L’annonce faite aujourd’hui par le pape François est à sa manière un fait historique, certainement un changement à ne pas sous-estimer : juste avant le début du Jubilé, en effet, le Saint-Siège a décidé d’inclure le peuple chinois parmi les destinataires directs des paroles du pape et donc, à partir de mercredi prochain, la langue chinoise sera incluse parmi celles prévues pour la catéchèse du mercredi, avec un locuteur chinois sur la place Saint-Pierre qui sera à côté du pape, au même titre que les locuteurs italiens, anglais, français, espagnols, portugais, arabes et polonais.
Les relations entre le Vatican et la Chine représentent l’une des questions les plus délicates et les plus stratégiques pour l’Église catholique. Depuis Jean-Paul II jusqu’à l’actuel pontificat du pape François, le Saint-Siège a cherché un équilibre entre la défense de la liberté religieuse et le dialogue avec le régime chinois, qui a culminé avec l’accord historique sur la nomination des évêques.
Symboliquement, la décision prise par le Pape et ses collaborateurs marque un point d’arrivée sur le long chemin vers la normalisation des relations avec la Chine et une plus grande liberté d’action pour l’Eglise locale, même si d’autres étapes devront être franchies, à commencer par la reconnaissance diplomatique et l’échange de représentants permanents.
Depuis le pontificat de Jean-Paul II (1978-2005), le Saint-Siège a manifesté un grand intérêt pour la réconciliation avec la Chine, malgré les tensions héritées de la rupture diplomatique de 1951, lorsque Pékin avait expulsé le nonce apostolique. Jean-Paul II, conformément à son engagement mondial, a tenté d’ouvrir un dialogue avec le gouvernement chinois, en mettant l’accent sur la liberté religieuse et la reconnaissance de l’Église catholique clandestine, fidèle à Rome.
Malgré ses appels, Pékin s’est montré rigide, ne soutenant que l’« Église patriotique chinoise » contrôlée par le régime. Les célébrations du Grand Jubilé de l’an 2000 ont cependant été un moment important : Jean-Paul II a fait un pas de réconciliation vers la Chine, demandant pardon pour les erreurs commises par l’Église dans le passé. Cependant, les tensions restent vives et la nomination des évêques demeure l’un des nœuds non résolus.
Avec Benoît XVI (2005-2013), le dialogue avec la Chine a pris une orientation plus théologique et pastorale. En 2007, le pape rédige une Lettre aux catholiques chinois, un document fondamental dans lequel il souligne l’unité de l’Église et reconnaît la douleur des fidèles persécutés. Tout en faisant preuve d’ouverture à l’égard de l’Église patriotique, Benoît XVI a réitéré la nécessité pour le pape d’avoir le dernier mot dans la nomination des évêques, une question cruciale pour assurer l’autonomie spirituelle de l’Église.
La lettre était un geste important, mais même sous Benoît XVI, les relations avec la Chine restaient difficiles. Pékin considérait la loyauté des catholiques envers Rome comme une menace pour le contrôle de l’État, ce qui rendait impossible un accord stable.
Avec l’élection du pape François (2013), le dialogue entre le Vatican et la Chine est entré dans une phase décisive. Le pontife argentin, avec son approche pastorale et pragmatique, a favorisé la recherche d’un compromis avec Pékin. Après des années de négociations, un accord provisoire historique entre le Saint-Siège et la Chine sur la nomination des évêques a été signé en 2018.
Cet accord, renouvelé en 2020 puis en 2022, stipule que le pape a le dernier mot sur la nomination des évêques, préservant ainsi l’unité de l’Église catholique, et que les autorités chinoises peuvent proposer des candidats, favorisant ainsi le dialogue entre Rome et Pékin.
Ce compromis vise à combler le fossé entre l’Église patriotique et l’Église clandestine, en permettant une plus grande intégration des catholiques en Chine. Toutefois, les détails exacts de l’accord restent confidentiels.
L’accord a suscité des critiques, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’Église. Les plus conservateurs (partisans de l’Occident) y voient une concession excessive au régime chinois, accusé d’intensifier la répression religieuse et le contrôle des catholiques. La situation des fidèles chinois reste complexe : de nombreux prêtres et évêques de l’Église clandestine continuent de subir des pressions, tandis que les églises sont soumises à des contrôles stricts.
Le Vatican, pour sa part, a défendu l’accord comme une étape nécessaire pour garantir la présence de l’Église en Chine et favoriser la communion ecclésiale. Le pape François a souligné que le dialogue, même s’il est difficile, est le seul moyen de construire des ponts et de promouvoir l’Évangile.
Les relations entre le Vatican et la Chine sont le reflet d’une longue histoire faite de tensions, de dialogue et de compromis. Sous Jean-Paul II et Benoît XVI, le Saint-Siège a cherché à maintenir son autonomie spirituelle face aux pressions du régime chinois. Sous le pape François, une nouvelle phase marquée par un dialogue pratique s’est ouverte, culminant avec l’accord sur la nomination des évêques.
Malgré les défis qui restent à relever, cet accord représente une tentative sans précédent de construire une présence catholique stable en Chine, une mission qui reste au cœur de la mission de l’Église catholique.