Le parcours synodal pour s’ouvrir à la rencontre de tous, sans s’enfermer dans ses propres positions. Pape François : “au final nous ne sommes plus les mêmes qu’avant”

“Laissons-nous toucher par les questions des sœurs et des frères”. Dans la basilique Saint-Pierre, en ouverture du Synode des évêques qui engagera les Églises du monde dans un voyage de trois ans, jusqu’en octobre 2023, le Pape François a adressé cette même recommandation à tous les membres de l’Église puis s’est demandé à haute voix: “Est-ce que nous, la communauté chrétienne, incarnent le style de Dieu, qui marche dans l’histoire et partage les événements de l’humanité? Sommes-nous prêts pour l’aventure du voyage ou, craignant les inconnus, préférons-nous nous réfugier dans les excuses du « inutile” et du “ça a toujours été fait comme ça”.

“Faire un Synode – a rappelé le Pape – signifie marcher ensemble sur le même chemin. Regardons vers Jésus, qui sur la route rencontre d’abord l’homme riche, puis écoute ses questions et l’aide enfin à discerner ce qu’il faut faire pour avoir la vie éternelle”. “La Parole de Dieu – a-t-il ajouté – dirige le Synode pour qu’il ne soit pas une convention ecclésiale, une conférence d’étude ou un congrès politique, un Parlement, mais un événement de grâce, un processus de guérison conduit par l’Esprit Saint”.

“La rencontre et l’écoute mutuelle ne sont pas une fin en soi, qui laisse les choses telles qu’elles sont. Au contraire, quand on dialogue, on s’interroge, en chemin, et au final on n’est plus comme avant, on a changé. L’Evangile aujourd’hui nous le montre. Jésus sent que l’homme devant lui est bon et religieux et pratique les commandements, mais il veut le conduire au-delà de la simple observance des préceptes. Dans le dialogue, cela l’aide à discerner. Il lui propose de regarder en lui, à la lumière de l’amour dont il l’aime lui-même, en le fixant, et de discerner dans cette lumière à quoi son cœur est réellement attaché. Seulement pour découvrir que son bien n’est pas d’ajouter d’autres actes religieux, mais, au contraire, de se vider de lui-même: vendre ce qui occupe son cœur pour faire place à Dieu”, a observé Bergoglio, rappelant qu’« un chemin de discernement spirituel se fait dans l’adoration, dans la prière, au contact de la Parole de Dieu”.

“En ces jours, Jésus nous appelle, comme il l’a fait avec l’homme riche de l’Évangile, à nous vider, à nous libérer de ce qui est mondain, et aussi de nos fermetures et de nos modèles pastoraux répétitifs ; de nous demander ce que Dieu veut nous dire en ce temps et dans quelle direction il veut nous conduire”. “Chers frères et sœurs, bon voyage ensemble ! Que nous soyons des pèlerins amoureux de l’Évangile, ouverts aux surprises de l’Esprit », a-t-il enfin souhaité aux personnes présentes, réunies à Saint-Pierre de nombreux pays. A la fin de l’Angélus, il annonce enfin comme pour donner le bon exemple: “Je vais recevoir des gens de la rue. Il y a un groupe de personnes qui vont les écouter. Comme il est important de savoir écouter”. “Le Seigneur, en effet, n’est pas détaché, il ne se montre pas ennuyé ou troublé, au contraire, il s’arrête avec lui. Il est disponible pour la réunion. Rien ne le laisse indifférent, tout le fascine. Rencontrer des visages, rencontrer des regards, partager l’histoire de chacun: c’est la proximité de Jésus qui sait qu’une rencontre peut changer la vie. Et l’Évangile est parsemé de rencontres avec le Christ qui élèvent et guérissent”.

D’où l’appel aux évêques, cardinaux, prêtres, laïcs qui seront impliqués dans le cheminement synodal: “Nous aussi, qui commençons ce chemin, sommes appelés à devenir experts dans l’art de la rencontre. Pas en organisant des événements ou en faisant une réflexion théorique sur les problèmes, mais surtout en prenant le temps de rencontrer le Seigneur et d’encourager la rencontre entre nous. Un temps pour faire place à la prière, à l’adoration, à ce que l’Esprit veut dire à l’Église; se tourner vers le visage et la parole de l’autre, se retrouver face à face, se laisser toucher par les questions des sœurs et des frères, nous aider pour que la diversité des charismes, des vocations et des ministères nous enrichisse. Chaque rencontre – on le sait – demande ouverture, courage, volonté de se laisser interpeller par le visage et l’histoire de l’autre. Alors que parfois nous préférons nous réfugier dans des relations formelles ou porter des masques occasionnels, la rencontre nous change et suggère souvent de nouveaux chemins que nous ne pensions pas emprunter. Plusieurs fois, c’est précisément de cette manière que Dieu nous montre les chemins à suivre, nous faisant sortir de nos habitudes fatiguées. Tout change quand on est capable de vraies rencontres avec lui et les uns avec les autres. Sans formalismes, sans faux-semblants, sans artifices”.

Après tout, la foi “n’est pas une monnaie d’échange, un do ut des, Dieu n’est pas un comptable”.
“La foi – a expliqué le pape Bergoglio, regardant depuis le palais apostolique pour l’Angélus – n’est pas un rite froid et mécanique, un ‘je dois faire, je reçois’. C’est une question de liberté et d’amour. Voici un premier test: qu’est-ce que la foi pour moi? S’il s’agit avant tout d’un devoir ou d’une monnaie d’échange, nous nous trompons, car le salut est un don et non un devoir, il est gratuit et ne s’achète pas. La première chose à faire est de se débarrasser d’une foi commerciale et mécanique, qui insinue la fausse image d’un Dieu comptable et contrôleur, pas d’un père”.

François rappelle aux fidèles et aux pèlerins d’où naît et renaît la foi: “Non par devoir, non par quelque chose à faire, mais par un regard d’amour pour accueillir. Ainsi la vie chrétienne devient belle, si elle n’est pas basée sur nos capacités et nos projets, mais sur le regard de Dieu”.

Le Pape poursuit: “La foi ne peut se limiter au non, car la vie chrétienne est un oui, un oui d’amour. Une foi sans don et gratuité est incomplète. On pourrait le comparer à un aliment riche et nutritif qui manque de saveur, ou à un jeu bien joué mais sans but. Une foi sans don, sans gratuité, sans œuvres de charité finit par nous rendre triste”.