L'”affaire Becciu”, c’est-à-dire la condamnation injuste d’un ecclésiastique qui s’est entièrement consacré à l’Église et au Pape, n’est pas seulement un épisode de chronique judiciaire, mais un véritable tournant pour l’ensemble du système du Vatican. Le procès impliquant le cardinal Angelo Becciu n’est pas seulement l’une des affaires judiciaires les plus complexes et controversées que le Vatican ait jamais connues. Il s’agit d’un cas emblématique, d’un événement qui soulève des questions profondes sur la solidité de l’État de la Cité du Vatican en tant qu’ordre juridique, acteur international et forum de fiabilité dans les relations économiques. En effet, si le droit perd sa crédibilité, le dommage n’est pas seulement juridique, mais aussi politique-institutionnel et surtout ecclésial. Et le plus grand risque est de compromettre la mission même de l’Église dans le monde. Ainsi, l’État du Vatican doit regagner la confiance des acteurs internationaux, en démontrant concrètement la transparence, l’équité et le respect des garanties procédurales.
Telle est la thèse centrale du volume “Le procès Becciu. Une analyse critique” (Marietti1820), signé par Geraldina Boni, Manuel Ganarin et Alberto Tomer, qui aborde ces thèmes avec une intensité particulière dans son dernier chapitre, intitulé “Dans un avenir très proche. Les répercussions sur la crédibilité internationale du Saint-Siège”. Les auteurs n’hésitent pas à le qualifier de crise annoncée, qui ne concerne pas seulement l’aspect pénal, mais aussi l’impact du procès sur la confiance internationale dans le forum du Vatican, la validité des clauses contractuelles et la surveillance économique et financière. Une réflexion qui mêle droit, diplomatie et réputation institutionnelle.
L’un des aspects les plus sensibles analysés dans le livre est la fiabilité du forum du Vatican, considéré depuis toujours comme un point de référence dans les relations avec les institutions publiques et privées. Cependant, les anomalies procédurales émergentes dans le procès Becciu risquent d’ébranler cette confiance. Selon les auteurs, cela touche au cœur même du droit à un procès équitable : de la violation du droit à la défense à l’absence de contrepoids adéquats dans la structure juridictionnelle.
L’une des questions centrales concerne la clause dite du forum du Vatican, fréquemment insérée dans les contrats entre les entités du Saint-Siège et des parties externes. Si le forum du Vatican ne semble plus être un forum impartial et respectueux des règles fondamentales du droit, la conséquence logique serait un abandon progressif de cette clause dans les contrats internationaux. Cela causerait un grave préjudice à la réputation du Saint-Siège dans les domaines économique et diplomatique.
Un autre point critique, souligné dans l’ouvrage, concerne la surveillance économique et financière, notamment dans le cadre de la coopération internationale contre le blanchiment d’argent. L’adhésion du Vatican aux mécanismes de Moneyval a constitué une étape essentielle dans le processus de transparence. Toutefois, des doutes surgissent aujourd’hui quant à la réelle fiabilité du système vatican, à la lumière des évolutions constatées au fil du temps.
Cette crise interpelle directement aussi la figure du pontife. Dans le volume, il est indiqué que le pouvoir du pape est certes suprême, mais nullement absolu. Il ne peut pas dépasser les limites tracées par le ius divinum. Et c’est précisément sur ce point que le livre développe sa critique la plus profonde : l’absence de cohérence entre le droit canonique et le droit vatican, qui aurait dû garantir justice et équité, a été au contraire clâmement ignorée dans le procès Becciu.
Boni, Ganarin et Tomer soulignent que le droit canonique n’est pas un élément étranger, mais la principale source normative de l’ordre juridique du Vatican. Sa marginalisation dans les récents procédures judiciaires constitue une fracture systémique qui ne peut manquer d’avoir des répercussions sur le plan international. Comment le Saint-Siège peut-il prétendre à la fiabilité si, en son sein, on observe de graves restrictions des droits fondamentaux de la personne?
De ce point de vue, le procès Becciu devient un test pour l’ensemble de l’organisation institutionnelle du Vatican. La justice vaticane peut-elle encore être considérée conforme aux normes internationales partagées, ou glisse-t-elle vers une juridiction opaque et arbitraire?
Le chapitre final du livre adopte un ton ferme, mais toujours argumenté. Il ne remet pas en question la souveraineté du Saint-Siège, précisent les auteurs, mais l’usage qui en est fait. La souveraineté ne peut pas se transformer en arbitraire : elle doit être exercée dans le respect des droits de l’homme, car c’est précisément le Saint-Siège qui se présente comme garant de la dignité humaine sur la scène internationale.
Chiara Lonardo