Burundi. Le Ministère de l’Intérieur exige un enregistrement ethnique. Le monde s’inquiet

La Circulaire n. 530/569/CAB/2022 émis par le Ministère de l’Intérieur et de la Sécurité Publique du 24 janvier oblige la fonction publique, les entreprises privées nationales et étrangères, les associations, les ONG burundaises à remplir un questionnaire d’identification ethnique pour leurs employés burundais. Un questionnaire où l’ethnie du employé (Batwa (pygmées), Hutu, Tutsi) doit être indiquée dans la colonne ‘origine’.

Le fichage ethnique a été décidé par le Ministre de l’Intérieur : le Général Gervais Ndirakobuca sous la direction du Premier Ministre : le Général de Maréchal Alain-Guillaume Bunyoni et du Président de la République : le Général Évariste Ndayishimiye plus connu sous son nom de bataille pendant la guerre civile (1993 – 2004): Général Neva.

Dans la version originale du décret, le Général Ndirakobuca avait également inclus les ONG étrangères, agences onusiennes et représentations diplomatiques. Ces trois catégories ont été supprimées dans la version finale de la circulaire à la suggestion des diplomates africains qu’ont conseillé de “ne pas créer de nouvelles frictions avec les pays occidentaux”.

Le recensement ethnique des citoyens burundais a été introduit en 2018 par le dictateur Pierre Nkurunziza (décédé du Covid19 en 2020) mais a été boycotté par toutes les fonctions publiques et par les acteurs économiques et humanitaires burundais et étrangers. Désormais, maintenant le recensement ethnique devient obligatoire. Quiconque refuse de remplir le questionnaire ou fournit de fausses informations est passible de sanctions pénales dans le cas d’un citoyen burundais ou d’expulsion du pays dans le cas d’un citoyen de nationalité étrangère.

La nouvelle a suscité une vive inquiétude internationale car l’enregistrement ethnique de la population recherché par la junte militaire actuellement au pouvoir au Burundi est une photocopie exacte du tristement célèbre recensement ethnique commandé par le dictateur rwandais Juvénal Habyarimana dans les années 1970. Jusqu’à la libération du Rwanda, mise en œuvre par le Front Patriotique Rwandais de Paul Kagame (actuel Président), l’origine ethnique (Batwa, Hutu et Tutsi) était présente sur toute pièce d’identité.

Cette classification a servi pendant environ 24 ans à favoriser l’identification immédiate de l’ethnie des citoyens rwandais afin de mieux imposer une discrimination sociale aux citoyens d’origine tutsie. Le 6 avril 1994, le fichage ethnique a favorisé une meilleure et immédiate identification des Tutsi afin de les tuer. Pendant la Shoah africaine (qui a duré 100 jours), 1 million de Rwandais, principalement des Tutsis, ont été tués.

“La demande du Ministre est arrivée à un pire moment car le gouvernement de Gitega prédit que les sanctions budgétaires de l’UE seront bientôt levées”, a déclaré une source diplomatique à Bujumbura à Radio France International. Selon des sources diplomatiques européennes contactées à Bruxelles, la décision prise par la junte militaire rendre plus difficile la possibilité à l’Union Européenne de lever les sanctions économiques imposées au gouvernement burundais en 2016 suite aux graves violations des droits de l’homme et aux crimes contre l’humanité perpétrés par les extrémistes du parti racial CNDD-FDD dirigé par le dictateur Nkurunziza, dont font partie l’actuel Président, le Premier Ministre et le Ministre de l’Intérieur, assumant l’héritage politique et idéologique de feu Nkurunziza.

Le recensement ethnique et sa sinistre adresse future représentent une énième décision illogique et autodestructrice de la junte militaire illégalement au pouvoir après les élections farce de 2020.

Elle va à l’encontre de la volonté populaire de dépasser les diatribes ethniques qui ont fait des centaines de milliers de morts Hutu et Tutsi depuis les premières années de l’Indépendance. Par cet acte, la junte militaire souligne sa volonté de revenir à un horrible passé de persécution de la minorité tutsi, comme cela s’est produit au Rwanda voisin.

Elle embarrasse aussi les “amis” de la junte militaire tant à Bruxelles que parmi les représentations diplomatiques de certains pays occidentaux et de l’Union Européenne au Burundi, qui auront désormais des arguments extrêmement faibles pour convaincre l’UE de la bonne volonté du régime à entamer un processus démocratique et le respect des droits humains et civils.

Enfin, il souligne une volonté précise, délibérée et préméditée du régime de poursuivre à la fois la politique de terreur du défunt dictateur Nkurunziza et l’idéologie nazie HutuPower. Avec le recensement ethnique le mythe d’un Président (Évariste Ndayishimiye) aux idées politiques modérées et à la bonne âme s’effondre.

Qui est le général Gervais Ndirakobuca, auteur du recensement ethnique
Né en 1970 dans une famille pauvre de la colline de Kibaya dans la commune de Bukinanyana dans la province de Cibitoke au nord-ouest du Burundi, Ndirakobuca Gervais a fréquenté la faculté des sciences, département de chimie à l’Université du Burundi, devenant un membre super actif du Front pour la Démocratie au Burundi (FRODEBU), le parti extrémiste qui a promu l’idéologie HutuPower (le pouvoir aux Hutus) en professant la domination de la race Hutu supérieure.
L’idéologie, créée au Rwanda en 1957 et diffusée au Burundi bien plus tard, est directement inspirée de l’idéologie de l’Allemagne nazie. La junte militaire actuelle et le parti hutu CNDD-FDD se réfèrent à cette idéologie de la mort qui a déclenché la Shoah rwandaise en 1994.

Aux élections de 1993, le FORDEBU apparaît comme le premier parti et son chef : Ndadaye Melchior accède à la Présidence le 10 juillet 1993. Melchior est le premier chef d’État hutu depuis l’indépendance du pays. En seulement trois mois, Melchior tente d’imposer une domination raciale au Burundi. Il a été tué le 21 octobre 1993 par des officiers de l’armée régulière lors d’un coup d’État organisé par les forces armées qui avaient reçu des informations précises sur la préparation d’un génocide contre les Tutsis au Burundi.

Le génocide des Tutsis avait déjà été tenté en 1972 avec le soutien du dictateur rwandais Juvénal Habyarimana. Une tentative qui a déclenché la violente répression contre les civils hutus recherchés par le Président Michel Micombero, un Général d’origine tutsi.

Ndirakobuca Gervais, après le coup d’État et l’assassinat du Président Melchior, est recherché par la police car il est soupçonné d’être l’un des leaders universitaires les plus actifs dans la propagande du HutuPower. Il a réussi à échapper par miracle au raid mené par la police au campus de Mutanga visant à éradiquer les cellules extrémistes Hutu à l’intérieur de l’Université du Burundi. Un raid qui s’est transformé en un massacre aveugle et insensé de nombreux étudiants universitaires hutus mené par la police majoritairement tutsie.

Ndirakobuca rejoint le mouvement terroriste HutuPower des Forces pour la Défense de la Démocratie – FDD dirigé par Pierre Nkurunziza qui a déclenché une guerre civile après l’assassinat du Président Ndadaye. Les FDD étaient le bras armé de la formation politique Conseil National pour la Défense de la Démocratie – CNDD – parti ethnique au pouvoir depuis 2005 grâce aux accords de paix d’Arusha (Tanzanie) de 2000. Les miliciens génocidaires des FDD s’uniront en 2006 aux forces armées et la police Une purge de tous les soldats et officiers tutsi sera initiée par des arrestations, des licenciements et des exécutions extrajudiciaires en 2008. Cette purge est toujours perpétrée contre les derniers Tutsi survivants dans les Forces de Défense et dans la Police burundais.

Pendant la guerre civile, Ndirakobuca gagne la confiance du chef Nkurunziza et des Généraux Bunyoni et Ndayishimiye. Ami proche de l’actuel Premier Ministre Alian Guillaume Bunyoni, ancien chef de la police politique, il devient l’un des cadres dirigeants de la Police Nationale du Burundi. Dans les protestations populaires de 2015 contre le troisième mandat anticonstitutionnel du dictateur Nkurunziza, il devient l’un des grands artisans de l’horrible répression aux côtés du Maréchal Général Bunyoni. A ce jour, le nombre exact de victimes n’est pas connu, certains quantifiant environ 15 000 civils.

Les événements tragiques de sang ont poussé l’Union Européenne à imposer des sanctions économiques en 2016. En 2017, Ndirakobuca a été décoré par le dictateur Pierre Nkurunziza pour « mérites patriotiques exceptionnels » en reconnaissance de son rôle dans la répression des manifestations démocratiques et la décimation des partis d’opposition, les médias indépendants et la société civile burundaise.
Ndirakobuca fait actuellement partie des cadres exécutifs de la junte militaire, dotés d’énormes pouvoirs. Le président Ndayishimiye et le Premier Ministre Bunyoni lui ont confié la délicate tâche de contrer les ‘ennemis’ internes de la nation (partis d’opposition hutu, société civile et minorité ethnique tutsi).

Ndirakobuca a établi un état de police et de terreur en obligeant même les étrangers résidant au Burundi à se soumettre à des contrôles périodiques de leurs domiciles pour enregistrer les habitants et les invités de chaque résidence privée individuelle.

Des contrôles qui sont effectués par la police sans sommation entre 5 et 6 heures du matin afin d’attraper d’éventuels subversifs dans leur sommeil. Une armée d’espions sous son commandement écoute chaque discours dans les bars, les lieux de travail et les lieux de culte pour signaler immédiatement toute pensée contre le régime. Les conséquences sont souvent tragiques pour ceux qui disent du mal de la junte militaire ou, plus simplement, expriment des doutes sur sa conduite et sa politique.
Ndirakobuca entretient des contacts étroits avec la milice paramilitaire burundaise Imbonerakure (auteur des nombreux massacres de civils de 2015 à nos jours) et avec les terroristes rwandais des Forces Démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR) auteurs du génocide au Rwanda en 1994 et principaux suspects de l’exécution extra judiciaire de l’Ambassadeur d’Italie au Congo : Luca Attanasio que a eu lieu à Goma (Est de la RDC) le 22 février 2021.

Le 22 septembre 2020, l’Union Européenne a inscrit Ndirakobuca sur la liste des personnalités politiques et militaires burundaises faisant l’objet de mesures restrictives et de sanctions ad personam en raison des crimes contre l’humanité commis entre 2015 et 2016.
Ndirakobuca Gervais aux médias nationaux et internationaux se présente comme un chrétien fervent, un bon père de famille dévoué à sa femme et ses 7 enfants (3 garçons et 4 filles).

Fulvio Beltrami