Dimanche 3 avril, une fuite de nouvelles à l’intérieur du régime dictatorial burundais a révélé qu’il y a quatre jours, le Dr Christophe Sahabo et Monsieur Jean-David Pillot (de nationalité française) ont été arrêtés par la police politique sur ordre direct du Premier Ministre, le maréchal général Alain-Guillaume Bunyoni. Les deux victimes sont respectivement le directeur général et le président du conseil d’administration de Kira Hospital Clinique Suisse, le plus moderne des hôpitaux burundais, financé par la France, la Suisse et l’Union Européenne qui est devenu un hôpital régional de référence.
La raison de ces arrestations n’est pas connue pour le moment. Pourtant il y a une semaine, les services secrets burundais avaient commencé à faire circuler de faux documents sur les réseaux sociaux qui démontreraient une mauvaise et frauduleuse gestion de l’hôpital par le Dr Sahabo et M. Pillot. Les hommes de Bunyoni avaient également fait circuler sur les réseaux sociaux une lettre des représentants burundais de l’actionnariat de l’Hopital Kira demandant le renvoi immédiat des deux victimes. Nos sources à Bujumbura au sein du parti au pouvoir : CNDD-FDD murmurent que la lettre de demande de destitution serait originale mais obtenue par les actionnaires sous menaces de mort.
L’objectif du gouvernement burundais est de prendre le contrôle de la clinique la plus moderne du pays. En effet, les représentants du Conseil d’administration dans la lettre demandent également une nouvelle répartition de l’actionnariat jusque-là dominé par des investisseurs étrangers suisses et français. Selon les rumeurs reçues, les actionnaires étrangers devraient être remplacés par les mandataires du maréchal général Bunyoni, tandis que les fonds nécessaires à l’achat des actions proviendraient de l’argent du trafic illégal d’or en provenance du Congo et du trafic d’êtres humains. Des rumeurs similaires ont été révélées par un homme d’affaires belge à Radio France International. “Cet acte éloigne tout investisseur étranger de ce pays”, commente l’homme d’affaires belge.
L’ambassade de France est immédiatement intervenue, obtenant la libération du président du conseil d’administration Jean-David Pillot alors que le Dr Sahabo reste prisonnier dans les cellules des services secrets où il a été placé à l’isolement. Sa vie est redoutée car selon des statistiques compilées par des associations de défense des droits de l’homme, environ 80% des personnes arrêtées qui se retrouvent dans les locaux de la police politique contrôlée par Bunyoni subissent d’horribles tortures et sont souvent victimes de morts “mystérieuses”.
L’acte de force mis en œuvre par le Premier Ministre pour prendre possession de cet hôpital moderne et prestigieux à des fins lucratives intervient une semaine après l’interdiction de circulation des taxis à deux roues et l’exécution extrajudiciaire par la police de deux chauffeurs de taxi-moto qui ils l’avaient transgressé le premier jour de son entrée en vigueur. Maintenant, le régime est sur le point d’introduire une interdiction de l’utilisation du charbon comme combustible de cuisson, indépendamment de la pénurie totale de bouteilles de gaz.
L’économie nationale ne se remet pas de l’effondrement malgré la décision de l’Union Européenne d’abroger les sanctions imposées en 2016 pour les crimes contre l’humanité commis par le défunt dictateur Pierre Nkurunziza et ses associés actuellement aux commandes de la junte militaire. L’electricitè est désormais rationnée quelques heures par jour dans les différents quartiers de Bujumbura et d’autres villes du Burundi. Le taux de chômage réel est de 84% chez les jeunes et les vendeurs ambulants dédiés à l’économie informelle sont soumis au chantage de la junte militaire qui les oblige à payer des pots-de-vin continus et coûteux.
Comme si cela ne suffisait pas, en deux semaines, il y aura lieu la démolition forcée sans indemnité de centaines de maisons dans deux quartiers de Bujumbura afin de libérer des terrains en prévision d’une colossale spéculation immobilière. Les mesures répressives visant toutes à assujettir la population et à favoriser la spéculation financière et les monopoles directement contrôlés par les chefs de la junte militaire frappent sauvagement les pauvres groupes Hutu qui sont à la base du soutien des généraux. Une sorte de suicide politique dont on ne comprend pas les raisons.
Ce n’est pas la première fois que la junte militaire attaque durement la Santé pour en tirer profit. Malgré que feu le leader du CNDD-FDD, Nkurinziza était un célèbre négationniste de la pandémie de Covid19 (ironiquement tué par le virus) et que la vaccination de masse n’a jamais vraiment commencé, la junte militaire avait réussi à plagier la Banque Mondiale qui avait accordé un financement sur trois ans de plus de 60 millions de dollars pour s’approvisionner en vaccins, payer le personnel soignant et moderniser les établissements hospitaliers publics.
La gestion de ces fonds a été confiée de manière inattendue au Ministre de l’Intérieur Gervais Ndirakobuca alors que le Ministre de la Santé n’a pas son mot à dire en la matière. Un choix apparemment anormal qui ne respecte pas les compétences ministérielles spécifiques est dicté par des accords entre les hiérarques du régime pour se répartir toute l’aide internationale que le pays peut recevoir. Ndirakobuca est un faucon HutuPower connu pour ses prises de position extrémistes et pour divers crimes contre l’humanité infligés à la population.
La première tranche du financement reçu de la Banque Mondiale (environ 14 millions de dollars) n’a pas servi à acheter des vaccins anti Covid et à payer le personnel soignant. Le Ministre Ndirakobuca a simplement partagé le gâteau entre les différents hiérarques, le Président et le Premier Ministre, tout en gardant la plus grosse part (environ 5 millions de dollars) pour financer les miliciens Imbonerakure qui sont officiellement membres de la Ligue des jeunes du parti CNDD-FDD.
Chaque milicien a reçu 200 000 francs burundais (88 euros) en remerciement de sa fidélité. Cette démarche a permis à Ndirakobuca de fidéliser cette milice que le Président auto-élu Évariste Ndayishimiye tente de dissoudre pour plaire à l’Union Européenne. Ndirakobuca est un proche allié du Premier Ministre Bunyoni contre Ndayishimiye.
Le Ministre de la Santé, le Dr Domitien Ndihokubwayo a reçu l’ordre de faire passer tous les miliciens Imbornerakure comme infirmiers afin de présenter à la Banque Mondiale l’état financier qui goûte à la bonne utilisation des fonds reçus. Le problème, c’est que le bailleur des fonds maintenant dispose désormais d’une liste de bénéficiaires différente de celle initialement livrée où apparaissaient les vrais personnels soignants. Le risque est fort que la deuxième tranche du prêt ne soit pas débloquée et que l’aide soit suspendue.
L’arrestation de la direction de l’hôpital de Kira est destinée à créer de graves répercussions au niveau international et à créer des difficultés à la décision de Bruxelles sur la levée des sanctions. Aucune remise en question de la décision n’est attendue pour ne pas perdre la face mais il est très probable un report du versement des financements européens au Burundi.
Des sources diplomatiques africaines préviennent qu’au sein de la population, notamment d’origine Hutu, règne un air de révolte tandis que des sources au sein du parti au pouvoir CNDD-FDD nous informent de l’escalade de la guerre interne à la junte militaire qui se bat désormais aux ordres d’assassinats émis soit par le général président Neva, alias Evariste Ndayishimiye, soit par son rival le maréchal général Alina-Guillauime Bunyoni.
« Le pillage systématique et incessant des ressources du pays a toujours été la principale caractéristique du CNDD-FDD depuis son arrivée au pouvoir en 2005, donc Ndayishimiye, Bunyoni et les autres cadres du parti représentent une continuité. La différence est pourtant fondamentale. Jusqu’en 2020, le chef suprême Nkurunziza était le seul destinataire du pillage organisé et des profits du commerce illégal de l’or du Congo, du trafic d’êtres humains et du trafic d’organes humains. C’est été Nkuruniza a décider le partager le butin avec les autres dirigeants selon leurs mérites et leur loyauté. Depuis sa mort, survenue le 25 juin 2020, le butin est directement géré par les cadres du parti, devenant source de tensions internes qui conduisent aujourd’hui à une véritable guerre interne qui détruit la cohésion du CNDD-FDD » explique un ancien cadre du régime des réfugiés à l’étranger.
Les informations obtenues révèlent la possibilité de violences graves causées par une rébellion populaire organisée par la majorité Hutu dans un futur proche qui pourrait profiter aux forces démocratiques qui combattent le régime racial HutuPower depuis 2015, parmi lesquelles le mouvement politique RED Tabara qui a récemment vaincu à l’Est du Congo, les unités de l’armée burundaise, les milices génocidaires Imbonerakure et les terroristes rwandais FDLR. Le mouvement RED Tabara rejoint également la rébellion congolaise M23 qui depuis deux semaines a repris les hostilités contre le gouvernement congolais de Kinshasa avec le soutien militaire du Rwanda et de l’Ouganda.
Fulvio Beltrami