Affaire Becciu. Une enquête fabriquée de toutes pièces sur des mensonges. Pour éliminer un innocent, sans effusion de sang, et avec lui la crédibilité du Saint-Siège (S. Izzo et V. Feltri)

Dans les messages de Genoveffa Ciferri, l’amie et protectrice de Mgr Perlasca, tenus secrets lors du procès au Vatican sur les fonds de la Secrétairerie d’État et publiés ces jours-ci par le quotidien Domani, il y en a un qui démasque, en quelques lignes d’un message WhatsApp, le complot orchestré contre le cardinal Giovanni Angelo Becciu, injustement condamné pour un détournement de fonds qui n’a jamais eu lieu, ainsi que contre le Pape, induit en erreur à son sujet à travers une stratégie bien rodée de dissimulation de la vérité (dont Perlasca lui-même a en partie été victime, croyant que les fausses accusations lui étaient suggérées par un vieux magistrat, alors qu’il s’agissait en réalité de Mme Chaouqui).

« En ce qui concerne l’activité du Tribunal – écrit Ciferri au successeur de Becciu en tant que substitut de la Secrétairerie d’État, l’archevêque vénézuélien Peña Parra – les informations, dans le détail, sont malheureusement fournies par le professeur Alessandro Diddi, avec qui elle (Chaouqui, ndlr) collabore dans un rôle mal défini de “collaboratrice de justice”. Cela explique le fait très grave selon lequel des documents confidentiels de l’enquête ont été retrouvés à son domicile, et pourquoi elle peut connaître en détail, et à l’avance, chaque activité d’investigation relative au Secrétaire d’État, à votre personne, à celle de Mgr Perlasca, ainsi qu’à celle de tous les mis en cause et de toutes les personnes impliquées à divers titres dans l’enquête. Je savais depuis longtemps que, concernant le secret de l’activité d’enquête, le maillon faible du Tribunal était le professeur Diddi, mais je n’aurais jamais imaginé à ce point. »

Dans les messages, il est question du mémoire Perlasca, décisif pour inculper Becciu, ensuite condamné à cinq ans et six mois pour escroquerie et détournement de fonds (sans avoir jamais encaissé un centime), mais ce mémoire est le fruit d’un travail conjoint des deux femmes qui mentionnent à plusieurs reprises leurs contacts avec Diddi. Une vérité troublante émerge ainsi : un procureur et deux personnes extérieures au procès qui se mettent d’accord sur la manière de former le principal témoin à charge. Et à souffler les consignes aux deux femmes, selon les avocats de Mincione (Gian Domenico Caiazza, Andrea Zappalà, Ester Molinaro et Claudio Urciuoli), qui ont obtenu les messages de Ciferri, ce serait Diddi lui-même.

En somme, le procès Becciu a été une farce tragique, dans laquelle certains protagonistes ont joué selon un scénario monté de toutes pièces. Le cardinal Becciu commente : « Ces révélations confirment ce que j’ai dénoncé dès le début et que, pour une large part, le procès a déjà démontré. Seules des décisions discutables adoptées par le Tribunal, à l’instigation du bureau du promoteur de justice, ont permis à ces conversations de rester secrètes. Dès le départ, j’ai parlé d’un complot monté contre moi – dénonce le cardinal – dans une enquête construite de toutes pièces sur des mensonges, qui, il y a cinq ans, a injustement dévasté ma vie et m’a exposé à une humiliation d’ampleur mondiale. Maintenant, enfin, j’espère que le temps de la tromperie est révolu. »

Le cardinal a également annoncé des actions en justice : « Je suis consterné, je vais porter plainte. »

L’existence des messages omis avait en réalité déjà été révélée par les avocats de Becciu, Fabio Viglione et Maria Concetta Marzo, qui depuis longtemps parlent d’un complot contre le cardinal, et qui, déjà pendant le procès, avec leurs questions à l’ancien collaborateur de Becciu, avaient réussi à mettre en lumière une version manifestement coordonnée qui avait tenu le jour précédent, lorsque les questions provenaient uniquement du promoteur. Mais comme on dit : « Le diable fait les marmites, mais pas les couvercles ». Ces conversations compromettantes, bien que tenues secrètes, ont fini par sortir parce que Ciferri les avait déposées chez un cabinet juridique ou notarial (selon les versions), pour qu’elles soient certifiées, et elles sont ainsi devenues accessibles également aux avocats de Mincione dans le cadre de leur recours à l’ONU pour violation des droits humains pendant le procès.

Et maintenant, donc, la vérité pourra être rétablie dans le procès en appel, qui, raisonnablement, ne pourra pas confier l’accusation à Diddi, lequel devra vraisemblablement justifier son action devant la justice.

Il ne faut pas oublier que le pape François a comparé à plusieurs reprises la calomnie et les commérages à un meurtre, surtout dans ses homélies matinales à Sainte-Marthe et lors de diverses audiences générales. L’une des références les plus connues remonte au 8 septembre 2014, lors d’une homélie à la Maison Sainte-Marthe, où il a dit : « Quand quelqu’un parle mal d’un autre, il le tue avec sa langue. […] Le commérage est comme le terrorisme, parce que celui qui médit parle détruit l’autre sans avoir à se montrer, sans responsabilité. C’est un acte de violence. » À une autre occasion, lors de l’audience générale du 6 novembre 2019, commentant le huitième commandement (« Tu ne porteras pas de faux témoignage »), il a dit : « La calomnie est un coup bas, c’est dire le faux pour ruiner son prochain. […] C’est un péché très grave, c’est un meurtre. »

Cette équivalence entre calomnie et meurtre moral est un thème récurrent dans le magistère du pape François, qui insiste sur l’effet dévastateur que peuvent avoir les mots, même sans recours à la violence physique.

Salvatore Izzo

Nous publions ci-dessous un commentaire de Vittorio Feltri sur les derniers développements de l’affaire Becciu :

Depuis trois jours, le quotidien Domani publie les messages échangés entre les deux principales accusatrices du cardinal Angelo Becciu (condamné à cinq ans et six mois pour détournement de fonds). Il s’agit de messages secrets qui révèlent la trame occulte sur laquelle repose le procès contre le prélat sarde. Dans ces échanges, Francesca Immacolata Chaouqui et Genoveffa Ciferri s’accordent sur les accusations à formuler pour piéger le cardinal. Elles collaborent – en se soutenant mutuellement – avec le promoteur de justice (le procureur) Alessandro Diddi et les chefs de la gendarmerie vaticane. Elles commencent à se coordonner alors que les enquêtes en sont encore à leurs tout débuts. Pour cela, les dames disposent de documents confidentiels. Elles savent à l’avance ce que feront les magistrats, qui ils entendent blanchir et qui…
…ceux qu’ils entendent inculper. Ces dames sont donc mises au courant des moindres détails de l’enquête dès ses débuts. Il ne s’agit pas d’indiscrétions ni de fuites : elles font partie, en pratique, de l’équipe accusatrice. Un des juges d’instruction, Diddi, les informe à l’avance. Il ne s’agit pas de rumeurs ou de reconstructions journalistiques : ce sont elles-mêmes qui le reconnaissent dans leurs messages WhatsApp.

Les conversations sont édifiantes : elles s’échangent des messages, s’encouragent mutuellement, elles parlent du cardinal en des termes d’un mépris absolu. Mais surtout, elles se vantent d’avoir le soutien d’une partie des organes d’enquête du Vatican, qu’elles influencent au point de parvenir à orienter l’action du principal témoin de l’accusation : l’ancien collaborateur de Becciu, monseigneur Alberto Perlasca. Celui-ci, manipulé et conditionné, rédige un mémorandum qui accuse Becciu. Un document décisif pour que le cardinal soit mis en examen, puis condamné.

En somme, tout était déjà écrit. Et aujourd’hui, grâce à ces chats, la mascarade éclate. Il s’agit d’un scandale judiciaire sans précédent pour l’État du Vatican, et qui écorne gravement sa crédibilité morale. On découvre que certains protagonistes du procès ne respectaient pas les règles fondamentales d’un État de droit, que les droits de la défense ont été foulés aux pieds, que l’accusation a agi en collusion avec des personnes extérieures à la magistrature, mais impliquées dans l’affaire pour des intérêts obscurs ou des ressentiments personnels.

La justice, dans cette affaire, a été instrumentalisée. Le cardinal Becciu, mais aussi le pape François lui-même, ont été victimes d’une manœuvre complexe, d’une mise en scène fondée sur des mensonges soigneusement agencés. Ce n’est pas un détail : c’est un tournant. La révision du procès s’impose, tout comme une réflexion profonde sur la manière dont la justice est rendue au Vatican.

Vittorio Feltri