Dans les villes martyres de Mossoul et Qaraqosh, le Pape François aux côtés des Chrétiens d’Irak et des victimes de la guerre

Ce dimanche 7 mars, le Pape s’est rendu, pour le troisième jour de ce voyage historique en Irak, dans le nord du pays, direction la région autonome du Kurdistan irakien. Il a d’abord fait étape dans la plaine de Ninive, à Mossoul puis Qaraqosh. Son cortège a été accueilli par une foule joyeuse agitant des drapeaux, des fleurs et des ballons blancs et jaunes. Une étape à la rencontre d’une communauté de chrétiens d’Irak blessés, chassés ou qui ont fui leurs terres envahies par le groupe Etat islamique en 2014. L’organisation terroriste avait alors fait de Mossoul la siège de son “califat”.

Le Saint-Père a ainsi présidé une prière en hommage aux victimes de la guerre qui a dévasté le pays et cette ville martyre de Mossoul en particulier. Une prière qui s’est tenue sur une place où se trouvent les ruines de quatre églises détruites par Daesh, dont l’église catholique de l’Immaculée Conception. François a été accueilli par Mgr Michael Najeeb, l’archevêque chaldéen de la ville puis par un prêtre catholique et un musulman. Dans ces ruines de Mossoul, le Saint-Père a imploré “le pardon pour tous ceux qui ont fait du mal à leurs frères et à leurs sœurs”. François a ensuite visité le cloître Saint-George à Mossoul, transformé en prison pendant les trois années d’occupations des djihadistes et détruit au moment de leur fuite.

Seconde étape en hélicoptère, à Qaraqosh, le Pape François est allé à la rencontre de la communauté chrétienne. “De cette église détruite et reconstruite, symbole de l’espérance de Qaraqosh et de tout l’Irak, j’implore de Dieu, par l’intercession de la Vierge Marie, le don de la paix” a écrit le Pape dans le livre d’honneur de l’église de l’Immaculée conception. “Même au milieu des dévastations, nous pouvons voir le triomphe de la vie sur la mort”, “le terrorisme et la mort n’ont jamais le dernier mot” a lancé le Souverain pontife dans l’église reconstruite, qui avait été entièrement détruite par l’Etat islamique.

Discours du Pape à Mossoul :

“Chers frères et sœurs, Chers amis !
Je remercie l’Archevêque Najeeb Michaeel pour ses paroles de bienvenue et je suis
particulièrement reconnaissant au Père Raid Kallo et à Monsieur Gutayba Aagha pour leurs touchants témoignages.
Merci beaucoup, Père Raid. Vous nous avez parlé du déplacement forcé de nombreuses
familles chrétiennes de leurs maisons. La diminution tragique des disciples du Christ, ici et dans tout le Moyen-Orient, est un dommage incalculable non seulement pour les personnes et les communautés intéressées, mais pour la société elle-même qu’ils laissent derrière eux. En effet, un tissu culturel et religieux aussi riche de diversité est affaibli par la perte de n’importe lequel de ses membres, aussi petit soit-il. Comme dans un de vos tapis artistiques, un petit fil arraché peut endommager l’ensemble.

Mon Père, vous avez parlé aussi de l’expérience fraternelle que vous vivez avec les musulmans, après être revenu à Mossoul. Vous avez trouvé accueil, respect, collaboration. Merci, mon Père, pour avoir partagé ces signes que l’Esprit fait fleurir dans le désert, et pour nous avoir montré qu’il est possible d’espérer la réconciliation et une nouvelle vie.
Monsieur Aagha, vous nous avez rappelé que la véritable identité de cette ville est celle de la coexistence harmonieuse entre des personnes d’origines et de cultures différentes. C’est pourquoi j’apprécie grandement votre invitation à la communauté chrétienne à revenir à Mossoul, et à assumer le rôle vital qui est le sien dans le processus de redressement et de renouveau.
Aujourd’hui nous élevons nos voix en prière vers Dieu Tout-Puissant pour toutes les victimes de la guerre et des conflits armés. Ici à Mossoul les tragiques conséquences de la guerre et des hostilités ne sont que trop évidentes. Comme il est cruel que ce pays, berceau de civilisations, ait été frappé par une tempête aussi inhumaine, avec d’antiques lieux de culte détruits et des milliers et des milliers de personnes – musulmanes, chrétiennes, yézidies et autres – déplacées de force ou tuées !

Aujourd’hui, malgré tout, nous réaffirmons notre conviction que la fraternité est plus forte que le fratricide, que l’espérance est plus forte que la mort, que la paix est plus forte que la guerre. Cette conviction parle d’une voix plus éloquente que celle de la haine et de la violence ; et jamais elle ne pourra être étouffée dans le sang versé par ceux qui pervertissent le nom de Dieu en parcourant des chemins de destruction.”

Intervention du Pape à Qaraqosh : 

“Chers frères et sœurs, bonjour !
Je rends grâce au Seigneur pour l’occasion qu’il me donne d’être parmi vous ce matin. J’ai
attendu avec impatience ce moment. Je remercie Sa Béatitude le Patriarche Ignace Youssif Younan pour ses paroles de salutation, et aussi Madame Doha Sabah Abdallah et le Père Ammar Yako pour leurs témoignages. En vous regardant, je vois la diversité culturelle et religieuse des habitants de Quaraqosh, et cela montre quelque chose de la beauté que votre région offre pour l’avenir. Votre présence ici rappelle que la beauté n’est pas unicolore, mais qu’elle rayonne par la variété et les différences.
En même temps, avec grande tristesse, nous regardons tout autour et nous voyons d’autres signes, des signes du pouvoir destructeur de la violence, de la haine et de la guerre. Que de choses ont été détruites ! Et combien doivent être reconstruites. Notre rencontre montre que le terrorisme et la mort n’ont jamais le dernier mot. Le dernier mot appartient à Dieu et à son Fils, vainqueur du péché et de la mort. Même au milieu des dévastations du terrorisme et de la guerre, nous pouvons voir, avec les yeux de la foi, le triomphe de la vie sur la mort. Vous avez devant vous l’exemple de vos pères et
de vos mères dans la foi qui ont adoré et loué Dieu en ce lieu. Ils ont persévéré dans une ferme espérance sur leur chemin terrestre, faisant confiance à Dieu qui ne déçoit jamais et qui nous soutient toujours de sa grâce. Le grand héritage spirituel qu’ils nous ont laissé continue de vivre en vous.
Etreignez cet héritage ! Cet héritage est votre force ! Le moment est venu de reconstruire et de recommencer, en se confiant à la grâce de Dieu qui guide le destin de tout homme et de tous les peuples. Vous n’êtes pas seuls ! L’Eglise toute entière vous est proche, par la prière et la charité concrète. Et dans cette région, beaucoup vous ont ouvert les portes quand il y en avait besoin.

Très chers, c’est le moment de restaurer non seulement les édifices, mais aussi d’abord les
liens qui unissent communautés et familles, jeunes et anciens. Le prophète Joël dit : « Vos fils et vos filles prophétiseront, vos anciens seront instruits par des songes, et vos jeunes gens par des visions » (Jl 3, 1). Quand les anciens et les jeunes se rencontrent, que se passe-t-il ? Les anciens rêvent, ils rêvent d’un avenir pour les jeunes ; et les jeunes peuvent accueillir ces rêves et prophétiser, les mettre en œuvre. Quand les anciens et les jeunes s’unissent, nous préservons et transmettons les dons que Dieu fait. Regardons nos enfants sachant qu’ils hériteront non seulement d’une terre, d’une culture et d’une tradition, mais aussi des fruits vivants de la foi que sont les bénédictions de Dieu sur cette terre.
Je vous encourage à ne pas oublier qui vous êtes et d’où vous venez ! à protéger les liens qui vous tiennent ensemble, à protéger vos racines !
Il y a sûrement des moments où la foi peut vaciller, lorsqu’il semble que Dieu ne voit pas ni
n’agit. Cela a été vrai pour vous aux jours les plus sombres de la guerre, et cela est vrai aussi en ces jours de crise sanitaire mondiale et de grande insécurité. En ces instants, rappelez-vous que Jésus est à votre côté. Ne cessez pas de rêver! Ne vous rendez pas, ne perdez pas l’espérance! Du ciel, les saints veillent sur nous : invoquons-les et ne nous lassons pas de demander leur intercession. Et il y a aussi “les saints de la porte d’à côté” « qui vivent proches de nous et sont un reflet de la présence de Dieu » (Exhort. ap. Gaudete et exsultate, n. 7). Cette terre en a beaucoup, c’est une terre où les saints, hommes et femmes, sont nombreux. Laissez-les vous accompagner vers un avenir meilleur, un avenir
d’espérance.
Une chose qu’a dite Madame Doha m’a bouleversé : elle a dit que le pardon est nécessaire de la part de ceux qui ont survécu aux attaques terroristes. Pardon : c’est une parole clé. Le pardon est nécessaire pour demeurer dans l’amour, pour demeurer chrétien. La route vers une pleine guérison peut-être encore longue, mais je vous demande, s’il vous plait, de ne pas vous décourager. La capacité de pardonner est nécessaire et, en même temps, le courage de lutter. Je sais que cela est très difficile.
Mais nous croyons que Dieu peut apporter la paix sur cette terre. Nous lui faisons confiance et, avec toutes les personnes de bonne volonté, nous disons “non” au terrorisme et à l’instrumentalisation de la religion.

Le Père Ammar, en rappelant les horreurs du terrorisme et de la guerre, a remercié le Seigneur qui vous a toujours soutenus dans les temps bons et dans les mauvais, dans la santé et dans la maladie.
La gratitude naît et grandit lorsque nous nous souvenons des dons et des promesses de Dieu. La mémoire du passé façonne le présent et nous porte en avant vers l’avenir.
A tout moment, rendons grâce à Dieu pour ses dons et demandons-lui d’accorder paix, pardon et fraternité à cette terre et à ceux qui l’habitent. Ne nous lassons pas de prier pour la conversion des cœurs et pour le triomphe d’une culture de la vie, de la réconciliation et de l’amour fraternel, dans le respect des différences, des diverses traditions religieuses, dans l’effort de construire un avenir d’unité et de collaboration entre toutes les personnes de bonne volonté. Un amour fraternel qui reconnaisse « les valeurs fondamentales de la commune humanité, valeurs au nom desquelles on peut et on doit collaborer, construire et dialoguer, pardonner et grandir » (Enc. Fratelli tutti, n.283).

Lorsque j’arrivais avec l’hélicoptère, j’ai vu la statue de la Vierge Marie sur cette église de
l’Immaculée Conception, et je lui ai confié la renaissance de cette ville. La Vierge non seulement nous protège d’en haut, mais elle descend vers nous avec une tendresse maternelle. Sa représentation a été ici blessée et bafouée, mais le visage de la Mère de Dieu continue à nous regarder avec tendresse.
Car c’est ainsi que font les mères : elles consolent, elles confortent, elle donne vie. Et je voudrais dire merci de tout cœur à toutes les mères et les femmes de ce pays, des femmes courageuses qui continuent à donner vie malgré les exactions et les blessures. Que les femmes soient respectées et protégées ! Que leur soient données attention et opportunités ! Et maintenant prions ensemble notre Mère, invoquant son intercession pour vos nécessités et vos projets. Je vous mets tous sous sa protection. Et je vous demande, s’il vous plait, de ne pas oublier de prier pour moi.”