Le pape François espère pouvoir rencontrer le patriarche Cyrille au Kazakhstan en septembre (S.C.)

Le pape François souhaite embrasser à nouveau le patriarche Cyrille. “Avec la guerre, d’un commun accord, nous avons décidé de reporter la rencontre à une date ultérieure, afin que notre dialogue ne soit pas mal compris. J’espère le rencontrer lors d’une assemblée générale au Kazakhstan en septembre. J’espère pouvoir le saluer et parler un peu avec lui en tant que pasteur”, a déclaré Bergoglio au directeur de Civiltà Cattolica, le père Antonio Spadaro, qui a rapporté le souhait du pape dans La Stampa. C’est une sortie significative car les gouvernements et les médias pro-atlantiques ont fait de Kirill l’objet d’une attaque sans précédent, avec des propositions de sanctions très dangereuses pour la liberté religieuse en Europe et des calomnies infâmes sur lesquelles ils étaient soutenus. En venir à imaginer que François et le Saint-Siège pourraient partager une stratégie similaire.

“J’ai eu une conversation de 40 minutes avec le patriarche Kirill. Dans la première partie, il me lut une déclaration dans laquelle il donnait les raisons justifiant la guerre. Quand il a fini, je suis intervenu et j’ai dit : « Frère, nous ne sommes pas des clercs de l’État, nous sommes des pasteurs du peuple ». J’aurais dû le rencontrer le 14 juin à Jérusalem, pour parler de nos affaires », a rappelé le pape au père Spadaro, précisant son étranger à l’attaque diplomatique et médiatique contre l’Église russe, qui est la plus nombreuse après l’Église catholique.

Concernant sa position sur la guerre, François a également tenu à préciser: “Je suis simplement contre la réduction de la complexité à la distinction entre le bien et le mal, sans penser aux racines et aux intérêts, qui sont très complexes. Alors qu’on voit la férocité, la cruauté des troupes russes, il ne faut pas oublier les problèmes pour tenter de les résoudre. Il est également vrai que les Russes pensaient que tout serait fini en une semaine. Mais ils ont mal calculé. Ils ont trouvé un peuple courageux, un peuple qui lutte pour survivre et qui a une histoire de lutte. Je dois aussi ajouter que nous voyons ce qui se passe maintenant en Ukraine de cette façon parce que c’est plus proche de nous et touche davantage notre sensibilité. Mais il y a d’autres pays lointains – pensons à certaines régions d’Afrique, au nord du Nigeria, au nord du Congo – où la guerre continue et personne ne s’en soucie. Pensez au Rwanda il y a 25 ans. Pensons au Myanmar et aux Rohingyas. Le monde est en guerre. Il y a quelques années, il m’est venu à l’esprit de dire que nous vivons la troisième guerre mondiale par bribes”.

Bref, selon le pape, “aujourd’hui la troisième guerre mondiale est déclarée. Et c’est un aspect qui devrait nous faire réfléchir. Qu’arrive-t-il à l’humanité qui a connu trois guerres mondiales en un siècle ? Je vis la première guerre en souvenir de mon grand-père sur la Piave. Et puis le deuxième et maintenant le troisième. Et c’est mauvais pour l’humanité, une calamité. Il faut penser que trois guerres mondiales se sont succédées en un siècle, avec tout le commerce des armes derrière!”

Pour le pape, il n’y a donc ni bien ni mal dans la guerre en Ukraine. Et dans la conversation avec Antonio Spadaro, il confiait: “Avant la guerre en Ukraine, un important chef d’Etat m’a dit que l’Alliance atlantique savait qu’elle provoquait Poutine”.

“Nous devons nous éloigner du schéma normal du ‘Petit Chaperon Rouge’: le Petit Chaperon Rouge était bon et le loup était le méchant. Il n’y a pas de bon et de mauvais métaphysique ici, de manière abstraite. Quelque chose de global est en train d’émerger, avec des éléments très imbriqués. Quelques mois avant le début de la guerre, j’ai rencontré un chef d’État, un sage qui parle peu, vraiment très sage. Et après avoir parlé des choses dont il voulait parler, il m’a dit qu’il était très inquiet de l’évolution de l’OTAN. Je lui ai demandé pourquoi, et il m’a répondu: ‘Ils aboient aux portes de la Russie. Et ils ne comprennent pas que les Russes sont impériaux et ne permettent à aucune puissance étrangère de s’approcher d’eux’. Il a conclu: ‘La situation pourrait conduire à la guerre’. C’était son opinion. La guerre a commencé le 24 février. Ce chef de l’Etat a pu lire les signes de ce qui se passait”.

Sante Cavalleri