Ce 13 mai marque le quarantième anniversaire de l’attentat contre Jean-Paul II, perpétré par le tireur turc Alì Agca, dont on ne connaît toujours pas les commanditaires à ce jour. Un attaque contre le Pape, un mercredi d’audience générale bouleversant place Saint-Pierre, et qui a ému le monde entier. Une journée qu’a raconté le cardinal Stanislas Dziwisz, archevêque émérite de Cracovie, à l’époque secrétaire particulier du pontife polonais, lors d’un discours le 13 mai 2001 à l’Université catholique de Lublin en Pologne.
“L’après-midi, vers 17h, place Saint-Pierre, se tenait l’habituelle audience générale du mercredi. 17h17 : lors du second tour de la place (du Pape), on entendu les tirs visant Jean-Paul II. Alì Mehemet Agca, tueur professionnel, tira avec un pistolet et blessa le Saint-Père au ventre, au coude droit et à l’index. Un projectile lui traversa le corps et tomba entre le Pape et moi. J’entendis deux coups. Les balles blessèrent deux autres personnes. Moi, je fus épargné, bien que leur puissance était telle qu’elles pouvaient traverser huit personnes. Je demanda au Saint-Père “où est-elle?”, il répondit : “au ventre”. “Ça fait mal?”, il répondit : “Ça fait mal”. C’est à cet instant qu’il commença à s’effondrer.
Etant debout derrière lui, j’ai pu le soutenir. Il perdait des forces. Ce fut un moment dramatique. Aujourd’hui, je peux dire qu’à cet instant, se mit à agir une puissance invisible qui permit de sauver la vie du Saint-Père alors en danger de mort. Pas le temps de réfléchir, et pas de médecin à portée de main. Une seule mauvaise décision pouvait avoir des conséquences catastrophiques. Nous n’avons même pas tenté de lui prodiguer les premiers soins d’urgence, ni de penser à porter le blessé dans les appartements. Chaque minute était précieuse.
Il fut donc immédiatement transférer dans une ambulance. On trouva aussi son médecin personnel, le docteur Renato Buzzonetti, et à toute vitesse, nous nous sommes rendus à l’hôpital Policlinico Gemelli. Pendant le trajet, le Saint-Père était encore conscient, il perdit connaissance en entrant de l’établissement. Jusqu’à ce qu’il ne puisse plus, il pria à voix basse. (…) Il fut transporté dans une salle d’opération.A partir de ce moment-là, une grande responsabilité pesa sur les épaules des médecins. Un rôle particulier qu’eu le professeur Francesco Crucitti: il me confia plus tard que ce jour-là il n’était pas de garde, il était chez lui, mais une force mystérieuse l’avait poussé à se rendre au Policlinico. Il appris la nouvelle de l’attentat sur son trajet. Immédiatement, il proposa de suivre l’intervention, d’autant que le responsable de la clinique chirurgicale, le professeur Castiglioni, se trouvait à Milan et n’arriva à l’hôpital qu’à la fin de l’opération. (…)
L’opération était délicate. Le corps du Pape était vidé de son sang, le sang destiné à la transfusion n’était finalement pas adapté. Toutefois, à l’hôpital, on trouva des médecins qui avaient le même groupe sanguin (que Jean-Paul II) et qui n’hésitèrent pas à donner leur sang au Saint-Père pour lui sauver la vie. La situation était très grave. A un moment, le docteur Buzzonetti se tourna vers moi me demandant d’administrer l’extrême onction des malades, étant donné la gravité de l’état du patient. Sa pression diminuait et ses battements de coeur se sentaient à peine. (…) L’opération dura cinq heures et vingt minutes. Son espérance de vie augmentait cependant de minute en minute.
De très nombreuses personnes se rendirent au Policlinico : cardinaux, employés de la Curie… Le Secrétaire d’Etat, le cardinal Agostino Casaroli, n’était pas là car parti en voyage aux Etats-Unis. Des politiques aussi vinrent avec le président Sandro Pertini, qui resta près du Saint-Père jusqu’à deux heures du matin. Il ne voulait en effet pas partir tant que le Saint-Père n’était pas sorti de la salle d’opération. Le comportement du président fut émouvant, loin de tout calcul. Les chefs de partis arrivèrent aussi : Piccoli, Forlani, Craxi, Berlinguer etc. J’ajoute par ailleurs que Berlinguer annula la manifestation en faveur de l’avortement qui était prévue le 13 mai au soir. Après l’intervention chirurgicale, le Saint-Père fu transféré en salle de réanimation. Les médecins craignaient une infection ou d’autres complications.
Après avoir repris connaissance, le Saint-Père demanda : “Nous avons récité les Complies?”. On était déjà le lendemain de l’attentat. Pendant deux jours, le Pape souffrit beaucoup, mais ses chances de survies augmentaient aussi. Il resta en salle de réanimation jusqu’au 18 mai. (…) Le dimanche matin 18 mai, le Saint-Père enregistra un bref discours pour l’Angelus. Des paroles de remerciements pour les prières des nombreux fidèles, de pardon pour le tueur, d’abandon à la Madone. L’attentat avait uni l’Eglise et le monde autour de la personne du Saint-Père. Ce fut le premier fruit de sa souffrance. Et la Pologne veillait à genoux.”
Card. Stanislas Dziwisz