Noël sanglant dans l’est du Congo. En coulisses, le groupe terroriste FDLR capable d’influencer aussi l’opinion publique et la société civile

Le 25 décembre, au moins six personnes sont mortes et de nombreuses autres ont été blessées dans une explosion à Beni, dans l’est de la République Démocratique du Congo (RDC). L’attaque est survenue après qu’un homme aurait fait exploser une bombe lors d’une célébration mondaine de Noël. Parmi les 13 blessés et hospitalisés, il y a deux adjoints au maire des communes de Mulekera et Ruwenzori. Selon le porte-parole du gouverneur militaire du Nord-Kivu, le Général Sylvain Ekenge, l’attaque a eu lieu samedi à 20h00 locales à l’entrée d’un bar bondé du quartier de Ishango. Il a déclaré que le kamikaze avait activé la bombe à l’entrée du bar après avoir été ” empêché par des agents de sécurité d’entrer dans le bar bondé “.

Un communiqué publié par le Président Félix Tshisekedi a promis de poursuivre les criminels qui se cachent derrière les attaques, affirmant que ces crimes ne resteront pas impunis et que les auteurs seront traqués et détruits. “Le chef de l’Etat condamne fermement cet acte atroce. Le chef de l’Etat salue la mémoire des victimes et présente ses condoléances aux familles des victimes”, a-t-il ajouté dimanche.
Il s’agit du troisième attentat terroriste à Beni depuis juin dernier. Le premier visait une paroisse catholique du quartier Bustili, blessant deux fidèles. Le second a eu lieu dans un bar, avec le kamikaze comme seule victime.
Selon le porte-parole du gouverneur militaire, “les terroristes islamistes ougandais des ADF (Forces Démocratiques Alliées), opérationnellement désespérées sur le terrain, ont activé leurs cellules dormantes dans la ville de Beni et dans les agglomérations voisines afin d’agir contre des citoyens pacifiques”.

Parallèlement, les militaires congolais et ougandais, qui mènent une opération conjointe contre les ADF depuis novembre, affirment avoir intensifié l’offensive dans l’est de la RDC. Les ADF, affiliées à ISIS – DAESH, ont revendiqué la triple attaque terroriste de Kampala qui a eu lieu en novembre dernier. Le 23 décembre, 15 personnes, dont une femme enceinte, ont été accusées devant le tribunal de Kampala de terrorisme et d’avoir assumé des rôles de premier plan dans les récents attentats terroristes attribués au groupe terroriste ADF.

Depuis mai, des officiers militaires dirigent les administrations locales dans l’est de la RDC dans la tentative de Kinshasa de dompter les 140 groupes armés que le précédent Président, Joseph Kabila, a laissé proliférer pendant près de 20 ans. Le principal groupe armé est l’organisation terroriste rwandaise Forces Démocratiques de lùLibération du Rwanda : FDLR, principal suspect dans l’exécution extrajudiciaire de l’Ambassadeur italien Luca Attanasio, le carabinier Vittorio Iacovacci, qui était son escorte, et le chauffeur du PAM, Mustapha Milambo, qui a eu lieu il y a 10 mois près de Goma.

Créée par les Français contre le gouvernement rwandais en 2000, l’organisation a connu une profonde mutation. D’un groupe terroriste qui rêvait de reprendre le pouvoir au Rwanda en réalisant un deuxième génocide de la minorité Tutsi, à un groupe terroriste mafieux qui gère d’énormes capitaux dans l’est du Congo grâce au vol de ressources naturelles effectué en étroite collaboration avec le gouvernement Kabila de 2001 à 2018 Grâce au produit du trafic illégal d’or, de diamants et de coltan, les FDLR ont assumé un rôle de premier plan dans l’économie des provinces de l’Est Sud Kivu et du Nord Kivu. A Goma, Bukavu, Beni et d’autres villes, les FDLR ont la main dans le domaine des services de transport, des restaurants, des petits commerces.

Le boom chaotique de la construction urbaine est en fait géré par ces terroristes qui blanchissent de l’argent en construisant des immeubles et des hôtels de luxe. On estime que rien qu’à Goma, environ 160 000 personnes sur un total de 380 000 personnes vivant dans la capitale du Nord Kivu survivent grâce aux emplois directs ou indirects créés avec l’argent des terroristes rwandais. Depuis 2015, les FDLR ont étendu leur influence militaire, politique et économique au Burundi voisin, en s’alliant au régime du dictateur Pierre Nkurunziza. Une alliance qui perdure à ce jour avec la junte militaire qui s’est installée au pouvoir à Gitega après la mort (assassinat) de Nkurunziza.

Les FDLR sont au sommet du réseau criminel constitué d’une myriade de petites bandes armées congolaises et étrangères. Le groupe islamique ougandais ADF serait également lié aux FDLR. L’alliance entre ces deux groupes terroristes n’est pas claire. Il est toujours à l’étude s’il s’agit d’une alliance politique militaire avec une forte influence des FDLR ou si les terroristes rwandais contrôlent de facto les ADF, les utilisant comme forces de déstabilisation dans les zones orientales du Nord Kivu : Beni, Bunia, Butembo , Lubero.
Pour le moment, la vraie nature de la relation entre les ADF et les FDLR reste non clarifiée, mais on peut noter des étranges similitudes. Depuis janvier dernier, les ADF s’implantent dans le tissu social, économique et politique des quatre villes de l’Est du Nord-Kivu. Ils disposent d’énormes capitaux sortis de nulle part et les techniques de pénétration du tissu socio-économique sont identiques à celles utilisées par les FDRL à Goma, Bukavu et dans d’autres villes des provinces de l’Est du Congo.

Depuis la proclamation de l’état de siège (mai 2021) dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri, le Président Félix Tshisekedi ne semble pas avoir fait de grands progrès dans l’éradication de ces groupes terroristes et bandes criminelles. L’administration militaire semble incapable de gérer les deux provinces. La corruption est en hausse, ralentissant le développement économique. L’armée (FARDC : Forces Armées de la République Démocratique du Congo) continue de souffrir d’une formation et d’un équipement militaire insuffisants. Les soldats, souvent démotivés et affligés d’une pauvreté chronique, sont dirigés par des officiers corrompus. Plusieurs d’entre eux seraient nombreux à s’entendre avec les FDLR, les ADF et d’autres gangs armés, rendant vaines les opérations militaires pour anéantir ces forces négatives.

L’excès de pouvoir de l’administration militaire et l’incapacité à atteindre les objectifs inhérents à la campagne de guerre contre les groupes armés ont suscité un grand mécontentement parmi la population du Nord-Kivu qui, depuis juin dernier, réclame la fin de l’Etat de siège et la retour de l’administration civile.
Une manifestation contre l’état de siège a eu lieu à Goma le lundi 20 décembre qui s’est soldée par un drame. La police a tiré sur des manifestants tuant trois personnes dont un bébé de 6 mois, comme le rapportent des experts présents sur le site de l’association américaine de défense des droits humains : Human Rights Watch. Au moins 12 autres personnes ont été blessées, dont 3 enfants. La police a signalé qu’un policier avait été tué et 5 autres blessés. La police a arrêté au moins 17 manifestants, qui sont toujours en détention.

« Une enquête impartiale est nécessaire pour déterminer si la police a utilisé illégalement la force meurtrière contre les manifestants à Goma », a déclaré Lewis Mudge, directeur de Human Rights Watch pour l’Afrique centrale. “Les gens devraient pouvoir protester contre la politique du gouvernement sans se faire tirer dessus.”
Malheureusement, l’exposé des faits sanglants et les conclusions politiques de HRW ne prennent pas en compte un élément important : l’infiltration d’agents provocateurs et terroristes parmi les manifestants. Les manifestants, dépourvus de service de sécurité intérieure, ont été infiltrés par des extrémistes, des voyous et des sympathisants des FDLR qui ont profité de la situation pour se heurter à la police.

La réponse du gouvernement était nécessaire pour rétablir le calme et l’ordre, même si elle était manifestement disproportionnée. Il n’y a aucune preuve que les provocateurs possédaient des armes à feu. Ils ont jeté des pierres sur la police et certains étaient armés de bâtons et de machettes. Cependant, ils avaient réussi à créer un climat hostile contre la police qui menait à une tentative de lynchage de masse à laquelle la police a répondu en tirant à balles réelles à hauteur des yeux.

Ce n’est pas la première fois que l’association américaine HRW lance des revendications audacieuses contre les gouvernements du Congo et du Rwanda qui renforcent indirectement l’image des terroristes rwandais des FDLR. Selon nos sources diplomatiques, cela est dû au fait que l’association américaine fait appel à des collaborateurs locaux soupçonnés d’avoir son propre agenda politique.

Les proches des victimes ont suggéré que la police avait peut-être tiré à l’aveuglette avec des armes. Ils ne mentionnent pas les provocations flagrantes et violentes de certains manifestants. Le parent d’une victime avec trois enfants a déclaré: “Mon beau-frère n’était pas dans les manifestations. Il se rendait au travail vers 8 heures du matin lorsque la police lui a tiré dessus alors qu’il discutait du prix du transport avec un chauffeur de taxi moto”.

Cependant, ces témoignages doivent être pris avec une plus grande attention et une réserve de doute car ils pourraient être déformés et orientés politiquement pour répandre un blâme univoque contre un gouvernement qui tente de libérer près de 20 millions de citoyens du joug de l’exploitation et du contrôle militaire des FDLR, ADF et les autres bandes armées.
La répression gouvernementale contre les manifestations au Congo s’est intensifiée au cours de la dernière année. Le 18 décembre, une coalition de mouvements citoyens (dont LUCHA) a appelé une ville morte à Goma, ou grève générale, pour dénoncer la montée de l’insécurité dans l’est du Congo depuis que le gouvernement a imposé la loi martiale en mai.
LUCHA est un mouvement de jeunesse de la société civile non violent et non partisan fondé en juin 2012 à Goma, la capitale du Nord-Kivu. Le mouvement soutient la justice sociale et la démocratie en RDC à travers des campagnes et encourage les citoyens congolais à se battre sont pour la promotion et le respect des droits de l’homme.

Bien que bénéficiant d’un large public parmi la population, LUCHA semble souffrir de tendances extrémistes. Toujours prête à dénoncer les « méfaits » et les abus du gouvernement, s’opposant farouchement au président Tshisekedi, LUCHA n’a jamais explicitement condamné les terroristes rwandais des FDLR et autres bandes armées qui sont la véritable cause du chaos et de l’interminable traînée de sang qui dure depuis 20 ans dans l’est du Congo. Dans ses rares dénonciations, LUCHA a toujours associé des groupes armés plus petits au gouvernement de Kigali sans fournir de preuves à l’appui.

Selon l’opinion de sources diplomatiques, la LUCHA, comme une grande partie de la société civile dans l’est du Congo, a été infiltrée par des éléments des FDLR qui influencent (également financièrement) sa politique en la dirigeant contre leurs opposants : les gouvernements de Kinshasa et de Kigali. Pour l’instant il n’y a aucune preuve qui puisse confirmer cette suspicion mais les raisons qui poussent la société civile à lutter sans relâche contre les autorités gouvernementales congolaises et à répandre des dangers imaginaires en provenance du Rwanda voisin restent incompréhensibles. Ces association semblant ignorer complètement les effets néfastes sur la population e sur le développement pacifique des différents groupes terroristes et bandes armées présentes dans l’est du Congo.

“Les FDLR et leur pègre – réseau criminel ont une grande influence sur le tissu économique et social du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. Ils sont devenus l’un des principaux moteurs économiques de la région, capables d’offrir des emplois, une protection et des indices de protection sociale à la population appauvrie. L’influence économique de ces terroristes et la faiblesse des institutions publiques ont créé un fort soutien populaire aux FDRL, considérées comme partie intégrante du tissu social des deux Kivus et, même comme des bienfaiteurs qui emploient des pauvres, les protégeant des perfides Rwandais » , explique un professeur de l’université de Bukavu protégé par l’anonymat.
La société civile et HRW ont ignoré le véritable motif des organisateurs de la manifestation du 20 décembre. La manifestation était dirigée contre la décision du président de collaborer avec la police rwandaise pour libérer l’est du pays du cancer des groupes terroristes et des bandes armées. Dans les régions orientales du Nord-Kivu, la collaboration militaire se fait avec l’Ouganda qui, depuis novembre dernier, a envoyé une division de l’armée combattre les ADF aux côtés de l’armée congolaise. Possible la participation de l’Italie même si n’est pas prouvée. Les carabiniers sont présents au Rwanda depuis au moins trois ans, aidant la police nationale à lutter contre les terroristes des FDLR grâce à un accord de coopération militaire signé en 2017 entre Rome et Kigali.

Selon les militants de LUCHA, la présence de la police rwandaise au Nord Kivu ne viserait pas à aider Kinshasa dans la lutte contre le terrorisme mais à renforcer le plan fantôme de conquête territoriale (contre les Congolais) promue par le Président rwandais Paul Kagame depuis plus d’une décennie. Ce plan n’a jamais été démontré dans la réalité mais est devenu un véritable dogme chez la majorité de la population de Goma et de Bukavu.
LUCHA et la société civile congolaise, ignorant totalement les FDLR et autres groupes armés présents sur le territoire, poursuivent leur croisade contre les autorités centrales de Kinshasa, favorisant et renforçant les sentiments de haine ethnique contre les Rwandais et la minorité Tutsi au Congo.

Il n’est pas clair si ces jeunes « idéalistes » comprennent ou non que leurs actions convulsives et colériques conduisent à empêcher la paix et la collaboration entre les populations de la région des Grands Lacs, une situation idéale pour stabiliser cette partie stratégique de l’Afrique. La paix et la collaboration régionale sont la seule option possible également selon le Pape François.
Pour terminer par un Noël sanglant dans l’est du Congo, un autre accident d’avion s’est produit la veille de Noël. Un avion de Malu Aviation (société privée congolaise) en provenance de Goma et à destination de Shabunda au Sud-Kivu s’est écrasé avant d’atterrir, s’écrasant dans la forêt voisine du village de Kalehe.

L’administrateur du territoire de Shabunda, Kashombania Bin Saleh, a déclaré que les victimes comprenaient trois membres d’équipage, dont un pilote belge. Le major Jean Marion est également décédé. L’avion avait une “charge de carburant car le territoire de Shabunda est totalement enclavé”, a déclaré Hilaire Kikobya, député au cours d’une séance plénière retransmise en direct à la télévision d’Etat congolaise.

Ce crash d’avion fait partie de la longue série d’accidents aériens et maritimes qui se produisent régulièrement dans le ciel de l’Est du Congo et sur le lac Kivu. Tous ces accidents mortels sont causés par l’absence totale de lois strictes réglementant le transport aérien et maritime et par la cupidité des entrepreneurs qui utilisent des moyens de transport obsolètes et économisent non sur l’entretien nécessaire et obligatoire.
C’est ce climat d’anarchie, de violence et d’absence d’État que le président Félix Tshisekedi entend combattre pour faire du Congo un pays normal. Malheureusement, sa politique ne semble pas partagée par une grande partie de la population congolaise des provinces de l’Est ou par divers membres de la société civile et de LUCHA. Il y a un sentiment clair que le chaos des bandes armées et l’argent facile offert par les groupes terroristes sont préférés à un État de Droit et une administration compétente.

“Les FDLR m’ont donné un travail et je peux maintenant nourrir ma famille. Qu’a fait Tshisekedi pour moi ? Rien. Alors n’espérez pas que je le soutienne maintenant”, confie un chauffeur de moto-taxi (Boda Boda) de Goma qui a été contacté par téléphone.

Nos sources diplomatiques avertissent que le recrutement parmi les ADF et les FLDR parmi la population congolaise du Nord-Kivu est en augmentation. Des centaines de jeunes Congolais sans avenir s’enrôlent dans ces grands groupes terroristes dans l’espoir d’améliorer leur vie par la violence et les armes.

Il est incompréhensible qu’à Beni, Bunia, Butembo et Lubero, l’enrôlement dans les ADF ait atteint des niveaux alarmants. Des jeunes rejoignent une organisation terroriste accusée d’avoir tué des centaines de civils appartenant à la même ethnie que ces jeunes depuis 2016 : les Banande.

Fulvio Beltrami