“La menace de l’antisémitisme serpente toujours en Europe, le fusible doit être éteint”. Les paroles du Pape aux chefs religieux de Hongrie

“Chaque fois qu’il y a eu la tentation d’absorber l’autre, il ne se construit pas, mais il se détruit ; donc aussi quand on a voulu le ghettoïser, plutôt que l’intégrer. Combien de fois dans l’histoire cela s’est-il produit. Nous devons être vigilants, nous devons prier pour que cela ne se reproduise plus. Et nous engageons à promouvoir ensemble une éducation à la fraternité, pour que les explosions de haine qui veulent la détruire ne prévalent pas. Je pense à la menace de l’antisémitisme, qui plane toujours en Europe et ailleurs. C’est un fusible qu’il faut griller”. Ce furent les premiers mots du Pape à Budapest, lorsqu’il rencontra le Conseil œcuménique des Églises et certaines communautés juives de Hongrie.

“Mais le meilleur moyen de le désamorcer, c’est de travailler positivement ensemble, c’est de favoriser la fraternité”. A la rencontre de la communauté juive hongroise à Budapest, il rend hommage au poète Miklos Radnoti, juif persécuté et emprisonné dans divers camps de concentration en Hongrie et en Serbie et finalement fusillé.

Dans ses vêtements, retrouvés dans une fosse commune, son dernier carnet de vers a été retrouvé. “Je pense avec émotion – a dit Bergoglio – aux nombreuses figures d’amis de Dieu qui ont rayonné sa lumière dans les nuits du monde. Je cite, parmi tant d’autres, un grand poète de ce pays, Miklós Radnóti, dont la brillante carrière a été brisée par la haine aveugle de ceux qui, justement parce qu’il était d’origine juive, l’ont d’abord empêché d’enseigner puis l’ont éloigné de son famille. Enfermé dans un camp de concentration, dans le gouffre le plus sombre et le plus dépravé de l’humanité, il a continué à écrire de la poésie jusqu’à sa mort. Son Carnet de Bor est le seul recueil poétique qui ait survécu à la Shoah : il témoigne de la force de croire à la chaleur de l’amour dans le froid de la bière blonde et d’éclairer les ténèbres de la haine avec la lumière de la foi”. “L’auteur, – a rappelé le Pape – étouffé par les chaînes qui serraient son âme, a trouvé dans une plus grande liberté le courage d’écrire : ‘Prisonnier, j’ai pris la mesure de toute espérance’. Et il a posé une question, qui résonne aussi pour nous aujourd’hui : « Et vous, comment vivez-vous ? Ta voix trouve-t-elle un écho en ce moment ?’ Nos voix, chers frères, ne peuvent que faire écho à cette Parole que le Ciel nous a donnée, un écho d’espérance et de paix. Et même si nous ne sommes pas écoutés ou incompris, nous ne nions jamais avec des faits la Révélation dont nous sommes témoins. Enfin, dans la solitude désolée du camp de concentration, tout en se rendant compte que la vie dépérissait, Radnóti écrivit : ‘Je suis aussi une racine maintenant… J’étais une fleur, je suis devenu une racine'”. D’où l’avertissement : “Nous aussi, nous sommes appelés à devenir racines. On cherche souvent les fruits, les résultats, l’affirmation. Mais Celui qui fait fructifier sa Parole sur la terre avec la même douceur de la pluie qui fait germer les champs, nous rappelle que nos chemins de foi sont des graines: des graines qui se transforment en racines souterraines, des racines qui nourrissent la mémoire et font la ‘venir. C’est ce que nous demande le Dieu de nos pères, car comme l’a écrit un autre poète – le Pontife dit en citant Rilke – Dieu attend ailleurs, attend au fond de tout. Au dessous de. Où sont les racines ‘. Vous n’atteignez le sommet que si vous êtes profondément enraciné. Enracinés dans l’écoute du Très-Haut et des autres, nous aiderons nos contemporains à s’accueillir et à s’aimer. Ce n’est que si nous sommes racines de paix et germes d’unité que nous serons crédibles aux yeux du monde, qui nous regarde, avec l’aspiration à l’espoir de s’épanouir”.