Érythrée. Sœur Tseghereda Yohannes nouvelle Secrétaire Générale de la Conférence Episcopale sous l’inspiration du Roi Salomon

“Quand Salomon est devenu roi, il n’a pas demandé au Seigneur la richesse et le pouvoir, mais la sagesse et l’intuition pour guider le peuple de Dieu” Ce sont les paroles de Sœur Tseghereda Yohannes, missionnaire combonienne, nommée Secrétaire Générale du Secrétariat Catholique d’Erythrée qui succède au Père Tesfaghiorhis Kiflom, moine cistercien, Secrétaire Général sortant après huit années de service. Le choix de sœur Yahannes a été fait le 3 juin dernier par le Conseil des Évêques érythréens et officialisé le lundi 14 juin.
Tseghereda Yohannes a enseigné pendant 16 ans à l’Université d’Asmara et à l’Institut de Technologie Mai Nefhi avant de prendre ses fonctions.

Elle a également servi dans la Province des Sœurs Comboniennes après avoir obtenu un doctorat en médecine moléculaire.
Sœur Yohannes dans une interview publiée après la nomination officielle a souligné les priorités de l’Église Catholique qui opère dans un environnement difficile de dictature totale et de violation quotidienne des droits humains fondamentaux, y compris la libre profession de foi. Le merveilleux pays de la Corne de l’Afrique a été transformé par le dictateur Isaias Afwerki en une Corée du Nord en Afrique où les citoyens sont considérés comme des sujets et toute dissidence est sévèrement punie avec une détermination farouche. L’objectif principal de Sœur Yohannes est de mener des activités pastorales, humanitaires et sociales en faveur de l’ensemble de la population érythréenne, sans distinction d’ethnie, de religion ou d’âge.
La nomination intervient à un moment extrêmement difficile pour l’Église catholique, victime d’une dure répression de la part du régime fasciste conçu par le dictateur, indiscutable Guide éternel de l’Érythrée : Isaias Afwerki.

L’Église Catholique est attaquée depuis 2019 par le régime qui a illégalement confisqué diverses écoles et hôpitaux sous prétexte que l’éducation et la santé ne doivent être gérées que par l’État omniprésent. Derrière cette attaque se cache la nécessité pour du dictateur de contrôler tout le cycle éducatif soumis à la propagande obsessionnelle du régime qui ne tolère pas une éducation qui crée des citoyens conscients de leurs droits et devoirs et capables de contribuer à la démocratie inclusive etau progrès pacifique de la Nation. Lorsqu’il s’agit du secteur de la santé, les intérêts économiques sont cachés dans les coulisses.

L’opposition érythréenne en exil soupçonne l’intention de s’approprier les cliniques et hôpitaux catholiques modernes et bien équipés pour le traitement des hiérarques du parti unique, privant ainsi l’accès à la population qui bénéficiait jusqu’à présent de soins de qualité à des prix populaires. Sous Isaias Afwerki, l’éducation et la santé se sont pratiquement effondrées et sont dans un état pitoyable qui les empêche d’offrir à la population une éducation et des soins de santé adéquats.

Outre cet attentats, sœur Yohannes doit gérer l’ire d’Afwerki face au choix par la Conférence Épiscopale Érythréenne d’une condamnation ferme et inconditionnelle de la guerre d’invasion au Tigré et des crimes contre l’humanité commis en Éthiopie depuis novembre dernier. L’Église Catholique noue des contacts avec l’Église Orthodoxe et la société civile des deux pays pour résoudre pacifiquement le conflit et promouvoir la réconciliation régionale. Une politique intolérable pour le dictateur qui utilise le Premier Ministre éthiopien Abiy Ahmed Ali comme un outil pour imposer le contrôle de la Corne de l’Afrique en étroite collaboration avec les leaders éthiopiens nationalistes Amhara : Agegnehu Teshager et Temesgen Tiruneh.

Le travail de promotion de la justice sociale et de défense des droits humains mené par l’Église Catholique en Érythrée inquiète le régime dans cette phase délicate d’expansionnisme régional. Le conflit du Tigré brûle des milliers de vies de jeunes érythréens et compromet la capacité de contrôle interne. Une défaite militaire au Tigré compromettrait la stabilité du régime car un désir de changement réel et de démocratie gît sous les cendres : les idéaux pour lesquels des milliers de jeunes érythréens sont morts pendant la longue guerre d’indépendance de l’Éthiopie.
Sœur Tseghereda Yohannes entend relever ces défis difficiles en appliquant la sagesse salomonienne. « Je suis toujours fasciné par la sagesse du roi Salomon. Je demande à Dieu sa sagesse pour rassembler la direction et le personnel du Secrétariat catholique érythréen afin que nous puissions bien faire notre travail ensemble ».

La réponse du régime à l’œuvre de justice sociale promue par l’Église Catholique ne s’est pas fait attendre. Il y a deux jours, le régime nord-coréen en Erythrée a ordonné à l’Eglise Catholique de remettre à l’Etat tous les centres de santé qui restaient sous sa gestion après la vague de réquisitions de 2019-2020. L’arrêté concerne non seulement les centres de santé mais les écoles d’infirmières, et les dispensaires à l’intérieur des couvents. L’Église Catholique a 30 jours pour signer les documents de transfert de propriété.
« Il semble remonter à 1982 lorsque le régime de terreur du dictateur éthiopien de la DERG : Menghistu Hailemariam conviscava les avoirs de l’Église catholique notamment, couvents, écoles, hôpitaux, avec recours à la force brute », souligne le père Mussie Zerai , président de l’agence Habeshia. La décision de fermer les installations médicales est considérée comme une représailles évidente du régime contre le témoignage de foi et l’engagement social de l’Église Catholique dans ce pays africain tourmenté.

Fulvio Beltrami