“Là où il y a la peur, il y a la fermeture”. François exhorte à suivre l’Esprit pour construire un monde de paix (S. Cavalleri et A. Sillioni)

“La peur bloque, la peur paralyse. Et aussi une île : pensons à la peur de l’autre, de ceux qui sont étrangers, de ceux qui sont différents, de ceux qui pensent différemment. Et il peut même y avoir la peur de Dieu: qu’il me punisse, qu’il se fâche contre moi… Si on laisse place à ces fausses peurs, les portes se ferment : les portes du cœur, les portes de la société, et aussi les portes d’Église! Là où il y a peur, il y a bouclage. Et ce n’est pas bon.” Le pape François l’a dit dans la brève catéchèse qui a précédé la prière mariale du Regina Caeli, qu’il a dirigée depuis la fenêtre de la III Loggia du Palais apostolique pour les fidèles (15 000 selon la gendarmerie).

“Frères et sœurs – a-t-il poursuivi d’un ton sincère – cet enfermement se produit lorsque, dans les situations les plus difficiles, nous laissons la peur prendre le dessus et faire entendre une voix forte en nous. Quand la peur entre, nous fermons. La cause, donc, c’est la peur : peur de ne pas y arriver, d’être seul face aux combats de tous les jours, de prendre des risques et ensuite d’être déçu, de faire les mauvais choix”.

“Invoquons – a-t-il ensuite articulé – l’Esprit Saint pour nous, pour l’Eglise et pour le monde entier : pour une nouvelle Pentecôte pour chasser les peurs qui nous assaillent et raviver le feu de l’amour de Dieu”.

Avant de prendre congé, Francesco a rappelé le 150e anniversaire de la mort d’Alessandro Manzoni, qui « à travers ses œuvres, était le chanteur des victimes et des moindres : ils sont toujours sous la main protectrice de la Providence divine, qui atterrit et éveille, afflige et console”.

Il a ensuite a invité “à prier pour les populations vivant à la frontière entre le Myanmar et le Bangladesh, durement touchées par un cyclone: plus de huit cent mille personnes, en plus des nombreux Rohingyas qui vivent déjà dans des conditions précaires”. “Alors que je renouvelle ma proximité avec ces populations, je me tourne vers les responsables – a-t-il dit – pour favoriser l’accès à l’aide humanitaire, et j’en appelle au sens de la solidarité humaine et ecclésiale pour aider ces frères et sœurs qui sont les nôtres”.

“Mercredi prochain, à la fin du mois de mai, dans les sanctuaires mariaux du monde entier – a-t-il ajouté – il y aura des moments de prière pour soutenir les préparatifs de la prochaine Assemblée ordinaire du Synode des évêques.

Nous demandons à la Vierge Marie d’accompagner cette étape importante du Synode de sa protection maternelle. Et nous vous confions aussi le désir de paix de nombreuses populations à travers le monde, en particulier – a-t-il insisté – dans l’Ukraine meurtrie ». L’utilisation de cet adjectif, désormais coutumier, n’implique pas une attribution de responsabilité, le pape, comme on le sait, s’abstient de criminaliser Moscou et invite Kiev à rechercher des voies de paix pour protéger son peuple, pas des médailles militaires pour orner cercueils.

Une analyse très réaliste qui a également émergé dans la liturgie de la Pentecôte qu’il a présidée dans la basilique vaticane (avec le cardinal Braz d’Aviz célébrant à l’autel). “Aujourd’hui dans le monde il y a tant de discorde, tant de division. Nous sommes tous connectés mais nous nous retrouvons déconnectés les uns des autres, anesthésiés par l’indifférence et opprimés par la solitude. Tant de guerres – pensez aux guerres ! – tant de conflits : le mal que l’homme peut faire semble incroyable!”, a dit François dans l’homélie de la Pentecôte prononcée à Saint-Pierre. “Dans l’œuvre créatrice de Dieu, l’Esprit agit pour l’unité, tandis que le malin se réjouit des antagonismes”, a-t-il expliqué, notant que, “précédant et dépassant notre mal, notre désintégration, il y a le mauvais esprit qui séduit toute la terre”.

Il aime les antagonismes, les injustices, les calomnies. Et face au mal de la discorde, nos efforts pour construire l’harmonie ne suffisent pas. Voici donc que le Seigneur, au faîte de sa Pâque, au faîte du salut, répand son Esprit bon, le Saint-Esprit, sur le monde créé, qui s’oppose à l’esprit de division parce que c’est l’harmonie, l’Esprit d’unité qui apporte la paix. Invoquons-le chaque jour sur notre monde!

Selon le Pape, l’harmonie « n’est pas l’homologation ou l’uniformité. Respecter et valoriser les charismes de chacun. Et cela doit nous faire réfléchir en ce moment où la tentation du retraiteisme cherche à tout homologuer dans des disciplines d’apparence uniquement, sans substance”.

Au contraire, l’Esprit « ne part pas d’un projet structuré, comme nous le ferions, que nous disperserons ensuite souvent dans nos programmes; non, il commence par accorder des dons gratuits et surabondants. A la Pentecôte, en effet, tout le monde a été rempli du Saint-Esprit. Tout rempli, c’est ainsi que commence la vie de l’Église: non pas à partir d’un plan précis et articulé, mais à vivre le même amour de Dieu. L’Esprit crée ainsi l’harmonie, il nous invite à nous émerveiller pour son amour et pour ses dons présents dans d’autres.

“Si nous voulons l’harmonie, nous le cherchons, pas les charges mondaines. Invoquons chaque jour le Saint-Esprit, commençons chaque journée par le prier, devenons-lui dociles!”. Sans l’Esprit « l’Église est inerte, la foi n’est qu’une doctrine, la morale qu’un devoir, la pastorale qu’un travail. Et bien des fois nous entendons tant de soi-disant penseurs, théologiens qui nous donnent des doctrines froides, elles semblent mathématiques, parce qu’elles envoient l’Esprit à l’intérieur”.

Les croyants doivent donc “se laisser façonner par l’Esprit”, en surmontant “notre résistance à promouvoir la réconciliation et la communion, au-delà de tout entêtement possible”. “Si le monde est divisé, si l’Église se polarise, si le cœur se fragmente, ne perdons pas de temps – a conclu le Pape Bergoglio – à critiquer les autres et à nous fâcher contre nous-mêmes, mais invoquons l’Esprit”.

Sante Cavalleri

Sur la photo: un dessin d’Andrea Sillioni