La prison centrale de Kakawangura à Butembo, la troisième plus grande ville de la province du Nord-Kivu à l’est de la République Démocratique du Congo, a été attaquée par des miliciens des Forces Démocratiques Alliées – ADF (un groupe armé ougandais à orientation islamique) et par des milices congolaises appelé MaiMai, dans la nuit du 9 au 10 août. Huit cents prisonniers ont fui lors de l’assaut, tandis qu’au moins une dizaine de policiers et gardiens de prison ont été tués par les assaillants. L’armée congolaise est intervenue tard. “Nous sommes intervenus tardivement car l’ennemi était lourdement armé”, a déclaré mercredi le porte-parole de l’armée, le capitaine Antony Mualushayi, lors d’une conférence de presse à Beni. Cependant, il a annoncé la neutralisation de cinq “terroristes ADF” et l’arrestation de 115 prisonniers.
L’attaque a été revendiquée par l’organisation de DAESH (État islamique – EI). Les Forces démocratiques alliées (ADF) ont prêté allégeance en 2019 à l’organisation État islamique, qui a créé sa branche en Afrique centrale, l’ISCAP. Les ADF sont accusées d’avoir commis des exactions extrêmement violentes contre des citoyens congolais, principalement au Nord-Kivu, depuis 2014. La revendication du DAESH reste controversée et étrangement préfigurée par l’armée congolaise qui a montré aux médias nationaux trois armes portant des inscriptions en arabe comme preuve “irréfutable” de la main du DAESH.
Nos sources informent que des experts de l’ONU soupçonnent DAESH d’avoir revendiqué l’assaut de la prison à des fins de propagande, en lien avec le caractère islamiste des ADF mais qu’en réalité ils n’ont joué aucun rôle significatif malgré le fait que les ADF aient officialisé la filiation.
L’attaque est soupçonnée d’avoir été organisée par les terroristes rwandais des Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda – FDLR dans le but de recruter des criminels de droit commun libérés. Depuis juin, les FLDR sont les protagonistes dans les coulisses des violentes manifestations au Nord-Kivu contre la minorité tutsie congolaise, le Rwanda et la Mission de paix de l’ONU : la MONUSCO. Des manifestations qui ont déjà fait des dizaines de morts (dont trois casques bleus) et des centaines de blessés.
Parallèlement, les FDLR recrutent des centaines de jeunes chômeurs et criminels de droit commun pour renforcer leur présence au sein du vaste territoire de la forêt des Virunga. Un renfort militaire dont les FDLR ont besoin pour accroître leur pouvoir de négociation face aux futures activités pétrolières au sein de la forêt des Virunga qui risquent de détruire la faune et la flore et de provoquer l’extinction définitive des gorilles de montagne. Avec le contrôle des Virunga et les alliances avec l’aile mobutiste du gouvernement et l’armée congolaise (FARDC), les terroristes rwandais des FDLR agissent comme des interlocuteurs et des partenaires commerciaux dans de futures activités pétrolières que les multinationales occidentales et asiatiques ne pourront guère ignorer.
Pour éviter de faire comprendre que les accords sur la future exploitation pétrolière des Virunga incluent également le FLDR, les médias occidentaux, les médias congolais et les autorités de Kinshasa ont mis en place une autocensure qui consiste à ne pas nommer le groupe terroriste hyper actif dans la région. Les autorités gouvernementales congolaises sont même allées jusqu’à nier leur existence.
Ceci malgré le fait que le dernier rapport des experts de l’ONU souligne non seulement que les FDLR sont une réalité dramatique dans l’Est du Congo mais qu’elles contrôlent le Parc des Virunga, divers groupes armés (dont les ADF et les MaiMai) qui sont utilisés pour lancer des attaques dans le Nord Kivu; ils collaborent avec divers Généraux des forces armées congolaises, et bénéficient de la connivence du gouvernement de Kinshasa et d’une partie de la société civile de l’est du Congo.
Suite à l’attaque de la prison, les associations xénophobes congolaises LUCHA et Véranda Mutsanga (soupçonnées d’agir pour le compte des généraux des FARD et des terroristes des FDLR), vendredi 12 août, ont incité la population de Butembo, parvenant à provoquer une violente manifestation dans la district nord de Congote .
La manifestation avait pour but de protester contre le climat d’insécurité dans la ville et au Nord-Kivu dont l’attaque de la prison n’est qu’un des derniers épisodes sanglants qui se poursuivent sans relâche depuis 2014. Comme prévu, la manifestation s’est terminée dans en un bain de sang.
Quatre policiers ont été tués lors d’affrontements avec des manifestants et trois jeeps de la police ont été incendiées, selon le premier bilan du colonel Mowebo E’Pape, chef du contingent militaire congolais des FARDC dans la ville. Les manifestations de vendredi à Butembo semblent avoir fait le saut qualitatif par rapport aux précédentes manifestations de ces dernières semaines.
Pour la première fois, des hommes armés de fusils d’ assaut Kalachnikov et entraîné militairement ont accompagné la foule de manifestants et ont ouvert le feu sur la police. Plusieurs civils ont été blessés dans les affrontements. Les manifestations ont repris dans la soirée lorsque plus d’un millier de jeunes ont défilé dans les rues de la ville avec des torches allumées. Certains d’entre eux étaient armés. La police et l’armée ne sont pas intervenues.
L’attaque de la prison et les violentes manifestations de vendredi sont un autre signe que l’est du Congo plonge dans le chaos. Certains experts supposent que ce n’est que le début. Les terroristes des FDLR, avec la complicité d’une partie du gouvernement et des généraux d’armée, utilisant des groupes de la société civile et désormais des groupes armés encore plus restreints, imposent en fait leur contrôle sur le Nord-Kivu pour augmenter le rapport de force en prévision de l’exploitation du pétrole dans le parc des Virunga. C’est 19 millions de dollars par jour. Une énorme tranche prête à être partagée dans laquelle les terroristes FDLR aspirent à une part importante.
Fulvio Beltrami