Le procès du Vatican pour la gestion des fonds du Saint-Siège est enfin entré dans sa phase finale. On peut parler sans exagération d’une agonie : soixante audiences d’où n’est ressortie aucune responsabilité pénale claire, hormis celles de ceux qui ont impudemment calomnié le Card. Giovanni Angelo Becciu et le Secrétariat d’Etat en général. Il y a plus d’un mois, le 13 juin, s’est tenue l’audience précédente qui a conclu la phase du procès, et la première partie de l’acte d’accusation du promoteur de justice, Alessandro Diddi, s’est donc déroulée dans la salle polyvalente des Musées du Vatican, durant environ quatre heures et se concentrant principalement, en ce premier jour, sur la présentation d’une vue d’ensemble des faits et des comportements qui ont conduit au renvoi en jugement de onze personnes, en commençant par la vente du palais londonien. Nous en sommes, en somme, à la comédie finale.
Et deux ans de cette tragi-comédie n’ont pas suffi : “l’accusation, dit Diddi, aura besoin d’au moins cinq audiences supplémentaires pour reconstituer les faits et les histoires entrelacées qui, à son avis, confirment – deux ans après le début du procès – la validité de la structure accusatoire, avec la réserve que “ce n’est pas un procès de la Secrétairerie d’État, mais de quelques fonctionnaires ou plutôt ‘serviteurs’ qui n’ont pas su interpréter l’esprit et les idéaux de l’Église auxquels il faut adhérer dans l’exercice de leur profession”. Une manière d’accuser sans preuves les prévenus : le cardinal Giovanni Angelo Becciu, suppléant (pour une période encore courte) au moment des faits, l’ancien fonctionnaire du bureau administratif, Fabrizio Tirabassi, et Enrico Craso, depuis des années consultant financier.
“Demain, rapporte Vatican News, l’attention se portera sur l’immeuble de Sloane Avenue et les investissements immobiliers du gérant Raffaele Mincione (accusé), et après-demain, 20 juillet, sur les délits de fraude et d’extorsion et sur l’affaire de l’AIF, l’Autorité d’information financière, dont l’ancien président et l’ancien directeur (Reené Brühllart et Tommaso Di Ruzza) sont également sur le banc des accusés. Le procès se poursuivra jusqu’à la semaine prochaine, lorsque Diddi présentera au Tribunal du Vatican, présidé par Giuseppe Pignatone, les requêtes contre les dix prévenus, pour des accusations – souligne le promoteur – de violation de lois modifiées ou introduites entre les pontificats de Benoît XVI et de François. En particulier la loi IX de juillet 2013 sur les délits financiers, qui contient des modifications au Code pénal et au Code de procédure pénale.
Après une minute de silence pour la mort prématurée du professeur Enrico Rinaldi, qui avait participé au procès en tant qu’avocat de Di Ruzza, Diddi a déclaré que “nous sommes arrivés à la fin de ce procès long et articulé” et a exprimé sa “reconnaissance pour le travail pas facile de la Cour” qui a permis une confrontation “sur la résilience du système judiciaire” et aussi aux avocats de la défense, “malgré quelques moments de tension”. “Le contre-interrogatoire a permis d’appliquer correctement la loi et de clarifier des aspects qui ne l’étaient pas”, a-t-il déclaré. Il a ensuite prononcé une énormité : “Je pense que la structure de l’accusation a tenu, que les faits ont tenu, et que cela aurait été une grande défaite pour nous si les faits – tels qu’ils ont été reconstitués – n’avaient pas été correctement construits d’une manière ou d’une autre”. Il est sûr de ses faits, car “malgré les efforts considérables de la défense” et grâce aux consultations techniques, selon Diddi, tous les faits “annoncés” pendant sept ans (de 2012 à 2019) et reconstitués par les enquêtes, qui ont commencé après “deux très petites plaintes” : celle de l’IOR (deux pages) et celle du Bureau de l’auditeur général (neuf pages) affirmant “l’existence de délits très graves”, ont été confirmés.
Malheureusement, il faudra attendre encore quelques mois pour qu’une sentence vienne balayer toutes les ombres des actions du Card. Becciu, qui n’est coupable de rien. Et en attendant, nous devons écouter le véritable délire d’un accusateur manifestement factieux. Pour lui, Monseigneur Alberto Perlasca, l’ancien directeur du Bureau administratif de la Secrétairerie d’État, qui a fait l’objet d’une enquête initiale mais n’a jamais été renvoyé en jugement, “est lui aussi une victime, plutôt qu’un participant, il n’est ni un super témoin, ni un super repenti comme on l’a dit”. Même Diddi s’est dit “heureux que l’on ait examiné en profondeur le fait qu’il a été un témoin manipulé et manipulable par Francesca Chaouqui et Genoveffa Ciferri (entendues comme témoins le 13 janvier, ndlr)”. Pour le promoteur de justice du Vatican, Perlasca “doit être considéré comme une personne très fragile qui a apporté une contribution déterminante et qui, pour nous, a été un ‘crime news’ sur lequel nous avons mené des enquêtes approfondies pour identifier les circonstances qui ont amené les accusés actuels à être jugés”. Toutefois, Diddi a déclaré qu’il s’en remettrait à toute décision de la Cour.
Pour Diddi, Becciu n’était pas “initialement une personne qui est entrée” dans l’enquête.Cependant, il a déclaré que Becciu lui-même aurait “essayé de s’immiscer dans l’enquête” : “Nous l’avons découvert à partir des téléphones portables de Perlasca, qui était initialement sous enquête, dès les premiers chats qui ont suivi, dès le moment de la perquisition du 1er octobre 2019 dans les bureaux du Secrétariat d’État”.Becciu “s’est beaucoup mêlé de la conduite des enquêtes, des accusés afin de sympathiser et aussi de pouvoir activer des campagnes de presse contre les magistrats qui menaient les enquêtes”, a divagué Diddi qui a ensuite évoqué les opinions notoires de feu le Card. George Pell qui n’estimait pas les ecclésiastiques italiens qui, selon lui, avaient tendance à “contourner les règles”.Non pas avec désinvolture, mais pour leur propre avantage”.Une accusation générique que le promoteur de la justice considère toutefois comme fondée, sur la base également des propos de Perlasca sur le fait que ceux qui géraient alors les fonds de la Secrétairerie d’État ne voyaient pas d’un bon œil les “ingérences”.
Diddi a insisté en particulier “sur le détournement des fonds de l’Obolo San Pietro”, où étaient versées les offrandes des fidèles pour la charité du Pape et la subsistance de la Curie romaine.La reconstitution de l’utilisation illicite de l’Obole provient d’une représentation de l’Office de l’Auditeur. En réalité, a précisé Diddi aujourd’hui, l’Obolus avait un “montant dérisoire, incapable de faire face aux dépenses de la Curie Romaine, il n’y avait pas d’argent à investir”.Il est donc question d'”autres sommes d’argent”, c’est-à-dire d'”une subvention ostensible de l’IOR” à la Secrétairerie d’État, qui de 2004 à 2020, selon l’avocat, s’élevait à 700 millions d’euros confiés “avec une destination spécifique” : l’entretien de la Curie.
Cet argent, selon l’accusation, aurait plutôt été utilisé pour des “opérations scandaleuses” telles que le Crédit Lombard, le transfert de tous les actifs financiers de la Secrétairerie d’État sur un seul compte du Crédit Suisse afin de bénéficier des intérêts.
Par ailleurs, Diddi décrit Gianluigi Torzi, le courtier anglo-moliséen au centre des négociations de Londres, comme “un personnage naïf, doté d’une grande intelligence comme le montrent certaines conversations, pas quelqu’un qui se serait jamais laissé coincer par Crassus et Tirabassi”.Quant à Tirabassi, il précise qu’il n’était pas du tout, selon sa reconstruction, “le sot serviteur aux mains de Perlasca qui ne s’occupait de rien” qu’il voulait faire croire : “Il était au contraire au milieu de nombreuses affaires, il passait plus de temps à des activités personnelles qu’à des activités institutionnelles”.
En effet, un théorème, celui de l’accusation, s’est développé par hasard selon les lignes du scénario suggéré par les deux dames à l’origine de l’enquête sur le “pauvre” Perlasca. Bien que Diddi ait levé les bras au ciel en disant: “nous n’avons pas avancé en suivant un théorème, le début de l’enquête nous a emmenés si loin sans savoir où nous arriverions, sans rien enlever à l’importance des intentions des auteurs”.Diddi, désireux de dissiper certains “malentendus” et “représentations médiatiques”, a expliqué que le bureau qu’il dirigeait “n’avait pas d’idées préconçues”.
L’avocat Diddi (habile défenseur de Salvatore Buzzi dans le procès Mafia Capitale) continuera sur cette lancée pendant encore quatre audiences, se consacrant à nuire, pendant son temps libre, à l’affaire Orlandi : le Fatto Quotidiano nous apprend qu’il a rencontré ces derniers jours un ancien collaborateur du patron de la Magliana, Enrico De Pedis. “Il semble que cette information ait été divulguée par le Vatican”, lit-on dans l’article d’Alessandra De Vita.
“Une nouvelle – soutient le journaliste Alessandro Ambrosini sur son blog Notte Criminale, celle du faux scoop des accusations contre la mémoire de saint Jean-Paul II – qui aurait mérité une juste place, parce que le protagoniste a été le déclencheur qui a donné de la force à la piste de la pédophilie au cours des huit derniers mois”.”Nous parlons”, révèle le Fatto Quotidiano, en s’appuyant sur cette source fiable, “de Marcello Neroni, le protagoniste involontaire de l’audio publié dans la Notte Criminale en janvier dernier. Neroni aurait rencontré Diddi ou, du moins, lui aurait parlé au téléphone. Il n’est pas clair si cela s’est passé à l’intérieur ou à l’extérieur du Vatican, ou seulement au téléphone. Un détail qui n’est pas anodin, étant donné que la juridiction de Diddi est limitée aux murs léonins et que l’on n’a jamais parlé de “commissions rogatoires”.
Sante Cavalleri