y a un an, a reçu de grandes quantités d’armes et de munitions afin de lancer une offensive militaire à grande échelle. Il n’y a aucun problème avec la chair à canon à recruter. Le TPLF et le Parti de la Prospérité du Premier Ministre Abiy n’ont jamais résolu le fléau du chômage des jeunes malgré une croissance économique à deux chiffres stupéfiante depuis plus de 12 ans. Des milliers de jeunes Oromo on entrain de rejoindre l’OLA dans l’espoir d’un avenir et d’une vie meilleure.

La capture de guérilleros Oromo par des soldats fédéraux a ouvert le soupçon que le Soudan aide la rébellion en Oromia. Des guérilleros capturés ont été trouvés en possession de fusils automatiques Terab CQ 5.56 et des munitions calibre 45 fabriqués uniquement au Soudan. L’OLF et le gouvernement de Kartoum le nient, affirmant qu’il s’agit de fausses informations créées par Addis-Abeba. L’Egypte est un autre partisan présumé de l’OLF / OLA. Il y a de forts soupçons que le Général Abdel Fattah el-Sissi utiliserait la guérilla Oromo pour affaiblir le gouvernement éthiopien dans le cadre du conflit très dangereux sur l’exploitation des eaux du Nil et le méga barrage GERD.
La énième rencontre entre l’Éthiopie, le Soudan et l’Égypte sur les eaux du Nil tenue à Kinshasa (capitale de la République Démocratique du Congo) sous la médiation du Président Félix Tshisekedi s’est terminée mardi sans que les différends de longue date sur le fonctionnement et le remplissage du réservoir du barrage n’aient été résolus. Le Général Abdel Fattah el-Sissi a lancé un avertissement à l’Éthiopie. «Les eaux du Nil sont intouchables. Toutes les options de défense du Nil et de l’Égypte sont désormais ouvertes”.

Fulvio Beltrami