« Il est nécessaire de redonner de l’élan à la diplomatie multilatérale et à ces institutions internationales qui ont été voulues et pensées avant tout pour remédier aux différends pouvant surgir au sein de la communauté internationale. Certes, il faut aussi la volonté d’arrêter de produire des instruments de destruction et de mort, car, comme le rappelait le Pape François dans son dernier message Urbi et Orbi, “aucune paix n’est possible sans un véritable désarmement” et “le besoin qu’a chaque peuple d’assurer sa propre défense ne peut se transformer en une course générale au réarmement”. C’est le passage central du discours adressé ce matin par Léon XIV au Corps Diplomatique, occasion officielle de présenter aux gouvernements du monde la ligne que le Saint-Siège suivra pendant son pontificat. Et le nouveau Pape a réaffirmé les deux piliers de la “politique étrangère” de Bergoglio : le multilatéralisme et le désarmement.
Il a également énuméré comme urgences émergentes « les migrations, l’utilisation éthique de l’intelligence artificielle et la sauvegarde de notre chère Terre », en évoquant l’image de la communauté diplomatique du Saint-Siège comme une famille, qui « représente l’ensemble de la famille des peuples, combat toute indifférence et interpelle continuellement les consciences, comme l’a fait inlassablement mon vénéré prédécesseur, toujours attentif au cri des pauvres, des nécessiteux et des marginalisés, ainsi qu’aux défis qui caractérisent notre époque, de la sauvegarde de la création à l’intelligence artificielle ».
« Votre présence aujourd’hui est pour moi un don », a salué le nouveau Pape en s’adressant aux représentants des 184 pays et des institutions internationales qui entretiennent des relations diplomatiques avec le Saint-Siège, réunis dans la Salle Clémentine du Palais Apostolique. À eux, Francis Robert Prevost s’est présenté comme migrant et fils de migrants : « Mon histoire personnelle est celle d’un citoyen, descendant d’immigrés, devenu lui-même émigré », a-t-il confié en observant que « d’une certaine manière, ma propre expérience de vie, développée entre l’Amérique du Nord, l’Amérique du Sud et l’Europe, est représentative de cette aspiration à dépasser les frontières pour rencontrer des personnes et des cultures différentes ». « Chacun de nous, au cours de sa vie, peut se retrouver en bonne santé ou malade, employé ou au chômage, dans son pays ou à l’étranger : sa dignité reste cependant toujours la même, celle d’une créature voulue et aimée de Dieu », a-t-il tenu à souligner.
Le Pape s’est ensuite arrêté sur trois mots-clés de la Doctrine Sociale : paix, justice et vérité. Le mot paix, qu’il invoque constamment depuis sa première apparition à la Loggia des Bénédictions le jour de son élection, le 8 mai, a-t-il expliqué, « n’est pas un mot négatif, une simple trêve entre deux conflits » : « c’est un don actif, engageant, qui concerne et implique chacun de nous, indépendamment de l’origine culturelle et de l’appartenance religieuse, et qui exige avant tout un travail sur soi-même ». « La paix se construit dans le cœur et à partir du cœur, en éradiquant l’orgueil et les revendications, et en mesurant le langage, car on peut blesser et tuer aussi avec les mots, pas seulement avec les armes », a-t-il souligné en citant la vision augustinienne.
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« Éradiquer les prémisses de tout conflit et de toute volonté destructrice de conquête » est donc une tâche que non seulement les religions, mais chacun de nous est appelé à accomplir : « Cela exige aussi une volonté sincère de dialogue, animée par le désir de se rencontrer plutôt que de s’affronter ». Sur le plan international, donc, « il est nécessaire de redonner de l’élan à la diplomatie multilatérale » et aux institutions internationales, tout en affirmant et en respectant tous « la volonté d’arrêter de produire des instruments de destruction et de mort, car, comme le rappelait le Pape François dans son dernier message Urbi et Orbi, aucune paix n’est possible sans un véritable désarmement et le besoin qu’a chaque peuple d’assurer sa propre défense ne peut se transformer en une course générale au réarmement ».
Poursuivre la paix, en second lieu, « exige de pratiquer la justice », qui est le deuxième mot qu’il a voulu placer au centre du discours, a réaffirmé Léon XIV en revenant sur l’explication du nom qu’il a choisi et communiqué à la fin du Conclave : « J’ai choisi mon nom en pensant avant tout à Léon XIII, le Pape de la première grande encyclique sociale, la Rerum novarum ». « Dans le changement d’époque que nous vivons, le Saint-Siège ne peut se soustraire à faire entendre sa voix face aux nombreux déséquilibres et injustices qui conduisent, entre autres, à des conditions de travail indignes et à des sociétés de plus en plus fragmentées et conflictuelles », a-t-il indiqué comme ligne directrice : « Il faut s’efforcer de remédier aux disparités mondiales, qui voient l’opulence et l’indigence creuser des fossés profonds entre les continents, les pays et même au sein des sociétés individuelles ».
« Il est du devoir de ceux qui ont des responsabilités gouvernementales de s’efforcer de construire des sociétés civiles harmonieuses et pacifiées », a rappelé le nouveau Pontife aux grands de la terre. « Cela peut être fait avant tout en investissant dans la famille, fondée sur l’union stable entre un homme et une femme, petite mais véritable société, antérieure à toute société civile », a-t-il souligné comme priorité. Pour Léon XIV, en outre, « personne ne peut se soustraire à favoriser des contextes dans lesquels la dignité de chaque personne est protégée, en particulier celle des plus fragiles et sans défense, du fœtus à la personne âgée, du malade au chômeur, qu’il soit citoyen ou immigré ».
« On ne peut construire des relations véritablement pacifiques, même au sein de la communauté internationale, sans vérité », le troisième mot qu’il a voulu approfondir en revenant sur le thème de la communication, déjà abordé lors de la rencontre de lundi avec les journalistes. « Là où les mots prennent des connotations ambiguës et ambivalentes et où le monde virtuel, avec sa perception altérée du réel, prend le dessus sans contrôle, il est difficile de construire des relations authentiques, car les prémisses objectives et réelles de la communication font défaut ». « De son côté, l’Église – a assuré le Pape hispano-américain – ne peut jamais se soustraire à dire la vérité sur l’homme et sur le monde, en recourant, lorsque nécessaire, à un langage franc, qui peut susciter quelques incompréhensions initiales. La vérité, cependant, n’est jamais dissociée de la charité, qui a toujours à sa racine la préoccupation pour la vie et le bien de chaque homme et de chaque femme ».
Il s’agit, a conclu Léon, de « laisser derrière soi les conflits et de commencer un nouveau chemin, animés par l’espoir de pouvoir construire, en travaillant ensemble, chacun selon ses sensibilités et ses responsabilités, un monde dans lequel chacun puisse réaliser son humanité dans la vérité, la justice et la paix », tandis que « j’espère que cela pourra se produire dans tous les contextes, à commencer par ceux les plus éprouvés comme l’Ukraine et la Terre Sainte ».
Actuellement, le Saint-Siège entretient des relations diplomatiques complètes avec 184 États souverains. À ceux-ci s’ajoutent l’Union européenne et l’Ordre souverain militaire de Malte, portant le total à 186 entités avec lesquelles le Saint-Siège a des relations diplomatiques officielles. Parmi ceux-ci, 91 États maintiennent des ambassades résidentes à Rome accréditées auprès du Saint-Siège, y compris l’Union européenne et l’Ordre souverain militaire de Malte.
Sante Cavalleri