Le chef de la junte militaire au pouvoir au Burundi : le général Neva, (nom chrétien : Evariste Ndayishimiye) a accordé sa première interview à des médias étrangers depuis qu’il a occupé illégalement la présidence le 18 juin 2020 grâce à des élections truquées.
Le général Neva, ensemble au Premier Ministre, le maréchal général Alain-Guillaume Bunyoni (suspecté à la CPI de crimes contre l’humanité), est soupçonné d’avoir “favorisé” la mort du leader HutuPower Pierre Nkurunziza survenu en raison de “complications” du Covid19 à un hôpital provincial burundais : l’hôpital Karuzi, géré par la fondation italienne Aiutiamo il Burundi.
Le dictateur burundais est décédé le 8 juin 2020, permettant ainsi à Neva et Bunyoni non seulement de prendre le contrôle total du pays mais d’entamer une mascarade de réformes démocratiques pour sortir de l’isolement international. Mascarade impossible à tenter si Nkurunziza était encore en vie en raison de son fanatisme racial et idéologique qui compromettait totalement la mise en œuvre de tactiques diplomatiques trompeuses et opportunistes mais nécessaires. La mort mystérieuse de Nkurunziza offrait la possibilité de poursuivre les ruses diplomatiques actuellement en cours.
L’interview a été donnée à Kinshasa (capitale de la République Démocratique du Congo) à Sonia Rolley, envoyée spéciale de RFI et au correspondant du Congo de France 24, Clément Bonnerot, profitant de la présence du général Neva au Congo pour une visite officiel du 12 au 14 juillet.
Lors de sa visite, Neva a rencontré le Président congolais Félix Antoine Tshilombo Tshisekedi. Une mission fructueuse puisque la junte militaire a réussi à signer des accords vitaux visant à renforcer l’économie intérieure en raison de l’effondrement des sanctions européennes et du vol systématique des ressources naturelles et financières du pays effectué par le général Neva, ses généraux et par le groupe terroriste rwandais FLDR qui depuis 2015 joue un rôle actif dans les événements politiques et militaires du Burundi, transformé en « havre de paix » pour les terroristes rwandais en grande difficulté au Congo voisin en raison d’une offensive militaire ordonnée par le Président Tshisekedi.
Des accords ont été signés sur la construction d’infrastructures transfrontalières dans le but de renforcer l’intégration économique dans la région des Grands Lacs. Des infrastructures qui permettront au Burundi (pays enclavé) d’être plus connecté aux marchés régionaux. Parmi ces infrastructures, la construction de ponts sur la rivière frontalière de la Ruzizi a été mentionnée comme aussi la réhabilitation et l’électrification du tronçon Bujumbura-Uvira-Bukavu-Goma et l’aménagement de la voie ferrée à écartement standard Gitega-Uvira-Kindu. Une autre convention a été signée pour l’exploitation agricole commune dans la plaine de la Ruzizi.
Évidemment, ces accords nécessitent des financements étrangers sous forme de prêts ou d’investissements directs, il reste donc à voir si ces infrastructures seront construites à court terme compte tenu de l’insécurité qui persiste encore dans l’Est du Congo et du manque de fiabilité de la junte militaire burundaise. Il y a deux semaines, la Banque Mondiale a bloqué l’aide au Burundi car l’aide précédente avait “disparu”…
Ce que le général Neva a assuré à son profit, c’est le climat « bienveillant » du gouvernement congolais qui s’engage à collaborer avec Gitega pour le « maintien et le renforcement de la paix, de la défense et de la sécurité ». Un résultat important puisque le Président Tshisekedi prônait jusqu’à il y a quelques mois une politique hostile à l’égard du Burundi.
Nul doute que la visite à Kinshasa et les accords signés représentent un succès diplomatique pour la junte militaire de Gitega engagée dans une stratégie de réouverture du Burundi aux relations internationales après des années de bouclage et d’isolement voulus par le décédé chef de guerre Nkurunziza. Une stratégie préconisée début 2020 par des partisans européens bien connus du régime racial CNDD-FDD illégalement au pouvoir depuis juillet 2015 et responsable de pogroms par des opposants politiques et de nettoyages ethniques contre la minorité Tutsi.
Dans l’évocation des efforts conjoints pour maintenir et renforcer la paix régionale, il n’y a aucune note relative à la présence sur le territoire burundais du groupe terroriste rwandais FDLR, malgré la menace qu’il représente toujours dans les provinces de l’Est du Congo. Les efforts militaires actuels de Kinshasa contre ce groupe terroriste dans les provinces du Nord et du Sud Kivu risquent justement d’être contrecarrés par la possibilité pour les FDLR de se retirer au Burundi, où ils bénéficient de la protection absolue de la junte militaire. Ce paradis sûr permet aux FDLR de se réorganiser et de revenir occuper les territoires congolais riches en minerais précieux lorsque le gros de l’armée congolaise se retirera à la fin des opérations militaires antiterroristes en cours.
Au cours de l’entretien, le général Neva aborde trois questions fondamentales : les sanctions imposées par l’Union Européenne et la reprise consécutive du dialogue avec Bruxelles ; la guerre froide avec le Rwanda et l’ouverture des espaces démocratiques et la relation avec l’opposition.
La question des sanctions imposées par l’Union Européenne reste une grande préoccupation pour le général Neva qui l’évoque à plusieurs reprises dans l’interview de RFI et France 24. « Il est temps de revoir cette décision, ne comprend pas les raisons de ces sanctions », explique le chef de la junte militaire. Dans l’interview, Neva affirme que la décision d’imposer les sanctions prise en 2016 par l’Union Européenne a toujours été incompréhensible et les vraies raisons de cela n’ont pas encore été comprises malgré qu’ils sont des décision grave qui ont porté préjudice au Burundi. Cependant, Neva assure de la volonté de la junte militaire (définie par lui comme un gouvernement démocratique) de collaborer avec l’UE et de prendre acte des défauts à corriger en veillant à ce que le « gouvernement » burundais dispose comme son premier objectif est la protection des droits de l’homme et la promotion de la démocratie.
Fausses déclarations. Le général Neva est bien conscient des raisons qui ont conduit l’UE en 2016 à imposer de lourdes sanctions économiques : violation flagrante et systématique des droits de l’homme et violences préméditées contre l’opposition, la société civile et la minorité ethnique tutsie, tous crimes que s’inscrivant dans la stratégie du pouvoir absolu et de l’instauration d’un régime hutu mono ethnique au Burundi, promu par le dictateur Pierre Nkurunziza.
L’assurance donnée aux médias français par le général Neva sur la volonté de protéger les droits humains se heurte à la réalité et à l’actualité criminelle récente au Burundi.
Mardi 13 juillet, alors que le général Neva était en visite officielle à Kinshasa, il aurait ordonné l’enlèvement d’un leader de l’opposition : Elie Ngomirakiza, un cadre politique de premier ordre du parti d’opposition : Congrès National pour la Liberté – CNL qui avait gagné lors des élections de mai 2020. Victoire volée par le régime à travers des fraudes électorales flagrantes qui ont permis l’occupation illicite de la présidence par le général Neva et du gouvernement par la junte militaire a lui associée.
Ngomirakiza a été enlevé par des soldats burundais près de la frontière avec le Congo. Depuis le moment de l’enlèvement jusqu’à aujourd’hui, il n’y a aucune nouvelle de l’adversaire. Son parti affirme que Ngomirakiza a été assassiné et que son corps a été enterré dans la réserve naturelle. Le général Neva aurait confié la tâche au lieutenant-colonel Aron Ndayishimiye, commandant du 212eme bataillon opérationnel dans la réserve naturelle de Rukoko. Le colonel Aron est bien connu pour être l’exécuteur matériel de plusieurs condamnations à mort d’opposants signées par Nkurunziza puis par le général Neva.
Les défenseurs des droits humains mettent en garde contre la recrudescence des cas d’enlèvements, de lynchages et d’exécutions extrajudiciaires d’opposants au Burundi. Le CNL met en garde contre la courbe ascendante des cas d’arrestations et d’assassinats de ses militants et cadres du parti. Lors de l’entretien que le général Neva a accordé à RFI et France24, le Service National de Renseignement burundais en collaboration avec la milice paramilitaire Imbonerakure a enlevée dans la province de Gitega, Monsieur Merthus Mahoromeza, responsable de l’association Maison de passage de la Cité de la Paix. Deux autres citoyens, originaires de la commune de Buyengero, ont été enlevés. Il s’agit de Jean Pierre Ntakarutimana et Célestin Nimubona. Les deux cousins, militants du CNL, ont été emmenés par des agents du SNR à la mairie de Bujumbura, un quartier asiatique.
Dans l’interview, très intéressante, émerge le sujet brièvement abordé par Neva relatif aux relations avec l’Union Européenne, qui depuis novembre 2020 a ouvert une série de discussions avec la junte militaire burundaise afin d’examiner l’existence des conditions pour l’abrogation des sanctions et la volonté du « gouvernement » burundais de respecter les droits de l’homme, la liberté de la presse, les partis d’opposition et la société civile.
Le général Neva affirme l’existence d’excellentes relations avec la représentation diplomatique de l’UE à Bujumbura qui aurait déjà compris la bonne foi du gouvernement CNDD-FDD. Désormais, il faut aussi que Bruxelles puisse partager les impressions de ses représentants à Bujumbura afin d’ouvrir de nouvelles relations sur une nouvelle base de confiance et de respect mutuel. La référence au représentant de l’UE au Burundi est claire : Claude Bochu qui, se dissociant de la rigueur diplomatique nécessaire, affiche sur les réseaux sociaux, notamment sur les pages officielles de l’UE au Burundi, son amitié et son admiration pour la junte qu’il définit comme un ” gouvernement démocratiquement élu ».
Le souhait du général Neva que Bruxelles aussi puisse partager les impressions de ses représentants à Bujumbura, cache la crainte de la junte militaire que l’opposition clairement exprimée par les associations burundaises et internationales de défense des droits de l’homme et l’opposition qui s’est formée au sein du Parlement européen où plusieurs députés estiment trop tôt l’abolition des sanctions, pourrait faire dérailler l’objectif de regagner la disponibilité financière européenne. Une disponibilité qui servirait à acheter des armes, à renforcer le pouvoir politique et les comptes bancaires personnels des hiérarques du régime au lieu d’améliorer les dramatiques conditions de vie de la population, comme le montre, sans l’ombre d’un doute, le cas des fonds de la Banque Mondiale.
Interrogé sur les arrestations d’opposants, le général Neva compare les opposants à des criminels qui se cacheraient dans les partis politiques. Il assure que « des criminels veulent se cacher dans les partis politiques », et il renchérit : « Quand il est criminel, il est criminel, il n’a pas de parti politique ». Neva, nie sans vergogne toute accusation d’exécution extrajudiciaire et d’enlèvement.
Même sur les relations avec le Rwanda voisin, le chef de la junte militaire, peine à répondre. Il affirme l’existence d’un processus de réconciliation avec des évolutions positives grâce à une remise en cause des tensions de 2015 à aujourd’hui faite par les deux parties. Il déplore la présence de « criminels » burundais au Rwanda, évoquant les généraux rebelles et divers dirigeants politiques et de la société civile en exil à Kigali pour éviter d’être massacrés par le régime.
Les journalistes français qui l’ont interviewé ont soigneusement évité de citer des informations internationales sur l’escalade de la violence et des crimes de la junte observée depuis le début du mandat “présidentiel” de la Neva, avec la claire intention de ne pas embarrasser le sous disant « président ». il n’emport quelle journaliste, écoutant l’interview, comprend facilement qu’elle a été convenue à l’avance.
On a bien l’impression que RFI et France24 ont dû faire “plaisir” à leurs amis européens qui travaillent dur depuis au moins deux ans pour la réhabilitation d’un régime présenté comme avide de réformes démocratiques mais qui en réalité n’a pas baissé les bras et n’abandonnera pas son projet de domination mono-ethnique du Burundi, considéré non comme un pays mais comme leur banque personnelle.
Parallèlement à ce projet de réhabilitation, il y a aussi une tentative faite au Burundi de faire croire à la population qu’il existe des conflits politiques forts et clairs entre le général Neva et le Premier Ministre Bunyoni : le premier représentant des colombes au sein du CNDD-FDD ; le deuxième des faucons. Les différends entre les deux chefs de la junte militaire existent mais concernent le « butin » à partager.
Malgré toutes les assurances données gratuitement, Evariste Ndayishimiye reste un fervent partisan de la domination raciale dont des concepts tels que les droits de l’homme ou la démocratie lui sont non seulement étrangers mais inacceptables.
L’Union Européenne doit se souvenir de l’expérience boomerang d’un autre « réformateur » africain : le Premier Ministre éthiopien Abiy Ahmed Ali. Seulement 3 ans après la confiance et le soutien politique financier que l’UE a lui accordé, le prix Nobel de la paix 2019 a déclenché deux guerres civiles (au Tigré et au Oromia) et fait la promotion du nettoyage ethnique et du génocide contre la minorité Tigréens au Tigré et dans le pays en général. …