Guinée Conakry. La junte militaire victorieuse veut immédiatement passer le pouvoir aux civils (Fulvio Beltrami)

Les déclarations du ministre de la Défense, (parent du président Alpha Condé) d’avoir arrêté la le coup de d’État se sont avérées de la fantaisie pure. Les unités des forces armées du Colonel Mamady Doumbouya ont le contrôle de la capitale et du pays. Après l’acte de force maintenant, nous nous demandons que intentions a Doumbouya e s’il sera  en mesure de gérer un pays complexe et ethniquement divisé comme la Guinée Conakry.

Hier, le Colonel Doumbouy a pris une série de mesures de sécurité importantes. Tout d’abord, il a bloqué la possibilité pour les anciens ministres et administrateurs du gouvernement de quitter le pays avec l’argent publique. La Banque Centrale est surveillée, leurs comptes bloqués. Toute la cour des miracles de l’ancien président Condé est libre de circuler dans le pays mais pas d’aller à l’étranger.

“Le Colonel” (comme la population appelle Doubouya) a rassuré qu’aucune violence sera faite. «Nous voulons une Guinée réconciliée avec elle-même. Il n’y aura pas d’esprit de haine ou de vengeance. Ne vous attendez pas à la chasse aux sorcières. À partir de maintenant, la justice sera la seule boussole qui guidera chaque citoyen de la Guinée ». Pour prévenir éventuels actes de force de l’entourage ethnique de l’ancien président, le couvre-feu a été imposé dans tout le territoire national.

Le dirigeant des putschistes a ordonné la libération immédiate de tous les prisonniers politiques. À cet égard, il a invité la population de la capitale à une manifestation pacifique aujourd’hui à 11h30,  pour donner une accueil chaleureuse aux adversaires politiques injustement emprisonnés par l’ancien président Alpha Condé. Parmi eux, Foniké Mèguè, Étienne Soropi, Abdoulaye Bah emprisonné lors des élections du octobre 2020lorsque l’ancien président a obtenu le troisième mandat grâce à la rectification à son goût de la Constitution et la « compensation » des résultats du vote. “J’invite la population à célébrer la libération des héros de notre pays injustement emprisonné” dit Le Colonel.

La junte militaire improvisée par le Colonel: le CNRD – Comité National du Rassemblement et du Développement a exprimé l’intention de ne pas vouloir gérer le pouvoir. Au contraire, le CNRD a invité tous les partis politiques, associations et la société civile lors d’une réunion qui se tiendra demain pour jeter les fondements d’un gouvernement d’unité nationale inclusif pour gérer le pays en phase de transition.
Un acte politique nécessaire pour rassurer les partenaires économiques et financiers étrangers de la continuation normale des activités en Guinée, comme indiqué par Le Colonel. Un geste stratégique, donner le pouvoir aux civils, afin de contrecarrer les demandes de l’Union Africaine, de la CEDEAO et de la France de libération immédiate de l’ancien président et de la restauration de son gouvernement. “Avant de demander la restauration du gouvernement de Alpha Condé, demandez-vous si un gouvernement existait en Guinée Conakry”, a déclaré Le Colonel en abordant la communauté internationale.

Fulvio Beltrami

Ci-dessous, nous publions le texte du “premier communiqué de presse aux citoyens de Guinée Conakry” daté du 05 septembre 2021 signé par le colonel Mamady Doumbouy

Chers compatriotes,

Le geste que nous posons aujourd’hui n’est pas un coup d’État mais une action inaugurale permettant de créer les conditions d’un État. Plus précisément un État droit. Car l’histoire politique de notre pays, marqué par des violences, des injustices et inégalités, prouve qu’en Guinée la volonté́ du plus fort a toujours supplanté le droit, et donc que depuis l’accession à l’indépendance l’esprit autoritaire a triomphé sur l’esprit du juste et du raisonnable. Et c’est d’ailleurs parce que nous jugeons cette situation profondément anormale et injustifiable que nous avons décidé́ d’agir, de poser un geste autour duquel nous voulons mobiliser toutes les bonnes consciences afin de sortir notre pays de la malédiction politique.

Chers compatriotes,

Notre action n’a rien d’un coup d’État. Il traduit seulement l’aspiration légitime des personnes à vouloir vivre dans un environnement où les besoins humains de base peuvent être satisfaits ; où il est possible à chacun, sans crainte, de jouir de la vie, d’étudier, de se soigner, de travailler humblement sans être soumis aux contraintes de réseaux informels ; où enfin le pouvoir est responsable de sa population. Nous ainsi réconcilier la politique et l’humain. Notre geste donc n’est rien d’autre que l’expression de notre désir de dignité́ que certainement vous partagez avec nous. Or, c’est parce que le respect de notre dignité́ est bafoué depuis 1958 par une minorité́ qui confisque le pouvoir et ses avantages économiques que nous avons pris l’initiative, convoqués par le sens du devoir, de créer les conditions d’un nouveau départ politique et social. L’action que nous accomplissons aujourd’hui se veut par ce fait même un premier pas. Un moment inaugural.

Chers compatriotes

Nous n’avons aucune mission prophétique. Ce n’est pas le peuple de Guinée que nous voulons sauver, mais la Guinée avant tout. Car un peuple ne peut pas être sauvé alors que l’espace dans lequel il vit est un enfer. Il faut éteindre le feu d’abord. C’est ce rôle de pompier que nous avons voulu assumer. Notre pays ne souffre pas d’un manque de ressources humaines, moins encore est-il victime d’une précarité́ des ressources naturelles. Non : nos maux se nomment manque de courage politique ; tyrannie de l’argent ; extraversion ; absence de moralité́ collective. Ce dont nous manquons et que nous avons manqué, ce sont des hommes capables de traduire politiquement et économiquement cette richesse qu’est la Guinée. Notre problème, ce n’est même pas l’absence de démocratie, mais le manque de vision, de valeur politique et sociale. C’est pour mettre fin à cet aveuglement volontaire, qui a rendu misérable la vie du Guinéen, que nous décidons aujourd’hui d’assumer notre responsabilité́. Pour que nous autres guinéens accédions enfin à la lucidité́, celle qu’exige justement l’état de droit.

Aux partenaires extérieurs de la Guinée, nous ne demandons pas forcement un soutien financier, mais une compréhension de votre part. Avant de brandir l’idée de restauration de l’État, demandez-vous avant s’il n’a jamais existé́ un État en Guinée. Avant de brandir des sanctions, cherchez à savoir si la sanction n’a toujours pas été le lot infernal des Guinéens, de Sékou Touré à Alpha Condé. Nous, nous contestons notre condition injuste ; nous jugeons que notre situation politique n’est pas acceptable et est humaine condamnable. Nous espérons de votre part donc un soutien moral.

Nous invitons tous les responsables de la société́ civile et les différents partis politiques a une rencontre d’urgence pour que collectivement nous sortions de ce moment inaugural et amorcer la seconde étape, celle d’organiser la société́ guinéenne sous les principes de l’État de droit. Ce qui inclura essentiellement une réorganisation de l’armée afin de mettre un terme à sa longue et tragique politisation.

Colonel Mamady Doumbouya